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Société

Peut-on croire les sondages ?

À l’approche de l’élection présidentielle française, Justine vous explique comment fonctionne les sondages et si on peut vraiment s’y fier.

Les sondages sont aujourd’hui monnaie courante : nous sommes interrogé•es sur notre attachement à telle marque de shampoing, sur ce que l’on pense du traitement des eaux usées de notre ville (#truestory), sur notre perception de telle personnalité…

En cette période électorale, chacun propose son pronostic et annonce que cette fois, c’est sûr, Machin-chose sera le grand vainqueur de l’élection présidentielle.

C’est quoi, un sondage ?

Pour faire simple, le sondage se définit comme un procédé statistique, que l’on utilise pour recueillir des informations sur une population donnée grâce à un échantillon (c’est-à-dire une partie de cette population).

Pour que le sondage soit qualitatif, valide, pour qu’il reflète quelque chose, il doit respecter un certain nombre de critères.

Qu’est-ce qu’un échantillon représentatif ?

D’abord, l’échantillon doit être représentatif d’une population.

Si, par exemple, vous interrogez uniquement des personnes votant habituellement à droite, il est probable que leurs intentions de vote tendent vers un•e candidat•e de droite — mais cela ne signifiera pas que toute la population adoptera cette attitude.

Pour que le sondage soit valide, l’échantillon doit être représentatif.

De la même manière, si vous souhaitez obtenir des informations sur le climat de votre entreprise, l’échantillon devra représenter les salarié•es de votre société (inutile, donc, de faire un sondage en dehors de la boîte).

Généralement, un échantillon peut être construit via deux méthodes :

  • La méthode aléatoire : le « sondeur » a une liste de tous les individus de la population française. Cette technique part du principe que chacun•e a la même « probabilité » de faire partie de l’échantillon.
  • La méthode des quotas : cette fois, le sondeur tente de reproduire les proportions des catégories socio-démographiques de la société ; il devra interroger X% d’hommes, X% de femmes, X% d’ouvriers…).

Sondage, taille d’échantillon et marge d’erreur

Ensuite, la taille de l’échantillon a aussi une importance !

C’est elle qui permettra d’estimer le niveau de confiance du sondage et sa marge d’erreur, c’est-à-dire la fourchette d’incertitude entre les données d’un sondage (via un échantillon de population) et les données de la population totale.

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Par exemple, disons qu’à la suite d’un sondage, le candidat Machin obtient 18% d’intentions de vote, alors que le candidat Trucmuche obtient 21%.

Surveillez la marge d’erreur pour mieux comprendre les sondages.

Dans ce cas-là, la marge d’erreur peut permettre d’interpréter complètement différemment les résultats : si l’échantillon est associé à une marge d’erreur de 3%, cela signifie que le sondage ne donne aucune indication sur l’ordre d’arrivée des candidat•es !

Autrement dit, il peut être sacrément important de connaître les marges d’erreur des sondages lorsque nous prenons connaissance de leurs résultats.

Si le sujet vous intéresse, un article du Monde évoque la possibilité de prendre en compte les marges d’erreur dans les sondages.

Comment s’assurer qu’un sondage n’est pas biaisé ?

Vous l’avez compris : pour que le sondage soit de qualité, il est nécessaire de prêter attention à des règles de statistiques et de probabilités.

D’autres facteurs sont à prendre en compte. Par exemple, il ne faut pas que les questions soient « biaisées » (c’est-à-dire qu’elles induisent une réponse), ou que leur ordre « contamine » les réponses suivantes

En bref, lorsque nous demandons à nos followers sur Twitter de voter pour leur plat préféré, ce n’est pas vraiment un sondage : ce n’est pas parce que 56 personnes kiffent la ratatouille que leurs réponses reflètent l’opinion de la majorité des gens.

À lire aussi : Rencontre avec Nina, qui sillonne la France pour « Le Verre Politique »

Même s’il est valide, est-ce qu’un sondage est juste ?

C’est un peu la question éternelle ! Vous avez fait votre échantillonnage, préparé les questions de votre sondage… Est-ce que cela suffit pour que ses résultats puissent être gravés dans le marbre ?

Oui et non : ce qui est certain, c’est que votre sondage reflète quelque chose à un instant T et, en même temps, cela ne signifie pas que ses résultats pourront se répliquer à un autre moment.

Vous me voyez venir ?

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Aujourd’hui, mon cœur me dit de voter NPA. Si un sondeur m’interroge, je peux répondre dans ce sens.

En revanche, en avril, face à l’urne, il est possible que je décide une autre stratégie de vote (voter « utile », par exemple) : je pourrais glisser un bulletin pour un autre parti.

En fin de compte, les réponses aux sondages seraient plutôt des « indices ».

Comment les sondages influencent l’opinion publique

Le truc, c’est qu’un sondage peut aussi être perçu comme un moyen de manipuler l’opinion.

Admettons que je ne sois pas encartée, mais que je me considère plutôt à gauche.

Les réponses aux sondages seraient plutôt des « indices ».

Dans ma tête, je décide de voter pour Benoît Hamon. En lisant un sondage, je m’aperçois qu’Emmanuel Macron est crédité de plus d’intentions de vote au premier tour — alors que le candidat PS serait quant à lui éliminé.

Dans ce cas-là, le sondage peut peut-être influencer mon vote.

Finalement, c’est un peu le serpent qui se mord la queue : je souhaite voter selon mes convictions, mais je souhaite également faire barrage à la droite (et à l’extrême droite).

En même temps, si je fais ça, je ne serai pas non plus satisfaite… Mais c’est un autre sujet !

Les résultats des sondages sont également souvent présentés de manière biaisée.

Prenons un exemple un peu grossier : lorsqu’un journal titre « Marine Le Pen est créditée de 20% d’intentions de vote ! », ce n’est pas pareil que de titrer « 80% des gens ne glisseront pas un bulletin au nom de la présidente du FN ». Vous voyez ?

À lire aussi : Comment choisit-on notre vote ?

Les sondages impactent-ils mon opinion ?

Mediamento, un institut d’études cognitives des médias et de la publicité (fondé par Dorothée Rieu, docteure en neurosciences), avec l’appui de spécialistes de psychologie sociale et de neurosciences, s’est penché sur l’impact des sondages sur les intentions de vote.

Les résultats d’un sondage peuvent-ils nous pousser à modifier nos votes ?

Pour répondre à ce questionnement, l’équipe de Mediamento a mis au point une enquête en ligne, moins de 6 jours avant le premier tour de la présidentielle 2012. Chaque participant•e peut voir plusieurs résultats de sondages fictifs, au milieu d’autres sujets que la politique.

Ensuite, on demande à chaque participant•e d’indiquer le nombre de chances sur 100 qu’il/elle aurait de voter pour l’un•e des candidat•es au 1er tour de la présidentielle (avec la possibilité de voter blanc ou de s’abstenir).

Verdict ? Près de 25% des personnes interrogées changent d’intention de vote selon les résultats des sondages politiques présentés au cours de l’expérience.

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Les sondages chez les scientifiques

Les sondages et leurs résultats sont à manier avec précaution.

Chez les chercheur•ses, les sondages et enquêtes d’opinion sont sujets à controverses. Un certain nombre d’entre eux pointe la question de la neutralité (des instituts, des enquêteur•trices…), des conditions de réalisation des enquêtes, de l’écart entre nos intentions conscientes et nos attitudes inconscientes.

Dans une tribune, Pierre Bourdieu explique par exemple que « l’opinion publique n’existe pas » — en tout cas, telle que définie dans les sondages. Le sociologue avance ainsi que :

  • les sondages interrogent par des questions qu’on ne se pose pas forcément, ce qui induit des réponses que l’on n’aurait pas forcément données,
  • les sondages imposent le fait de donner son avis, alors même qu’il est parfaitement possible que nous n’en ayons aucun (et que nous ne soyons pas des professionnels de l’avis politique),
  • les réponses que nous donnons aux instituts de sondage n’ont aucun enjeu, ont-elles donc une fiabilité ?
  • les résultats des sondages ne sont qu’une somme de réponses individuelles, considérant que statistiquement, toutes les opinions se valent… Alors que selon les personnes, selon les groupes, nous aurons plus ou moins de motivation à aller l’exprimer et à influencer d’autres personnes/groupes.

Les sondages et leurs résultats sont, somme toute, à manier avec beaucoup de précautions !

Pour aller plus loin :

  • Un article précédent de votre humble serviteur sur nos comportements politiques
  • Un article de Cerveau&Psycho
  • Un article du sociologue Patrick Champagne

À lire aussi : REPLAY — Comment se faire sa propre opinion politique ?


Les Commentaires

5
Avatar de Azeban
9 mars 2017 à 13h03
Azeban
Il y a un autre gros biais dans les sondages, c'est qu'ils sont "redressés".
Autrement dit, on fait une cuisine sur les résultats bruts. Ça peut être relever le FN qui est considéré comme sous-déclaré. Ou juste bidouillé en fonction d'autres résultats électoraux, ou de ce que les gens déclarent avoir voté à telle ou telle autre élection.
Par exemple, certains sondages des présidentielles sont redressés en fonction des régionales 2015. Or, les forces en présence ne sont pas du tout les mêmes : je prend dans ma région (Auvergne-Rhône Alpes), on avait :
-une liste PCF
-une liste PS
-une liste de rassemblement comprenant entre autre le PG, EElV, Ensemble, Nouvelle donne.
Dans les autres régions, c'était différent. Et les scores "nationaux" n'ont pas vraiment de sens car on a additionné des choux et des carottes (ou parfois pas additionné des carottes et des carottes, bref).
Redresser les scores de JLM et de Hamon à partir de ça, ça n'a pas grand sens, en fait.
Que ce soit à partir du score ou de ce que les gens déclarent (parmi les gens qu ont voté pour la liste PG/EElV, j'en connais qui vont dire avoir voté FdG (même si c'est inexact, c'est comme ça qu'ils l'ont pensé), d'autres EElV, et perso je sais même plus comment était étiquetée cette liste au niveau national (sans doute divers gauche ?).

Les instituts de sondages restent presque toujours opaques sur leur façon de redresser les chiffres, d'ailleurs, et ne publient généralement pas les chiffres bruts.

Bref, si vous voulez allez plus loin que ce chouette article, j'avais lu le livre "Sondages. Souriez, vous êtes manipulés" de Patrick Lehingue, Rémy Caveng et Alain Garrigou, et c'était très instructif
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