— Initialement publié le 19 août 2013
Si vous envoyez des SMS au beau milieu de la nuit, c’est à vos risques et périls. J’espère que nous sommes tou-te-s d’accord là-dessus. Je fais bien entendu allusion à ce jour où vous avez malencontreusement appuyé sur la touche « Envoyer » alors que vous vous trouviez dans un état d’ébriété avancé.
Évidemment, dans ce cas-là, vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même (ou à votre double maléfique qui abuse du Bloody Mary).
Mais il est une famille de SMS nocturnes que l’on oublie souvent : celle des messages que l’on reçoit. Ces messages qui nous réveillent alors que nous venions de tomber dans les bras de Morphée, qui nous font sursauter et rencontrer le plafond un peu trop brusquement (si toi aussi tu as eu un lit-mezzanine, je t’accompagne dans ta douleur) ou qui te font prendre un bain de minuit improvisé parce que tu avais ponctuellement oublié qu’il y avait un verre d’eau sur la trajectoire qui relie ta main au téléphone posé sur ta table de nuit.
Vous allez me dire que les SMS reçus relèvent tout autant de notre responsabilité que les SMS envoyés : « Tu n’as qu’à éteindre ton téléphone, enfin ». Sauf qu’en ce bas monde, il y a des jours de fatigue où je m’écroule sur mon clic-clac en moins de temps qu’il n’en faut pour passer en mode silencieux.
Il arrive que je sois déjà couché-e sans savoir où j’ai posé mon portable mais en sachant que je n’ai pas le courage de le chercher. Il y a aussi les gens qui sont d’astreinte professionnelle, il y a des oublis et de la faiblesse humaine aussi. Beaucoup. Et ça ne rate jamais. À croire que ces textos démoniaques attendent, sournois, tapis dans l’ombre, guettant la moindre de nos failles.
J’aurai leur peau.
Mais d’abord, un peu de café pour me remettre les yeux en face des trous.
Le spam, un grand classique
Pourquoi la publicité par SMS a-t-elle été inventée ? Si j’en crois le discours commercial ambiant il s’agit, pour un opérateur ou une marque, de développer un contact individualisé et ciblé avec le client. D’accord, mais pourquoi tient-elle absolument à m’informer de cette vente privée à 3h du matin ? Quel est le but de la manoeuvre .
- Implanter leur nouvelle collection jusque dans mes songes ?
- Générer un niveau de frustration nocturne suffisant pour provoquer une mini-déprime le lendemain , me poussant à consommer davantage ?
- Développer des réflexes de Pavlov du genre « chaque fois que le sujet entendra ou lira le nom de notre marque, il se remémorera le confort de sa couette d’où nous l’avons sournoisement tiré, mouahahaha » ?
Tu penses qu’on est en train de tisser une relation privilégiée là ?
Bien sûr il suffit, en théorie, d’envoyer NON/STOP/TAGUEULE au numéro concerné pour mettre fin à ces interventions. Ou d’appeler le service client. Mais au milieu de la nuit, mes capacités psychomotrices sont limitées (je peux respirer et rouler sur le côté pour profiter de la fraîcheur de mon matelas, c’est à peu près tout).
Du coup, je me rendors en me disant que j’appellerai le lendemain, chose que j’oublie systématiquement de faire avant de m’en rappeler, la nuit suivante, quand je reçois un rappel pour la vente privée.
Ils m’auront à l’usure.
La parfaite inconnue
À l’exception des envois massifs et automatisés sus-mentionnés, l’envoi de SMS fait intervenir des doigts humains sur des touches. Qui dit intervention humaine, dit erreur humaine, comme par exemple la faute de frappe.
J’en fus victime un beau soir de mes quinze printemps. Tirée de mon sommeil par un jingle Bouygues Télécom, je suis tombée sur le SMS le plus mélodramatique — pour ne pas dire désespéré — qui soit. On aurait dit La lettre, de Renan Luce, ou alors du Musset.
« Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais s’il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. »
Voilà, c’était ça, mais dans un texto et en langage SMS, et ça continuait sur des pages et des pages.
Dans le fond ça se résumait à « J’ai le coeur brisé. Laisse-moi mourir. L’amour c’est beau. Connard ». Comme je craignais qu’en ne répondant pas, cette malheureuse sorte dans la rue pour tout cramer, je me suis fendue d’un texto.
« Tout ceci est fort intéressant mais je ne suis pas celle que vous croyez. Si je peux me permettre, le fait de ne plus se souvenir du numéro de son ex par coeur, c’est déjà un premier pas vers la guérison. »
La réponse ne s’est pas fait attendre, j’ai reçu un « Ah, oui, oups, faux numéro. SMILEY » : les SMS nocturnes peuvent donc créer du lien social, à défaut de ressouder les couples.
Est-ce toujours vrai en 2013 ? Plus personne ne tape ses numéros chiffre par chiffre, n’est-ce pas ? Tout le monde a un répertoire ? Si je n’ai plus reçu de déclarations aussi vibrantes (haha), il m’arrive fréquemment de recevoir des « Salut à demain ! » ou « Pense à acheter des oeufs ». Toujours à 4h du matin.
La cible manquée
Dans un genre un peu différent, il peut m’arriver de recevoir un texto qui ne m’est pas destiné mais qui provient toutefois d’une personne de mon entourage. Cela rend la chose un peu plus difficile parce que je ne suis jamais complètement sûre que l’expéditeur s’est trompé de destinataire.
Résultat, c’est l’insomnie : est-ce que cette personne voulait vraiment m’écrire à MOI ? Pourquoi me parle-t-elle de la répétition de trompette alors que je joue du basson ? Conclusion : il est 4h du matin et je dois mobiliser mes neurones pour tenter de deviner qui peut bien être le vrai destinataire.
En général, je trouve par proximité alphabétique. J’ai tendance à recevoir les messages adressés à Garance (juste au-dessus de Gingermind dans le répertoire) ou à Gisèle (juste après). Si vous vous appelez « Manu », il y a de grandes chances pour que vous receviez les textos destinés à « Maman ». Ayant un prénom assez commun, j’ai dû aussi faire face à quelques soucis d’homonymie.
« Non, non moi c’est Gingermind de ton groupe du TD de fisca, PAS L’AUTRE Gingermind après laquelle tu cours depuis 3 semaines. Et oui j’ai une culotte, je te remercie »
Si près et pourtant si loin.
Parfois, il n’y a aucune explication valable et on me sort une excuse pourrie du genre « Ah oui mais je pensais à toi au moment où j’ai écrit ce message et du coup il est parti chez toi ».
C’est ça, c’est mignon mais je ne vois pas le rapport. Moi, j’ai bien pensé à toi quand je l’ai reçu, ton message, et pourtant tu as encore toutes tes dents ce matin.
La faille spatio-temporelle
L’intérêt principal d’un téléphone portable, c’est d’être joignable à tout moment. Sauf que, ère du numérique ou pas, quand le réseau ne passe pas, il passe pas. Particulièrement quand tu es en boîte de nuit ou en zones semi-enfouies (qui n’a jamais prévu un rencard dans les catacombes ?).
C’est généralement à ce moment là que tu réalises que tu as perdu tes potes et qu’il s’écoule UN SIÈCLE. Au moins. Tu as appelé et textoté en vain, tu as cherché tes amis, tu as pris un verre au bar en espérant qu’ils t’y trouveraient, tu t’es fait tenir la jambe 10 minutes par un con, tu es sortie en espérant capter dehors, sauf que tes potes eux sont restés à l’intérieur, tu as appris que toute sortie était définitive, tu as jeté l’éponge, tu as quitté la boîte, tu as pris le métro (où ça ne passe toujours pas), tu as monté tes escaliers en enlevant tes talons pour préserver la tranquillité de tes voisins/l’innocence de tes parents et tu t’es endormie comme une masse sur ton lit en tendant vaguement le bras vers cette bouteille de démaquillant beaucoup trop éloignée.
Et là TOUT arrive. L’un après l’autre, c’est le défilé des SMS.
- « Ben t’es où ? »
- « Alors t’es où ? »
- « On est au bar, t’es où ? »
- « On est rentrés dans les coulisses, tu rates quelque chose »
- « Tu nous préviens s’il t’arrive quelque chose hein »
- « Ah ben on vient d’avoir tous tes messages, nous on est rentré aussi, dors bien »
La bouteille à la mer
Il arrive que les SMS prennent des airs de signaux de détresse. Par exemple, quand tu reçois « J’ai eu une galère de train/d’avion, je suis coincée, tu peux m’héberger ? ». Parfois ils sont plusieurs à espérer autour du rétroéclairage d’un téléphone : « on est paumés, on est à la rue, ON A FROID » (oh, dis ! On est le 15 août hein, j’ai vu la météo).
Bien évidemment c’est un SMS qui ne fait pas QUE te réveiller : il t’oblige à te lever, à sortir la bouilloire, les couvertures, le matelas gonflable. Bref, ta nuit est foutue, c’est même pas la peine d’espérer, il paraît que c’est à ça que servent les ami-e-s.
Pour peu que tu lises « Je suis à la rue parce que je viens de me faire larguer », tu peux déjà rajouter Kleenex, Sopalin et PQ sur ta liste de courses du lendemain.
Tous ces ami-e-s seront bien content-e-s que tu aies laissé ton téléphone allumé et ne manqueront pas de te le rappeler à la prochaine galère si jamais tu perdais cette bonne habitude :
« On a encore loupé notre train mais comme tu avais éteint ton téléphone ce coup-ci, on a dû dormir dans la rue. (A CAUSE DE TOI) »
Celui que tu ne reçois pas
Le pire des SMS nocturnes est enfin celui que tu attends de pied ferme et qui n’arrive jamais. Il peut s’agir, par exemple, d’un horaire de réunion qu’on doit t’envoyer à temps. Dans le doute, tu resteras éveillé-e toute la nuit, puis tu te pointeras à 8h pour être sûr-e de ne pas être en retard. Évidemment, la réunion aura été annulée, sinon ce n’est pas drôle.
Cela peut aussi être ta cousine qui a promis de t’envoyer les résultats de son concours pour que tu sois la première informée, ton coloc qui doit t’envoyer la confirmation de ton numéro de vol, ou cette pote qui t’a juré de t’envoyer un SMS une fois arrivée chez elle « pour dire que tout va bien ».
Dans tous les cas, tu tourneras en rond toute la nuit, passant par des phases d’angoisses successives sans jamais parvenir à joindre les personnes concernées. Alors, bon courage et surtout bonne chance pour le boulot le lendemain.
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