Les « smokers » anglais
Commençons par le plus évident : pourquoi diable est-ce que ça s’appelle un smoking ? Eh bien rien de plus simple. C’était la veste d’intérieur que portaient les gentilhommes anglais de la cour du roi George V pour aller s’en fumer une petite entre copains. Ces gentlemen s’en débarrassaient à la sortie du fumoir pour ne pas importuner le délicat nez de madame. Mais le fils de ce bon vieux George, Edouard VIII, aimait si fort sa veste qu’il ne la quittait plus, même pour recevoir des invités à table. C’est donc à Edouard que nous devons le premier concept de cette « tenue de soirée » (pas le film, hein).
Les cérémonies et les remises de prix américaines ont définitivement classé le smoking (ou tuxedo) au rang de tenue d’exception (puisqu’il est sur mesure). Le smoking était donc réservé aux dandys, aux acteurs d’Hollywood et à James Bond… jusqu’à ce que des rebelles s’en mêlent.
Perplexe, Sean ?
Des femmes en costume
Marlène Dietriech fait scandale en 1930 dans le film Coeurs brûlés de Josef von Sternberg, pour deux raisons : elle embrasse une autre femme sur la bouche (han elle lui a fait un bisouuuuuu-euh) et elle se pavane en smoking, chapeau haut de forme et noeud pap’ comme si de rien n’était.
La mode garçonne devient alors incontournable : Elsa Schiaparelli réalise une veste de smoking et Katharine Hepburn se pavane en costume dans La femme de l’année en 1942. Mais ce n’est que dans les années 60 que la tendance explose.
Yves Saint Laurent, la révolution
Après avoir quitté la maison Dior au milieu des années 60, le créateur à lunettes recopie les patrons du costume masculin et les ajustent au corps féminin. Il s’empresse de faire essayer le premier smoking à sa muse adorée, Catherine Deneuve. Vous imaginez alors aisément les réactions que ça a suscité… C’est le scandale total !
Saint Laurent récidive et lance sa première collection de prêt-à-porter Rive Gauche en 1966 avec Pierre Bergé, son binôme. Catherine Deneuve, Françoise Hardy, Mireille Darc ou Charlotte Rempling deviennent les ambassadrices du smoking féminin et inspirent le monde de la couture, le cinéma et la photographie dont Helmut Newton qui en a fait un sujet d’étude de prédilection.
YSL et Deneuve (1966), Charlotte Rampling et son fils (1974) et « Le Smoking » par Helmut Newton (1975)
Au-delà d’une audace esthétique, c’est une véritable révolution sociale. Saint Laurent est un amoureux des femmes et il est l’un des premiers créateurs à avoir compris leur désir d’égalité. Petite remise en situation : à cette période, les femmes ne peuvent pas ouvrir de compte en banque sans l’autorisation de leur père ou de leur mari, par exemple… Saint Laurent a offert le smoking aux femmes comme un symbole de pouvoir et de réussite. Le créateur a poursuivi cette démarche toute sa vie avec la féminisation du trench, du caban, de la saharienne ou de la chemise.
Des dizaines de filles en smoking autour des muses d’YSL, Laetita Casta et Catherine Deneuve
Le smoking, un classique indémodable
Presque 50 ans plus tard, en jupe ou en pantalon, les mannequins foulent toujours les podiums en costume. Lanvin, Chanel, Balmain ou Ackerman en ont fait une pièce récurrente de leurs collections, nous faisant presque oublier qu’à la base il était réservé aux hommes. Aujourd’hui une femme en smoking c’est une femme affirmée, audacieuse et déterminée, ce que la publicité ou le cinéma n’oublient pas de nous rappeler.
Hedi Slimane, le nouveau directeur artistique de la maison YSL depuis 2012, donne un nouveau souffle à l’esthétique du costume classique. Les maisons telles que Costume National, Moschino, Dior ou Balmain suivent le mouvement : noir, asymétrique, à paillettes, blanc, aux épaulettes extra larges, à la taille cintrée, sans manche… le smoking n’a pas fini de se réinventer !
Défilés printemps-été 2013 Costume National, Balmain, Calvin Klein et Christian Dior
Le smoking féminin s’invitera-t-il dans vos placards ?
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
Après c'est comme tout, ça dépend des personnes, de l'attitude etc.