Publié le 14 janvier 2014.
À l’aube de 2014, Skyblog est mort, ou presque. Après avoir agonisé pendant quelques mois durant l’invasion de l’Internet par le géant Facebook, Skyblog a succombé — dans l’opinion publique en tout cas.
La plateforme de blogging existe toujours : elle n’est plus aussi populaire qu’avant, mais elle vivote plutôt pas mal. Pourtant, Skyblog tel que tu le connaissais est bel et bien décédé dans le noir, sans que personne ne le pleure.
Skyblog : comment le garder intact ?
C’est triste quand on y pense, car tu en as passé, du temps, à alimenter ton skyblog. C’était un peu comme ton appart ou ton Tamagochi : il fallait s’en occuper, refaire la décoration et l’alimenter en choses plus ou moins honteuses. Depuis le temps, j’imagine que tu as fait ton deuil, ou que tu as décidé de le supprimer afin de garder ta dignité virtuelle aussi vierge que Quentin des Princes de l’Amour qu’un linge en soie crème.
J’ai décidé de garder mon skyblog intact, histoire de me rappeler de mon moi du collège, du lycée ; ce moi surexcitée et abattue dans le même paragraphe, qui jouait avec des mots dignes de Baudelaire (en mieux) (non) en y accolant une citation médiocre issue d’une chanson ratée. Ce moi qui lançait des private jokes pour faire style et qui s’essayait à l’instantané en noir et blanc, tout en spleen, avec l’oeil d’un photographe neurasthénique. Bref, je voulais garder un oeil sur cette vieille entité, histoire de lui dire « Hey meuf, bien ou bien ? » de temps en temps.
Mon Skyblog attend gentiment dans son coin et aujourd’hui j’ai envie d’aller lui rendre une petite visite de courtoisie, tout en essayant de contenir mes rires (gras) et ma honte (extrême). C’est marrant, je suis sûre que ça va te rappeler quelques souvenirs vaseux…
Skyblog : Identifier le lieu du forage
(un peu comme dans Armageddon mais en mieux)
Pour ma part, mais j’imagine que tu devais faire ça aussi, j’ai créé une bonne tripotée de Skyblogs. Dès que je changeais de classe, de style, de copain ou de slip, il me fallait faire peau neuve et polluer un peu plus l’Internet.
Normalement, tu ne devrais pas avoir trop de mal à trouver de quel côté fouiller pour remettre la main sur ta création. Car si les oiseaux se cachent pour mourir, ton Skyblog, lui, reste à la vue des internautes (des gens qui n’ont vraiment rien d’autre à faire que de fouiner dans les tréfonds de ta vie, certes, mais des gens quand même). Penses-y : peut-être que ton père, ta cousine, ta boss ou PIRE, l’être abject qui te sert d’ex est actuellement en train de scruter, de ses yeux vils, l’univers de tes 14 ans.
Si ton Skyblog fait encore partie du panel de l’Internet et que tu cherches à mettre la souris dessus, il y a deux cas de figure possibles :
- Tu te rappelles parfaitement de ton pseudo, ton URL, ou quelque chose qui te permet de t’y rendre de temps en temps.
- Tu l’as perdu. Complètement paumé. Dans ce cas, je te conseille de fermer les yeux très fort et de tenter d’accéder à ta mémoire primaire. Si tu es toujours bredouille, ce n’est pas grave : je t’emmène du côté des miens. Ça devrait être comme une réminiscence pour toi aussi.
Skyblog : autopsie honnête
Franchement, je pense avoir aimé chacun de mes Skyblogs autant que mes Pokémons ; je me rappelle donc de tous leurs petits noms et de l’atmosphère qui s’en dégageait. Mon premier partait sur la base de « pititemimi06 », et à partir de là, chaque blog était lié au suivant — l’esprit pratique, c’est moi. Mes milliers de followers, pendus à mes publications, n’étaient donc pas trop chamboulés, ouf.
Je t’invite donc à entrer dans la quatrième dimension : un fond rose et jaune et un titre racoleur qui assume l’écriture majuscule, un peu comme un appel à la lecture mais surtout au meurtre : « GOGOL ET FIÈRE DE L’ÊTRE ».
Bienvenue chez moi.
Tu es priée de t’essuyer les pieds sur le paillasson, s’il te plaît.
Skyblog : le contexte particulier
Bon, lors de la rédaction de ce blog, j’étais en 5ème et je le partageais avec une copine. Ne va pas croire que c’est une excuse, car ensuite ce fut pire.
Il faut savoir que je suis passée par plusieurs étapes durant ma scolarité, et forcément il fallait que je crée à chaque fois un univers en adéquation avec mon moi du moment. J’ai été une skateuse suivant les pas d’Avril Lavigne, une fan de Tokio Hotel (mais en plus dark), une teufeuse de derrière les fagots, puis mon moi de maintenant.
Si mon premier Skyblog aurait pu rendre aveugle un fan des 80’s, il y en a eu de plus sobres, des vert feuille et des rouge feu, plus apaisant pour les yeux.
Je ne sais pas si tu te rappelles bien : Skyblog, c’était quand même tout un univers à gérer. Il fallait créer des articles, certes, mais le plus important c’était surtout d’arriver à te créer une identité propre (non je rigole, il fallait surtout ressembler à la voisine, tant qu’elle était cool et qu’elle doublait les « i »). Pour ce faire, tu devais adopter une nouvelle syntaxe à base de symboles qui ressemblaient aux lettres mais pas trop. Ça donnait un charabia incompréhensible mais totalement coolos.
Voilà une présentation digne de ce nom.
Skyblog : Vis ma vie d’ado
Sur Skyblog, tu étais obligée de te justifier tout le temps. Tu partais en vacances ? Il fallait indiquer que ton blog était en pause. Ta photo était de mauvaise qualité ? Il fallait que la légende précise que c’était à cause de ton beau-père qui t’avais prêté son appareil mais comme il était trop nul et qu’il y avait du brouillard ton image était merdique… Ton toi et mon moi ado n’assumaient pas vraiment tous leurs choix, quoi.
Bien entendu il n’y avait pas que ça : la loi du copyright faisait rage. Il était totalement obligatoire d’indiquer d’où ta photo provenait ou qui avait réalisé le mirifique design de ton article, sous peine d’humiliation publique (quoi que ton Skyblog se suffisait peut être à lui-même pour ça).
Ouais mille mercis hein.
La hiérarchie selon Skyblog
Skyblog s’harmonisait autour d’une hiérarchisation bien précise : il y avait les blogs cool, possédés par des gens classes, et les blogs de merde, gérés par les gens normaux. Posséder un Skyblog bien rempli et beau, c’était faire partie du haut du panier. En général, plus tu grandissais, plus tu montais en grade. C’est un peu comme au collège : un troisième aura toujours la meilleure table de ping-pong. C’est comme ça. Par exemple, je suis moi-même passée du pire au meilleur.
Il faut savoir qu’à l’époque, Skyblog était la seule façon de te créer une carte de visite. C’était ta seule manière de te présenter au monde, de partager ce que tu écoutais (grâce aux liens YouTube ou à un player savamment placé pour donner du relief à ton univers).
Ton blog, c’était toi.
Débroussailler les infos de son Skyblog
Il s’en est passé des choses pendant ton adolescence. Tu as découvert l’amitié, l’amour, le dédain, la haine… surtout la haine. Skyblog, c’était tantôt une plateforme délirante, tantôt un endroit où cracher ton venin quand tes parents/tes frères et soeur/ton hamster russe en avaient ras la touffe de t’entendre râler.
C’est comme ça que je suis entrée (et toi aussi peut-être) dans l’ère du Skyblog germé dans les flammes de l’enfer. Ancré dans le pathos le plus profond qui soit, ce type de blog était souvent doté d’un design sombre, d’une ou deux citations de Damien Saez, et d’un titre dark ascendant glauque (le mien s’appelait X-frenesie-polyphagique, en hommage à une bien belle chanson du groupe de métal français Eths — note le « X » devant qui apportait une sorte de tension sexuelle dérangeante et morbide plus que bienvenue).
https://youtu.be/ZBQZU4cdM-o?t=38s
Pas mal non ?
C’était l’époque ou ta créativité s’épanouissait. Les grands de ce monde disent que c’est du malheur qu’on sort les plus belles phrases. Inutile de te dire que mon avis sur la question, actuellement, est en demi-teinte. La preuve :
Tu peux noter plusieurs choses sur ce billet, censé « souhaiter la bienvenue » aux visiteurs :
- Le message d’accueil est plutôt froid. Un peu comme mon coeur et mon âme.
- Les « i » sont doublés, ce qui montre mon importance en la cohérence entre mes différents blog. La continuité c’est bien.
- Je porte un t-shirt Pucca qui arrive tout de même à paraître atrocement effrayant.
- Le texte, à mi-chemin entre des paroles de Jena Lee et les plaintes d’une loutre à l’agonie, est du plus bel effet. Si tu es ici, tu dois absolument savoir que je vais très mal, ok ?
- Je suis toujours extrêmement fière du jeu de mots.
- Ce lien vers un morceau de Vegastar est en incomplète incohérence avec l’âme de l’article. WTF.
Décrypter les messages véhiculés par ton Skyblog
Tout ce skyblog indiquait qu’à cette époque, j’aimais bien avoir le seum. C’est normal, il paraît que ça arrive souvent en fin de collège/début de lycée, quand tu a du pus plein le nez et une coupe de cheveux approximative. Ne va pas me dire que tu n’as jamais écrit de texte mélancolique à la troisième personne incluant des citations de Kyo. Je ne te croirai pas. Ici on assume son ancien soi, même ses côtés relou.
Skyblog, c’était le moyen de faire passer ce que tu n’arrivais pas à dire à voix haute, montrer une partie de toi pas facile à dévoiler ou assumer pleinement des avis que tu n’osais affirmer.
Là par exemple, tout prouve que j’étais une connasse.
Chose importante qui attestait également du bon fonctionnement de ton Skyblog : les commentaires. Les coumZ, pour ceux qui savent, valaient toutes les statistiques du monde. Plus tes articles étaient commentés, plus tu étais une star. D’ailleurs, plusieurs années après, je me demande toujours comment certaines personnes de mon entourage ont pu obtenir leur bac de français sans avoir à offrir des M&M’s au correcteur en guise d’offrande pour sa miséricorde.
En gros, il y avait trois sortes de commentaires :
- L’agonisant
Tu la sens la montée en puissance ?
- L’« un peu trop enthousiaste »
- Le troll de première catégorie
Il appuyait toujours où ça faisait mal.
Même si les commentaires n’apparaissaient pas directement, il fallait gérer les relous, répondre à ta pote au bord du suicide et expliquer pourquoi tu préférais le gratin dauphinois au pâté en croûte. C’était tout un business qui te prenait un temps considérable.
Après toutes ces années, une phrase me vient du bout des lèvres : TOUT ÇA POUR ÇA ?! Apparemment… oui.
Bref, ton blog marquait une époque, un mode de vie et de pensée. Si tu as honte, maintenant il faut te pardonner.
Relire son Skyblog et mourir d’une crise cardiaque
Franchement, faire un petit tour sur ton vieux Skyblog, c’est t’assurer à coup sûr un moment de détente des zygomatiques des plus efficaces. Si tu es avec tes potes ou tes collègues c’est encore mieux.
Interdiction de jouer la victime.
Plus que de sacrés dossiers, c’est de véritables tranches de vie que tu vas pouvoir partager avec tes proches. Si le rire est optionnel, je pense que tu ne devrais pas trop te forcer pour finir sur le dos comme un gros scarabée moche, incapable de te relever sans t’étouffer.
Je pense avoir trouvé ton programme pour la soirée, voilà. Profite bien, tu me raconteras.
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