Une société matriarcale, ce n’est pas vraiment ce qu’on imagine ! On ne trouve pas vraiment de trace d’un peuple amazone où l’intégralité des pouvoirs symboliques, économiques, politiques et/ou militaires auraient/seraient détenus exclusivement par des femmes.
Ainsi le terme « matriarcat », construit pour s’opposer à celui plus connu de « patriarcat », ne permet pas, pris sans nuance, de décrire une culture existante ou ayant existé.
Mais ne perds pas espoir, exploratrice en quête d’inconnu ! Il existe bien des peuples qui, en matière de répartition des rôles genrés dans la société, ont pris des voies radicalement différentes des nôtres. Partons à leur rencontre.
Les Na, en Chine
Aussi appelée « Moso », cette ethnie du sud-ouest de la Chine est surprenante à bien des niveaux. Pour la caractériser, on parle de société matrilinéaire, matrilocale et avunculaire !
Un petit point s’impose donc : dans une société matrilinéaire, la filiation passe par la mère, qui transmet notamment à ses enfants son nom et son futur héritage. Les Moso sont aussi dit « matrilocaux » car l’époux rejoint sa femme dans sa famille lors du mariage. Enfin, on parle de société avunculaire car ce sont les oncles maternels, et non les pères, qui s’occupent des enfants.
La présence d’enfants des deux sexes au sein des familles devient primordiale : les femmes parce qu’elles transmettent le lignage, les hommes parce que ce sont eux qui s’occuperont des enfants de leur… soeur.
Chez les Moso, la division du travail respecte la distinction entre travaux physiques pour les hommes et tâches domestiques pour les femmes.
Ce peuple, qui honore entre autre la déesse mère Hlidi Gemu, est également connu pour ses moeurs à la fois décontractées du slip et fort pudiques. On y pratique la « visite furtive » :
Reconstitution au musée du village touristique de Luoshui.
« La nuit, les hommes se glissent dans le lit des femmes des maisons alentours. Les uns comme les autres se font un devoir de n’être ni jaloux, ni fidèles (dispositions mal vécues chez les amants Na). » — Sciences Humaines
Mais le tourisme de masse et l’interventionnisme des autorités chinoises ont profondément bouleversé ces modes de vie. Ce reportage audio de France Culture met en avant un paradoxe étonnant : puisqu’elles régissent toute la maisonnée, les femmes Na n’ont pas le temps… de s’éduquer.
ARTE a également tourné un très beau documentaire en pays Moso, dont un extrait, montrant un enterrement, est disponible.
Juchitán de Zaragoza, au Mexique
Juchitán de Zaragoza est une ville au Sud du Mexique connue notamment pour ses Velas, fêtes traditionnelles ayant généralement lieu en mai.
Mais Juchitán, c’est aussi « la ville des femmes » ou encore « la ville la plus tolérante du Mexique » !
À l’origine, à Juchitán, les hommes s’occupaient de ramener la matière première que les femmes transformaient ensuite avant de vendre leur artisanat sur le marché. C’est donc aux femmes qu’incombaient la responsabilité des finances familiales. Même si de nos jours les rôles sont un peu mieux répartis, elles ont toujours le contrôle de la vie économique de la ville.
Les femmes de Juchitán sont réputées dans tout le pays pour leur intelligence et leurs talents. Leurs vêtements richement ornés attestent d’une position sociale respectée.
Il ne s’agit pas cependant d’une société matriarcale comme on pourrait l’imaginer : Anna Boyé, photographe et anthropologue, parle plutôt d’une ville où « matriarcat et patriarcat cohabitent sous le même toit ». Aux femmes le commerce, l’organisation des Velas, la maison et la rue, les temples ; aux hommes la politique, la pêche, l’agriculture, la musique.
Parallèlement, les « muxes » auraient de quoi faire hurler un cortège « Pour Tous » : il s’agit d’hommes « au coeur de femme ». Travestis et homosexuels sont respectés par l’entière communauté qui leur consacre des festivités spéciales. Nuançons cependant : les hommes hétérosexuels gardent quelques scrupules à fréquenter de trop près les muxes, et les lesbiennes de la communauté ne bénéficient pas du même degré de reconnaissance.
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Les Khasi, en Inde
Direction à présent le Nord-Est de l’Inde, dans l’État du Meghalaya !
Matrilinéaire et matrilocale, la société Khasi fait figure d’exception en Inde : c’est la plus jeune fille de la famille, la khaddu, qui deviendra la chef de famille, l’héritière, et la gardienne des traditions familiales. Enfant, elle est mise à part et dispensée des corvées domestiques. Ce statut privilégié s’accompagne de contrainte : la khaddu ne décide pas de son futur mais doit poursuivre une tradition familiale et reprendre les terres.
Les hommes, eux, n’héritent de rien et en cas de divorce ils perdent tout.
Chez les Khasi, c’est donc pour avoir une petite fille que l’on prie.
« Si les parents ont un garçon, vous entendrez des choses comme : « Bon, OK, ça va aller ». Mais si c’est une fille, ce sera une explosion de joie et des applaudissements. » — Propos recueillis par Le Point
Près de 80% des Khasi sont chrétiens depuis la colonisation anglaise, mais ici les maris sont vus simplement comme la « côte droite des femmes », selon une lecture particulière de l’Ancien Testament.
Cependant, la société Khasi évolue : les programmes télé venus de Bombay par satellite depuis quelques années et le tourisme de masse ont bouleversé les codes, et des voix s’élèvent chez les hommes pour plus d’égalité des sexes… et un retour à la filiation patriarcale.
Ni les Khasis, ni les Na ni les femmes de Juchitán, ne vivent dans des sociétés paradisiaques et parfaitement égalitaires. De plus, la modernité, le tourisme et l’influence culturelle de pays proches menacent ces traditions séculaires.
Pas de matriarcat caricatural ni de solution pour une égalité parfaite, mais la connaissance, forcément enrichissantes, de ces peuples aux codes différents des nôtres nous permet de mieux penser à notre société actuelle et à celle que nous voulons dans le futur !
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