?L’autre jour, alors que je me promenais tranquillement en passant devant les terrasses relativement vides malgré le soleil qui colorait le ciel, je me suis sentie un peu seule.
Pendant les vacances, la ville se vide de ses habitués, les comptoirs tiennent un peu moins bien sans leurs piliers, les bureaux de tabac ferment et c’est un jeu de piste infini pour en trouver un faisant résistance.
On peut commencer à compter les stores baissés dans les rangées d’immeubles, les passants qui discutent de leurs très prochaines vacances et les promos incroyables sur les serviettes de plage.
Moi qui suis partie en bord de mer avant les autres ; moi la pionnière des congés payés ; moi, l’âme esseulée dans la cité désertée, j’ai soudainement réalisé que je ne pourrais compter que sur moi-même et mes nombreux amis imaginaires afin d’occuper les prochaines semaines.
Les désagréments de l’été
Car certains ont beau quitter la ville, d’autres – et pas les moins nuisibles – restent en faction dans les endroits stratégiques.
Ainsi il y aura toujours la queue aux caisses des supermarchés et ce à n’importe quelle heure de la journée car les personnes âgées tiennent à mourir sur leurs terres et ne partent jamais ailleurs qu’au bout de leur rue.
Ainsi il y aura toujours des groupes d’adolescents au cinéma pour manger des pop-corn bruyamment car les jeunes s’emmerdent en vacances encore plus que chez eux.
Ainsi il y aura toujours du monde à la piscine, chez le glacier, au restaurant ou chez Picard et lorsque l’on voudra se rendre dans un endroit un peu plus calme et retiré on s’apercevra que cet endroit est fermé pendant l’été, faute de fréquentation suffisante.
Ainsi il y aura toujours La grande vadrouille et le Gendarme à St Tropez à la télévision, des rediffusion de bêtisiers de Noël rhabillés d’une paire de tongs sur TF1, les meilleurs clashs d’On est pas couchés
qui ont tourné cent fois sur Youtube pendant six mois et avec un peu de chance Flavie Flament présentera une émission chantante avec des stars oubliées que l’on croyait mortes mais qui semblent avoir ressuscité miraculeusement.
Le courrier et plus particulièrement les colis-importants-qu’on-attend-fermement arriveront toujours en retard car La Poste connaît des perturbations importantes en période estivale.
N’importe quel voyage en train sera un calvaire compte tenu de la sur-population des gares et de la propension naturelle à la SNCF de cumuler les retards et les incidents techniques en période rouge.
Si vous êtes victime d’une mésaventure administrative pendant l’été, abandonnez immédiatement tout espoir de la régler rapidement, plutôt que de vous énerver sur les malheureux fonctionnaires qui ont hérité de la surcharge de travail de leurs collègues en attendant tristement leurs prochaines vacances.
?L’été, plus que jamais, il faut adopter une philosophie de vie bouddhiste ou s’armer d’un solide stoïcisme car le monde va tourner au ralenti, et peut-être même tournera-t-il à contre-sens que ce ne serait grave pour personne, car l’été on doit être « tranquille ».
Si comme moi vous n’êtes pas « tranquilles » de nature et si malgré de profondes tentatives d’apaisement vous ne parvenez pas encore à calmer vos nerfs alors il faudra prendre votre mal en patience ou lister les possibilités de bonheur à tirer de cette période particulière.
Les joies de la solitude
Les voisins relous qui passent leurs temps à discuter (fort) sur leur balcon se sont enfin absentés, fini les odeurs de viandes grillées et de friture qui persistent dans l’air caniculaire pendant des heures. En bonus on peut même organiser un petit cambriolage chez eux si l’on s’y touche un peu dans le domaine de la truande, histoire de détériorer quelques objets nuisibles tels que le poste de télévision hurlant à chaque 20h30, le téléphone fixe, le réveil qui sonne trop longtemps le matin…
Les places assises dans le tromé et le périph vide à sept heures du matin. Notez que pour le périph, je n’en sais foutrement rien car je ne possède pas d’automobile. Mais le matin dans le métro j’ai de la place pour poser ma carcasse, mon sac et même mes pieds sur le siège de devant si l’envie m’en dit (mais la bienséance me retient toujours). De plus j’éprouve le bonheur de ne sentir que mon propre parfum au lieu du magma habituel qui flotte dans chaque rame.
Les piscines découvertes, c’est un peu comme la plage sans le sable qui colle, un peu comme le camping mais sans l’animateur Club Med, c’est l’endroit où il faut être dès dix heure du matin pour profiter des trois transats qui se battent en duel avant le débarquement des smalas agitées, mais l’effort en vaut la peine.
Les livres et les DVD que l’on peut emprunter en nombre pendant deux mois à la bibliothèque de quartier et que l’on peut laisser traîner sur sa table de chevet sans culpabiliser d’avoir à les rendre bientôt, sans même les avoir lus, puisque les prêts sont prolongés.
Je crois qu’on ne connaît réellement une ville que lorsqu’on la pratique en hors-saison, quand ses habitants la fuient et qu’on y est abandonné, qu’elle n’est plus rythmée par ses horaires ordinaires ni cachée derrière son lot de soldats réguliers.
À force de croiser des stores baissés je me contrains à regarder davantage le paysage, à profiter des rues propres et des pavés lustrés. Je redécouvre ce que je croyais déjà connaître et c’est aussi pour cela que cette solitude estivale ne me dérange pas. Au contraire, c’est comme des vacances prolongées, un repos qui s’étire encore un peu avant le réveil difficile de la rentrée.
Les Commentaires
Je me sens soudainement triste.