Avant que ma bonne amie Faye ne me montre Smashed lors d’une soirée apéro-DVD, je ne connaissais de ce film qu’un adorable gif :
Mon amour pour Aaron Paul étant toujours aussi vivace, je me faisais une joie de découvrir ce long-métrage qui s’annonçait fort pipou. Bon, en vrai, c’était pas si choupi que ça… mais c’était bien. J’vous jure.
L’alcoolisme ordinaire, cet invité qui s’incruste l’air de rien
Kate et Charlie sont un jeune couple marié, un duo de trentenaires pour qui la vie se déroule sans trop d’encombres. Elle vient d’une famille pauvre, lui a des parents riches qui ont payé leur maison ; elle est institutrice, lui écrit des articles depuis son canapé. Sans enfant, sans crédit, l’avenir semble radieux, plein de possibilités.
Mais voilà : tous les soirs, Kate et Charlie vont boire des coups. Parfois au bar, parfois chez eux. Les pichets de margarita se vident, les pintes de blonde s’accumulent, les bouteilles de whisky ou de tequila s’entassent sur la table de la cuisine. Le matin, la sonnerie du réveil est une torture, alors on sirote une bière et on avale quelques lampées de bourbon avant de se mettre à bosser, pour se donner du cœur au ventre. Rien de grave, non ? On est jeunes, on aime boire, tout le monde boit aussi, après tout, c’est pas comme si on était les seuls au bar…
Et puis un matin, Kate se retrouve à vomir devant ses élèves, parce qu’elle a tenté de faire passer sa gueule de bois carabinée par quelques gorgées d’alcool dès le réveil. « Madame, vous êtes enceinte ? », demande l’un des enfants. Prise de court, elle répond que oui : elle ne va quand même pas expliquer à des gosses de sept ou huit ans qu’elle a trop picolé. Du coup, elle se retrouve dans un engrenage infernal, avec tous ses collègues qui la croient en cloque…
Le soir même, elle re-boit (faut bien se détendre) au point de se retrouver à accueillir une inconnue en galère dans sa voiture. Laquelle lui propose, en guide de remerciement… de fumer du crack en sa compagnie. Narmol. Et puisque Kate est torchée, elle accepte, pour se réveiller dans la rue le lendemain matin, sans trop se souvenir de comment elle est arrivée là.
Impossible de se voiler la face plus longtemps : il faut qu’elle agisse.
La sobriété comme un coup de massue
Sur les conseils d’un collègue lui-même sobre depuis neuf ans (joué par le toujours chouette Nick Offerman, alias Ron Swanson dans Parks and Recreation), Kate se rend donc aux Alcooliques Anonymes où elle trouve sa marraine, Jenny (incarnée par Octavia Spencer, vue dans La couleur des sentiments et Snowpiercer). Elle redécouvre, après bien 15 ou 20 ans de gueule de bois semi-permanente, la vraie vie, dénuée du filtre de l’alcoolémie.
Charlie, de son côté, la soutient sur le papier, mais considère d’un œil douteux la « nouvelle Kate » qui « ne sait plus s’amuser » et lui semble embrigadée dans le fameux programme des « étapes » menant à la sobriété. Lui n’admet pas qu’il a un problème et n’arrête pas de boire en compagnie de sa femme. Elle redécouvre son époux, avec lequel elle partage finalement peu de choses lorsqu’il est bourré et pas elle.
Vivre sans alcool, une nouvelle façon de voir la réalité
Arrêter de boire, c’est un premier pas, mais ça ne rend pas forcément la vie plus douce. Au contraire, ça force même à affronter les évènements de plein fouet, sans anesthésier son cerveau. Et à gérer les conséquences de ses actes.
Kate ne voit pas tous ses problèmes disparaître avec ses dernières bouteilles de bière : ils ont même tendance à s’accumuler, et Smashed ne se voile pas la face sur cet aspect-là de la sobriété. C’est un film essentiel, sur un sujet trop souvent oublié ou « glamourisé » (dans combien de sitcoms les personnages passent-ils leur vie au bar ? Combien de héros de films d’action s’envoient la lampée du courage avant d’aller castagner du méchant ?), qui développe avec justesse et poésie la difficulté de changer à l’âge adulte via le prisme de l’alcoolisme.
C’est un alcoolisme qu’on voit peu, qui ne fait pas de vagues, n’a pas encore ruiné le moindre organe, n’empêche pas de travailler, d’avoir une vie sociale. L’alcoolisme de monsieur et madame tout-le-monde, comme le résume Kate en arrivant à sa première réunion :
« Je voudrais juste être capable de boire une bière sans qu’elle ne se transforme en vingt bières. »
Smashed n’a pas fait beaucoup de vagues à sa sortie, n’a pas connu la gloire. Mais il mérite une deuxième vie, deux ans après son passage éclair au cinéma. Dans votre télévision, qui sait !
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