Un groupe de trois filles (ou de trois garçons) rencontre un groupe de trois garçons (ou de trois filles) dans un bar : ça ressemble au début d’une sitcom. C’est aussi le concept de Smeeters, un site lancé en 2013, qui se base sur l’idée qu’en bande, on a moins la pression qu’en solo pour rencontrer des gens, et que s’il y a plus de choix, on a plus de chance de trouver celui/celle qu’on cherche. J’ai expérimenté le concept avec deux acolytes féminines. S’il m’a laissé perplexe, il m’a aussi fait réfléchir…
L’inscription : viendez ma bande !
Pour s’inscrire, il faut connecter son compte Facebook à Smeeters. Ensuite, tu renseignes ton genre, ton âge, et le genre des personnes que tu préfères rencontrer. Jusque là, c’est un bon point : les personnes qui ne sont pas hétéro ne sont pas exclues ! Seule réserve, si on ne souhaite pas définir son genre, comme sur d’autres sites, ce n’est pas prévu. J’ai demandé pourquoi à Romain, l’un des fondateurs de Smeeters :
« Techniquement, on a besoin de cette info [homme ou femme, NDLR] pour qu’il y ait une réciprocité dans les critères que remplissent les participant•e•s. Quelqu’un qui ne définit pas son sexe, c’est possible de l’imaginer. Mais lorsqu’on a choisit de fonder le concept pour que les gens rencontrent le sexe qu’ils ont l’habitude de fréquenter. »
Après l’identité, on déplace des curseurs pour définir un peu nos attentes : l’âge des gens qu’on veut rencontrer, si on est plutôt palourde qui colle au bar ou diva du dancing, si on préfère des causeries intellectuelles ou sur la téléréalité, et si on veut lier des amitiés ou clairement pécho… Pour nous, ça donnait à peu près ça :
Une fois cette étape passée, le/la premièr•e inscrit•e du futur trio de filles ou de garçons doit inviter ses potes à s’enregistrer aussi et à compléter leur profil. Smeeters envoie ensuite le mail suivant à chaque personne :
« Nous reviendrons vers toi dès que nous aurons le groupe parfait qui correspond à ton groupe. »
Ça n’a pas traîné ! Quelques jours après notre inscription, Smeeters est revenu vers la tête de notre groupe avec plusieurs propositions de dates. Nous avons accepté la première.
Pour valider le rendez-vous, ça coûte 15€ pour une unique soirée, qu’on soit un mec ou une nana. La première tournée est comprise. À Paris, où le prix du cocktail drague sérieusement les 10€, c’est raisonnable ; si tu crèches ailleurs en France, ça l’est un peu moins. Toujours est-il qu’après ça, chacun•e doit remplir deux vérités et un mensonge le/la concernant.
Jusqu’au dernier moment, tout est anonyme. La veille de la soirée, nous avons simplement reçu un mail avec le nom du bar, celui du groupe à découvrir et leurs trois vérités. Le lendemain, nous sommes arrivées dans les lieux en retard, eux aussi. Plus qu’à s’asseoir et discuter !
Entre critères et hasard
Au fil de la soirée, il s’est avéré que passé la marrade sur les vérités et la phase de découverte, nous n’avions pas grand-chose en commun, du mal à adhérer au sens de l’humour les uns des autres et visiblement pas les mêmes attentes. Si mes deux copines se sont amusées, j’ai pour ma part ri jaune moutarde.
Ce n’est pas un drame. On aurait pu tomber sur nos alter ego. On aurait aussi pu trouver follement intéressants ces gens qui ne nous ressemblaient pas, la théorie des contraires qui s’attirent ne marche pas que pour les aimants. Ce que Romain m’a confirmé :
« Nos utilisateurs rapportent souvent qu’ils aiment rencontrer des gens qui ne sont pas de leur milieu et qui ne font pas la même profession qu’eux. »
Oui, mais alors, à quoi sert de remplir les fameux critères ? D’après Romain, si j’étais en décalage avec mes camarades, c’est parce que je n’ai pas fourni assez d’informations. Par exemple, je n’avais pas indiqué certains détails, comme ma profession ou mes études (ce qui n’était pas obligatoire). Et dans ce cas :
« On matche les groupes dont les attentes sont réciproques. Il y a aussi un regard humain là-dessus. On regarde les like Facebook, les amis indirects, etc. »
J’ai donc sans le vouloir laissé place au hasard plus ou moins basé sur le remplissage de mon compte Facebook. C’est aussi le hasard qui fait qu’on commence à discuter avec quelqu’un en soirée et qu’on s’entend ou non. Alors, quel est vraiment l’intérêt de Smeeters dans ce cas ? Voilà l’explication de Romain :
« Par rapport aux rencontres que l’on peut faire dans la rue, dans un bar, c’est le fait de réserver : on a la certitude de rencontrer quelqu’un. Nous sommes là pour créer un contexte. Et les participants peuvent débriefer ensuite avec leurs ami•e•s. »
Pratique pour les plus timides qui n’osent pas aborder les autres, puisqu’on est mis au pied du mur. Mais le concept n’empêche pas le malaise, si malaise il doit y avoir.
C’est d’ailleurs le risque avec tous les sites de rencontre une fois qu’on décolle les globes oculaires de son smartphone. Sauf qu’en général, on sélectionne un minimum la personne qu’on veut rencontrer, via une photo, un profil (pas toujours fiable, certes), et, souvent, on établit le contact avant. Ce que Smeeters gagne en spontanéité, il le perd, selon moi, en chance de se trouver des affinités.
Est-ce que payer 15€ pour découvrir des inconnu•e•s vaut vraiment la peine ? J’avoue que ce test m’a laissée sceptique…
L’art préhistorique de la séduction
Je dois néanmoins reconnaître à l’expérience un effet bénéfique : celui d’avoir secoué la partie de ma conscience dans laquelle est logée la notion d’égalité des sexes.
Des trois filles ce soir-là, la plus coquette s’était changée avant de venir, une était arrivée totalement « à l’arrache » et moi, j’étais habillée comme tous les jours pour aller au boulot. Ce qui nous a valu ce commentaire :
« Heureusement que [insérer le prénom de la plus pimpée] a fait un effort vestimentaire, parce que vous deux, bof quoi. »
Voici revenir l’idée désuète et sexiste selon laquelle les femmes doivent adopter une apparence censée séduire le mââââle. Non. Je ne m’habille pas pour plaire, mais parce que j’en ai envie. Se mettre sur son 31, c’est valable pour certaines grandes occasions, si tant est qu’on a envie de se plier aux règles, et c’est à chacun•e de juger si le rendez-vous galant en est une.
Les magazines féminins regorgent de conseils sur la manière de se fringuer pour un premier rendez-vous. Mais si on est du genre jean-baskets au quotidien, à quoi bon enfiler une robe de soirée dans laquelle on se sentira comme un balai au manche habillé ? La remarque vaut aussi aussi pour les hommes qui suffoquent dans leur col de chemise !
Salut bébé tu veux être mon âme sœur ?
Dans tes dents, la galanterie !
D’autre part, après les premiers échanges, nous avons commandé une autre bouteille, sur proposition des garçons. Lorsqu’ils ont déclaré à la fin qu’on partageait l’addition en six, mon estomac a fait du saut à l’élastique en liaison télépathique avec mon compte en banque.
Non, ils n’auraient pas dû payer « parce que c’était des mecs et qu’on était des filles » et parce que c’est attendu. De même que les nanas ne sont pas des poupées de collection, les garçons ne sont pas des portes-monnaies en pantalon. Je règle les verres à mes potes masculins qui m’en payent aussi, alors pourquoi agir différemment sous prétexte que ce sont des inconnus ? D’après leurs dires, nos trois compères touchaient un salaire bien supérieur au nôtre — nous, une alternante et deux stagiaires. Même s’il m’aurait semblé sympa de leur part de faire un geste, je ne suis pas là pour jouer les contrôleurs des impôts, et ils n’avaient pas d’obligation due à leur fiche de paie.
Finalement, ça correspond au concept de base : chacun•e paye la même somme pour participer, quel que soit son genre. Si Romain a admis que l’anti-sexisme n’avait pas été la principale préoccupation de la création du site, il faut reconnaître que c’est bien joué.
Cela dit, je regrette la raison pour laquelle, selon Romain, Smeeters attire plus de femmes que d’hommes :
« C’est une vraie différence par rapport aux autres sites de rencontre. D’après nos retours, c’est parce qu’elles trouvent plus sécurisant de venir avec deux amies… »
Bref, ce rendez-vous Smeeters m’a finalement renvoyé à la figure tous les clichés que j’avais pu absorber (plus ou moins consciemment) sur le sacro-saint premier rendez-vous. Et les a multiplié par trois (garçons). Rien que pour ça, ça valait la peine Madeleine !
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Les Commentaires
Et ici pour constituer le groupe tu invites un de tes amis, qui invite un des siens que tu ne connais pas, qui lui même invite un de ses amis... jusqu'à ce que le groupe soit constitué! Donc tu n'es pas tout seul et les gens sont susceptibles d'avoir des points en commun ou en tout cas des amis en commun!
Le principe est assez chouette je trouve mais je pense que ça n'a lieu qu'à Paris pour l'instant! Ca s'appelle "21h mixez vos amis", et d'après leur page facebook ils viennent de lancer des rendez-vous juste à deux aussi...