Il y a quelques semaines, je me suis rendue à une pièce de théâtre un peu particulière. Ça se passait dans un amphi de l’institut Poincaré à Paris. La salle était remplie de jeunes lycéennes et ensemble, nous avons vu Dérivée.
Dérivée, c’est l’histoire d’Alice qui est en terminale S. Elle est préoccupée par son orientation : au fond, elle aimerait bien faire des mathématiques mais on lui déconseille ce choix.
Des petites scènes de la vie quotidienne s’enchaînent : on la voit discuter avec sa meilleure amie qui préfère parler d’amour. Il y a aussi son père qui se moque gentiment de sa conduite quand il l’accompagne en voiture ou son frère qui prend un peu plus tard beaucoup de place lors d’un dîner.
Une fois que la pièce est terminée, le spectacle continue : les acteurs et actrices invitent le public à débattre et à rejouer certaines scènes dans le but d’y trouver des solutions. Car l’idée est de faire réfléchir et de faire prendre conscience des stéréotypes de genre.
Dérivée, une pièce contre les stéréotypes sexistes
Dès le début de la pièce, le public présent semble passionné. Les blagues des acteur•trices font rire à gorge déployée et j’entends l’une des filles assise sur le rang devant moi chuchoter, amusée, à sa copine :
« Elle, on dirait moi, et elle, on dirait toi. »
Parfois, des stéréotypes qui sont prononcés dans l’histoire font réagir. Quand le père tient des propos sexistes, les lycéennes du public s’écrient. D’autres fois, ces phrases pourtant pas si innocentes passent crème, voire font rire.
Ce n’est pas grave, parce que pendant la pièce, le temps est plus à la détente qu’à la réflexion…
Le théâtre-forum, une forme de débat inhabituel contre le sexisme
Quand l’histoire se termine, l’un des acteurs se tourne vers le public pour lui demander s’il trouve que ça se finit bien. Les lycéennes répondent : c’est le temps du forum. On s’écoute, discute et trouve des solutions.
Les filles de l’assemblée sont ensuite invitées sur scène pour reprendre le rôle d’un personnage tout en appliquant la
solution qu’elles préconisent.
Maxine, 15 ans, est en seconde. Elle m’explique que ce type de théâtre lui plaît.
« Je trouve que c’est une bonne idée pour encourager les gens à participer, les investir un peu plus en comparaison à une pièce habituelle. On s’inspire les unes les autres.
Je me suis personnellement reconnue dans les reproches sexistes. J’en ai déjà eues. Je suis une bonne élève et par exemple on m’a dit que je m’étais tapée le prof pour avoir un 20/20 alors que pas du tout. »
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Dérivée, un spectacle qui fait réagir contre le sexisme
Ce spectacle marche. Il faut dire qu’il est bien rodé : il a été créé en 2009 et, depuis 2011, la compagnie LAPS/l’équipe du matin la joue. Cela veut dire que les acteurs et actrices en ont vu, des publics. Elise, actrice, raconte :
« En général, on a pas mal de réactions. On n’a jamais eu de séance où il ne se passait rien… Mais parfois on sent que ça met plus de temps à venir.
De notre côté, on a pris le parti de vraiment rebondir sur les réactions du public et d’orienter progressivement le débat. »
Tous les publics ont leur sensibilité : les acteurs me racontent que les plus jeunes ne voient pas forcément le sexisme, vers 14/15 ans, les amourettes ont la cote et les lycéennes les plus âgées s’intéressent plus à la question de l’orientation.
Cyril a co-écrit le texte de la pièce et joue dedans régulièrement. Il raconte, ému :
« On a parfois des réactions magnifiques. On se dit que c’est des filles qui ont tout compris.
Par exemple, ça arrive qu’une fille monte sur scène pour remplacer le rôle de la mère, parle et dit des choses si belles que tu la veux comme ta vraie maman, alors qu’elle n’a que 15 ans ! »
Dérivée libère la parole des filles contre le sexisme
Ce spectacle avait lieu au cours de la journée Filles et maths, encourageant les femmes à faire des études dans les sciences. Ces journées sont non-mixtes car, comme me l’explique Cyril, cela permet de libérer la parole des participantes.
« Elles se sentent plus à l’aise et c’est le plus important. »
Cependant, certaines représentations sont mixtes. Grâce aux subventions, la pièce Dérivée a pu être jouée dans des établissements scolaires où il est compliqué de séparer les genres. Cyril trouve que cela apporte un autre intérêt :
« C’est également intéressant que les garçons réfléchissent à ces questions, ça les remue. Ils se rendent comptent que certaines blagues ne sont pas si anodines que ça. »
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Des blagues dont m’ont parlé toutes les jeunes filles qui m’ont adressé la parole. Alors Oumou, élève de seconde de 15 ans, a un message à adresser à tout le le monde :
« Ce n’est pas parce que les gens font des remarques négatives que l’on doit abandonner !
J’ai fait de la boxe et j’ai remarqué qu’à chaque fois qu’une fille veut faire un sport de combat on lui dit que non, ce n’est pas un garçon, qu’il faut qu’elle arrête…
C’est du n’importe quoi. Les filles peuvent même être meilleures que les garçons ! »
Et si vous voulez assister à Dérivée, une séance exceptionnelle aura lieu à la mairie du 3e arrondissement de Paris, le jeudi 9 mars 2017 à 19H.
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