Mise à jour du 15 septembre – La SMEREP a publié un message précisant sa « position suite à son communiqué » :
« L’intention de la SMEREP n’est pas de stigmatiser des comportements mais d’assumer pleinement sa mission de prévention en partageant des données d’enquête utiles, afin d’alerter les pouvoirs publics et adopter les actions de prévention sur le terrain à destination des lycéens et étudiants.
Sensible à l’émotion suscitée par la publication le 5 septembre de son communiqué de presse, la SMEREP tient à exprimer ses regrets si une possible maladresse dans la rédaction de ce texte a pu conduire à une interprétation erronée de ses propos. »
J’en profite donc à mon tour pour préciser ma position sur ce sujet : les « possibles maladresses », ça se corrige, et ce n’est pas l’émotion mais bien des connaissances objectives (notamment à propos de la contraception d’urgence) qui ont été opposées à cette rédaction (lire ci-dessous…)
Article initialement publié le 14 septembre – La Journée Mondiale de la contraception aura lieu le 26 septembre. À cette occasion, la mutuelle étudiante SMEREP veut attirer l’attention sur les pratiques sexuelles et contraceptives des étudiant•es.
Une intention louable, qui ne transparaît pas dans ce communiqué de presse, dont la rédaction est entachée de tournures culpabilisantes, rappelant fortement la rhétorique des anti-choix.
Des « comportements à risque » unilatéraux
Ça commence dès l’introduction où le lien est fait entre « comportement à risque des jeunes femmes » et le fait d’avoir « trop souvent recours à la contraception d’urgence ou encore à l’IVG. »
Rappelons d’emblée que la nécessité de recourir à la pilule du lendemain ou à l’avortement découle d’une relation sexuelle impliquant a minima deux personnes, dont au moins une de sexe masculin (sinon niveau grossesse ça ne devrait pas poser de problème !).
Dès lors, parler de « comportement à risques des jeunes femmes », c’est oublier que ces risques se prennent à deux (minimum…)
Des résultats « alarmants »
Toujours sur la contraception d’urgence, le communiqué de presse souligne que :
« Les résultats sont alarmants sur la population des lycéennes françaises, puisqu’elles sont plus d’1 sur 5 à déclarer avoir déjà eu recours à la contraception d’urgence. […]
En Île-de-France, les lycéennes sont 31% à avoir déjà pris la pilule du lendemain »
…Où est le problème ?
Si le recours à la contraception d’urgence est dû à des relations sexuelles non protégées
entre partenaires non testé•es, effectivement, on peut parler de comportement à risque, mais dans ce cas, ce sont les IST/MST qui sont un problème.
La pilule du lendemain n’est pas un moyen de contraception régulier, c’est, comme son nom l’indique, une contraception d’urgence, lorsque le « plan A » fait défaut : oubli de pilule, accident de préservatif, etc.
Parler de « résultat alarmant » pour un usage a priori normal de ce dispositif est inutilement culpabilisant, à l’image des pharmacien•nes qui se permettent d’humilier leurs clientes, voire carrément de refuser la délivrance du médicament, en toute illégalité.
Rappelons en effet que les pharmacien•nes n’ont pas et n’auront pas de « clause de conscience », et qu’en cas de difficulté, vous pouvez porter plainte pour refus de vente.
La pilule du lendemain est-elle mauvaise pour la santé ?
« Non » répond Véronique Sehier, Coprésidente du Planning Familial, que nous avons interrogée à ce sujet :
« C’est un discours culpabilisant. Ce n’est pas dangereux, alors effectivement ça peut mettre le bazar au niveau du cycle et effectivement ça ne remplace pas une contraception, mais il faut arrêter de dire que ça présente des risques, c’est culpabilisant.
Au contraire, des jeunes qui cherchent une contraception d’urgence, ça signifie que ce sont des jeunes qui sont déjà dans une démarche de prise en charge et de responsabilité par rapport à ces sujets-là, et ça peut permettre d’établir un dialogue et de trouver des solutions de long terme. »
La Coprésidente du Planning Familial ajoute :
« Ce ne sont pas des cours de morale qui vont permettre aux adolescents de vivre mieux leur sexualité ou qui vont éviter les grossesses non désirées, ni limiter la transmission des IST. »
Elle co-signe d’ailleurs à ce sujet une excellente tribune publiée chez Libération : La sexualité des ados n’est pas une affaire de morale.
Alerte dramatisation de l’IVG…
Le troisième paragraphe du communiqué de presse résonne douloureusement comme un support de propagande anti-choix, surtout lorsqu’on lit la citation attribuée à Pierre Faivre, Administrateur chargé de prévention à la SMEREP :
« La SMEREP tient à alerter sur ces situations vécues par les jeunes femmes et sur les conséquences psychologiques parfois graves qu’elles peuvent vivre lors de la pratique d’une interruption volontaire de grossesse »
Personnellement, je tiens à alerter sur l’emploi de ce vocabulaire culpabilisant lorsqu’on parle d’avortement : ça peut très bien se passer, en témoignent les signataires de « je vais bien merci », qui témoignent avoir eu recours à une IVG sans complexe, sans drame, sans séquelles.
Et le meilleur moyen de dédramatiser cet acte reste encore de ne pas présumer qu’il sera forcément traumatisant.
« Aucun jugement moral » et des maladresses ?
À la SMEREP, on se défend d’avoir voulu culpabiliser qui que ce soit. Contacté par téléphone, le président Hadrien Le Roux a été surpris d’apprendre que ce communiqué de presse était repris par les sphères anti-choix (qu’on va éviter de linker, ils n’ont pas besoin de cette publicité).
Une position confirmée par un email de la directrice de la communication :
« Nous n’avons aucun jugement moral sur la prise de la pilule du lendemain ou sur le recours à l’IVG. Mais nous savons l’inquiétude ou le questionnement que cela peut entraîner ou voire, parfois des symptômes médicaux suite à des prises de pilule du lendemain.
Ainsi, il nous semble important de mettre en place une politique de communication soutenue sur la contraception et, à travers les données factuelles de notre étude santé sensibiliser les différents acteurs de la vie étudiante qui déjà déploie des moyens sur ce sujet.
La position de la SMEREP sur la prévention santé n’est aucunement moralisatrice mais une position d’information, de sensibilisation et d’accompagnement. »
Certes. Mais depuis notre entretien téléphonique du 9 septembre, le communiqué de presse est toujours en ligne. Aucun rectificatif n’a été diffusé, ou si c’est le cas, nous n’en avons pas eu connaissance.
On est en 2016, il serait vraiment temps que les acteurs majeurs du secteur de la santé, a fortiori auprès des jeunes, apprennent à parler de contraception et d’IVG sans faire peser sur les femmes une culpabilisation encore trop présente dans les discours anti-choix.
— Merci à Esther pour son aide sur cet article !
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