Le 2 novembre 2017
Vous vous souvenez de votre premier examen gynécologique ?
Moi oui. J’étais une ado, et malgré une gynéco plutôt chaleureuse, j’étais très mal à l’aise. Je n’avais aucune idée de ce qui allait se passer et personne ne m’a rien expliqué.
L’examen gynéco, trop souvent désagréable
10 ans ont passé, mais aller voir un·e gynéco reste une tâche plutôt déplaisante. La semi-nudité, le froid, la gêne (même si je ne suis pas super pudique), le speculum, le frottis…
J’y vais quand j’en ai besoin (par exemple pour la pose de mon DIU, pratiquée par ce super sage-femme) mais jamais en sifflotant et en gambadant.
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Et je pense ne pas être la seule. C’est pourquoi deux femmes bossant dans une agence de design ont décidé de réfléchir sur les façons de rendre l’examen gynéco moins inconfortable.
Yona, pour un examen gynécologique plus agréable et plus humain
Hailey Stewart et Sahana Kumar travaillent pour le studio de design Frog.
Un jour, comme le raconte Fortune, elles se sont retrouvées à échanger autour de leurs examens gynécologiques récents. Elles ont parlé de leur anxiété à l’idée d’y aller, de l’inconfort de la situation, des instruments perfectibles…
Alors elles ont remonté leurs manches et ont recruté d’autres employées pour créer Yona.
Yona est un projet de design visant à repenser entièrement l’examen gynécologique, pour le rendre moins inconfortable et remettre l’empathie au cœur de l’acte.
En commençant par redesigner le speculum, qui a peu évolué depuis son invention.
Le speculum, inquiétant et inconfortable
Le speculum a été conçu dans les années 1840 par un homme, le docteur James Marion Sims, « père de la gynécologie moderne ». Un père peu aimant qui a notamment expérimenté, sans anesthésie, sur des esclaves.
Autant vous dire que le confort de ses patient·es n’était pas le premier de ses soucis.
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Depuis, peu de choses ont changé au niveau du spéculum. Les éléments essentiels, à savoir des pales s’écartant au moyen d’une vis, sont restés les mêmes.
En 200 ans, on a fabriqué des speculums en plastique, un peu moins froids, et ajouté du lubrifiant pour faciliter l’insertion. C’est à peu près tout.
Dans le cadre de leur Radical Empathy Experiment, les femmes derrière Yona ont montré à des hommes (globalement horrifiés) un speculum et leur ont fait lire des retours de femmes après un examen gynécologique.
C’est plutôt édifiant.
« — Clairement, je ne voudrais pas que ce truc s’approche de moi. — Ça a un aspect primitif et effrayant. Et froid. »
« — En lisant ça, je sens mon humanité… bafouée, de façon métaphorique. C’est fou que vous ayez à subir ça. »
Le froid du spéculum, le bruit des tours de vis qui écartent par à-coups les pales de l’engin, la sensation du vagin dilaté de force mêlée à l’appréhension du désagréable frottis…
Rien que d’écrire ça, je sens ma chatte se souder.
Le speculum réinventé, plus doux et silencieux
Voici le speculum réinventé par Yona.
Comme vous le voyez, il comporte 6 améliorations :
- Un design en « trois bandes » permettant d’avoir un bon angle de vue sans avoir besoin d’écarter les pales de façon inconfortable
- Une poignée repensée pour éloigner la main du professionnel de santé de la patiente, et ne pas buter contre la table d’examen
- Un bouton sur le manche pour « débloquer » le speculum, permettant de l’utiliser à une seule main
- Un mécanisme d’ouverture discret, sans vis apparentes ni bruits inquiétants
- Une couche de silicone recouvrant l’acier, pour un outil moins froid et plus doux
- Une cavité permettant d’intégrer une lumière pour éclairer le vagin de l’intérieur
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À l’heure où je tape ces lignes, ce nouveau design est juste un prototype. Yona cherche des partenaires dans le domaine médical prêts à construire des speculums de ce type et à les tester sur des patient·es.
Fran Wang, de Yona, explique :
« [Le speculum actuel,] ça passe mais ce n’est pas idéal. Nous travaillons à l’améliorer.
Quand on donne [aux médecins] le choix entre un objet moins bon et un objet plus adapté, ils choisissent le plus adapté. Mais il faut déjà qu’ils connaissent l’existence d’une deuxième option. »
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Comment améliorer l’examen gynécologique ?
Souvenez-vous : au départ, Hailey Stewart et Sahana Kumar parlaient de leur inconfort pendant la globalité de l’examen gynéco, pas juste du speculum.
Elles proposent donc des pistes d’amélioration. Sur le site de Yona, en faisant défiler vers le bas, vous pouvez avoir accès à différentes idées :
- Une application sécurisée pour vous renseigner, poser des questions, renseigner vos informations et indiquer vos préférences au niveau de l’examen, avant même d’y aller.
- Un kit réutilisable pour plus de confort, contenant des chaussettes pour couvrir vos pieds dans les étriers, une couverture et une balle anti-stress. Dans la boîte, vous pouvez mettre vos affaires quand vous vous déshabillez.
- Des petits détails : une tringle où poser vos vêtements, et une protection en papier avec un marquage vous indiquant où mettre vos fesses pour vous éviter de vous tortiller sur la table d’examen.
- L’appli mentionnée plus haut permettrait aussi une petite session de méditation pendant que vous attendez. Le practicien indique sa venue via l’application, pour vous permettre d’être prêt·e mentalement.
- Le fameux speculum réinventé.
- L’appli finit par vous féliciter d’avoir pris soin de votre santé et vous propose de faire un don pour financer les examens d’autres personnes ou soutenir le centre médical.
Vous pouvez, pour chaque proposition, cliquer sur « I WANT THIS » (« JE VEUX ÇA ») afin d’indiquer à l’équipe derrière Yona que vous trouvez cette idée bonne.
Personnellement, je ne suis pas convaincue par toutes ces idées, je ne ressens pas forcément le besoin d’avoir une appli de méditation ou des chaussettes spéciales « passage chez le gynéco ».
Mais je sais que d’autres personnes sont vraiment très angoissées à l’approche d’un tel examen, alors si ça peut les rassurer, tant mieux !
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Ouvrons le dialogue sur l’examen gynécologique
Quand on parle d’examen gynécologique dans l’actualité, c’est d’un point de vue purement « santé », ou pour dénoncer (à juste titre) les violences que subissent certaines patientes.
Entre « quand faut-il y aller ? » et les actes criminels, il existe pourtant tout une zone de discussion globalement ignorée : comment se déroule un examen gynéco ? Et comment peut-on l’améliorer ?
Même si toutes les idées de Yona ne seront pas mises en application, et que la partie « comment les financer ? » n’est pas abordée, je trouve ça bien d’ouvrir le dialogue à ce sujet.
Car si on ne dit jamais ce qui pourrait aller mieux, alors on n’améliorera jamais rien !
Tu le vois comment, toi, l’examen gynécologique idéal ? Qu’est-ce qui te gêne, te déplaît ? En as-tu déjà parlé avec tes proches, avec des professionnel·les de santé ?
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Les Commentaires
Bonjour,
non tu n'es pas la seule à souffrir de cette phobie. Je suis aussi dans ce cas, et je me retrouve beaucoup dans ton témoignage. Pourtant, je n'ai jamais vu de gynéco de ma vie, ni subi d'événement traumatique. En fait, je suis littéralement paralysée à l'idée de devoir y passer un jour. J'ai déjà passé des heures à pleurer en y pensant... Je n'arrive pas à voir les examens gynécologiques autrement que comme des viols. Je n'ai pas encore 25 ans (l'âge où on nous encourage vivement à réaliser nos premiers frottis), et je pense que quand je les aurai, je n'irai pas me faire dépister. Je n'en ai pas la force... En plus, l'idée qu'on introduise des doigts ou des objets à l'intérieur de moi me révulse complètement au point d'en faire des cauchemars. Il faut dire que je n'ai jamais réussi à garder un tampon de ma vie ! Je crois que si je devais me faire examiner pour X raison, même avec un-e bon-ne soignant-e, je ferais une grosse crise de spasmophilie. Ça m'arrive parfois lors de rapports sexuels consentis avec mon copain... Alors avec un.e gynéco ou une SF, ce serait l'horreur absolue ! Du coup, pour l'instant, je préfère préserver ma santé psychique, même si c'est peut-être au détriment de ma santé physique.
Selon moi, plus de femmes qu'on ne le croit sont touchées par la même phobie. Mais, c'est un sujet tellement tabou qu'on en entend peu parler, et peu nombreuses sont celles qui parviennent à le faire. Donc, merci à toi pour ce témoignage. <3