Souvent les interventions des pompiers sont nécessaires, mais parfois non. S’agissant de celle que je vais vous raconter… On se demande encore ce qu’on est allé faire là-bas.
Lorsque nous partons, la feuille de route indique un malaise sur une péniche. Ok, pourquoi pas, c’est parti direction le canal. Comme c’est souvent le cas, un badaud nous fait des grands signes quand nous arrivons à hauteur des lieux de l’intervention.
– C’est moi qui vous ai appelé ! Il y a un monsieur sur le pont de sa péniche qui est allongé. Il fait froid et la nuit tombe alors je trouvais ça bizarre… – Vous avez essayé de le réveiller ? – Oui, je l’ai appelé depuis le quai mais je n’ai pas osé monter à bord. Je me suis dit que c’était une propriété privée, j’ai préféré vous prévenir. – Vous avez bien fait, merci. Les policiers ne devraient pas tarder, si vous pouvez rester un peu ils auront besoin de votre déposition comme vous êtes le seul témoin.
Pendant ce temps là, mes deux collègues enjambent le bastingage du bateau et se penchent sur la victime, un homme d’une cinquantaine d’années.
– Il est conscient ? Je demande en les rejoignant. – Juste endormi… Mais alors qu’est ce qu’il pue !
Oula, effectivement : ce monsieur a beau vivre sur l’eau il n’a pas l’air de s’y baigner très souvent. Sans compter l’odeur de l’alcool par-dessus… Nous avons affaire à un ivrogne dans toute sa splendeur, nous devons donc vérifier qu’il ne nous fait pas un coma éthylique.
Je saisis l’homme par le col et commence à le secouer comme un prunier. Pour réveiller ce genre de cas, y’a que ça qui marche (et les baffes). « Hé ho monsieur ! C’est les pompiers ! Vous êtes endormi sur votre bateau. Ça va ?! ». Ouvrant difficilement les yeux, notre soiffard se réveille en grognant, et il est pas content.
– Les Pompiers ? Mais ça va pas de me réveiller comme ça ?! Et qu’est ce que vous foutez ici d’abord ? – Bah, on nous a appelé. Vous étiez inconscient… – J’étais pas inconscient, je dormais bande de moules ! Qui vous a appelés ? – Le monsieur là-bas sur le quai. Mais il a bien fait, avec le froid… – Vous voulez dire le nègre ? – … Heu, non. Le monsieur noir…
Se levant difficilement, l’ivrogne en rajoute une couche en interpelant le badaud :
– Hé le bougnoule ! Personne t’a rien demandé ! Faut laisser les Français tranquilles ! – Pardon ?!? J’ai appelé pour vous aider moi ! Mais on est où là ?! Vous pouvez pas me traiter comme ça Monsieur ! – C’est ça, retourne dans ton pays bamboula !!! – Mais je suis Français !
Oula… On est venu pour un malaise, on va rester pour une bagarre. Il est temps d’intervenir en douceur. « Les mecs, vous maîtrisez gentiment l’alcoolo, je vais essayer de calmer le témoin… »
Je descends de la péniche pour aller à sa rencontre, quand je vois les flics débarquer pour prendre note de notre intervention… Et accoster le black : « Contrôle d’identité, vos papiers s’il vous plait ! »
Épilogue Heureusement la situation s’est vite désamorcée. Lorsque j’ai expliqué l’histoire aux policiers, ils se sont immédiatement excusés pour leurs « malheureux réflexes », et au final ils n’ont même pas pris la déposition du type. Le soiffard quant à lui était déjà rentré se coucher dans sa cabine. Nous on n’avait plus rien à faire là, alors on est reparti à la caserne.
Ouais, des fois on se dit qu’il y a des gens qui ne méritent vraiment pas qu’on se déplace pour eux.
Les Commentaires
(Bon, à côté de ça, les flics ont commencé par un "bonjour contrôle des papiers", il y aurait eut un petit côté "hôpital qui se fout de la charité" s'ils avaient coffré l'ivrogne pour injures racistes...)