Son style était aussi flamboyant que son carré roux, et sa ligne reconnaissable entre mille. Voici un article non-exhaustif qui t’expliquera pourquoi Sonia Rykiel, décédée aujourd’hui, était une créatrice qui laissera une empreinte indélébile aussi bien dans le monde de la mode que dans mon coeur de féministe.
Sonia Rykiel, autodidacte engagée
Née à Paris en 1930, Sonia Rykiel, d’origine russo-roumaine, était d’abord une femme passionnée, d’une créativité étincelante. Elle a débuté dans la mode sans formation, sans avoir été façonnée par ses codes et ses diktats. Ceux qui affirment qu’elle s’est affranchie de ces derniers n’ont pas compris que son travail n’en avait jamais souffert ! Ils n’existaient pas pour elle car elle n’en n’a jamais voulu, ni dans ses créations, ni pour ses clientes.
La créatrice à la tignasse de feu était aussi une femme de lettres. Elle présentait même des livres à côté de ses silhouettes dans les vitrines de sa boutique ouverte en pleine période de mai 1968 dans le 6è arrondissement de Paris. Ne pouvant envisager la séparation entre ses créations et le milieu littéraire, elle mettra notamment à l’honneur le vêtement à message, porteur d’expression et témoin des changements du statut de la femme.
De cette volonté libérée est née, fin des années 70 la démode : un concept établissant qu’on porte un vêtement pour soi, pour s’exprimer, sans se sentir concerné•e voir opprimé•e par les règles de la mode de l’époque. Elle dira à propos de ce concept :
« Le pantalon c’est la possibilité de l’égalité entre les femmes qui ont de belles jambes et celles qui n’en ont pas ».
Sonia Rykiel, un style audacieux et féministe
« rykielisme [nom féminin/masculin ; riki&lisim]
Mouvement féminin fondé par Sonia Rykiel en 1968 à Saint-Germain-des-Prés, Paris, Rive Gauche. Il prône la libération des femmes par la sensualité, l’intelligence, et l’irrévérence.
Le Rykielisme c’est la liberté d’être soi-même, c’est un mode de vie, chic et décalé.
Dans les rives gauches du monde entier, partout où existent des femmes éprises de liberté, le Rykielisme surgit.
à suivre… »
Le style Rykiel, tu l’auras compris, est libre, balayant les finitions classiques (les ourlets, les doublures), enterrant encore une fois les soutiens-gorges, prônant l’androgynie comme tu peux l’apercevoir sur ce cliché de la créatrice dans sa boutique rue de Grenelle.
Je parlerai aussi du noir, des rayures ultra-colorées, du jacquard, du lurex (c’est-à-dire les fils métalliques insérés dans le tricot, lui donnant à un aspect brillant), des strass, du velours.
Sa pièce maîtresse restera à mes yeux son petit pull en tricot très ajusté, le même que celui qui a fait parler de Sonia Rykiel pour la première fois en 1971 porté par Françoise Hardy, comme le raconte le Huffington Post.
Je partage ci-dessous la collection automne-hiver 2010/2011 qui est une de mes préférées. Je l’aime pour sa douceur, sa féminité, son côté résolument funky, et son pompon comme couvre-chef impertinent (et puis il faut le dire, c’est bien rare de voir des mannequins s’amuser autant).
Reconnaissances, distinctions et hommages rendus à Sonia Rykiel
Le côté obscur de la mode, entre compétition, jalousie et ragots n’est plus un sujet à débattre, mais Sonia représentait pour moi une des mères de la Couture française des XXè et XXIè siècles. Il me semble qu’elle rassemblait tout le monde, entourée par une vraie famille de créateurs.
Cette famille lui a témoigné toute son admiration en 2008 à travers un défilé organisé à l’occasion du 40è anniversaire de la maison Rykiel. Un évènement vraiment sublime rassemblant le travail de 30 créateurs qui ont donné leurs versions de la femme Rykiel.
En 2012, elle recevait des mains de Pierre Bergé (le président de la fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent) les insignes de commandeur des Arts et des Lettres. Il a déclaré ces mots qui résume très bien une partie de son oeuvre :
« Ce que vous avez fait de la mode, Sonia, est essentiel. Vous avez été une des rares (…) à comprendre que la mode n’était pas faite pour satisfaire les fantasmes d’un créateur, mais pour s’adresser aux femmes. Et pas seulement aux femmes riches, oisives, mais aux femmes actives. »
C’est, en effet, la première créatrice à dessiner une collection en collaboration avec les 3 Suisses en 1977. Plus tard, en 2009, elle réitérera l’expérience avec H&M, afin que tout le monde puisse adopter le style Rykiel.
Les témoignages d’hommage n’ont pas tardé à fleurir sur Internet.
Tout d’abord sa fille, Nathalie, qui collabore à ses côtés pour la maison Rykiel depuis les années 80.
Le créateur Jean-Charles de Castelbajac a également fait part de sa tristesse.
Ainsi qu’Albert Elbaz.
Pour ma part, je me souviens avoir mis les pieds dans une boutique Rykiel pour la première fois alors que je venais tout juste de débuter ma formation de styliste à Lyon. J’étais émerveillée par le choix des matières, les formes justes, les touches de couleurs vives et surtout des rayures, ses rayures, partout !
La maison a de magnifiques jours devant elle, aux commandes de Nathalie Rykiel, et je sais qu’elle continuera à cultiver la liberté des corps à travers le vêtement comme la grande Reine du tricot a pu le faire pendant si longtemps.
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Les Commentaires
Dans tous les cas, ça n'enlève rien au talent personnel de Sonia Rykiel, à mes yeux, et à ce qu'elle a apporté dans le milieu de la mode.