Article publié le 8 octobre 2019
En France, 1 femme sur 8 développera un cancer du sein au cours de sa vie, selon La Ligue contre le cancer. Lorsqu’il est traité à temps, ce cancer peut être guéri dans 9 cas sur 10. D’où l’importance de la sensibilisation et du dépistage précoce des anomalies. Mais malgré de nombreuses campagnes, les idées reçues et les préjugés sur ce type de cancer (et sur ses traitements) ont la vie dure.
Le Dr. Nasrine Callet, gynécologue-oncologue à l’Institut Curie de Saint-Cloud, a répondu à nos questions afin de démêler le vrai du faux sur le cancer du sein. Parce que vous savez ce qu’on dit : « une personne avertie en vaut deux ».
1. « Le cancer du sein, c’est une histoire de femmes »
Le cancer du sein est souvent considéré comme une maladie féminine. Et non sans raison ! C’est le cancer le plus fréquent chez les femmes, avec environ 53 000 nouveaux cas dépistés chaque année.
Néanmoins, 1% des cancers du sein concerne la gent masculine.
Les symptômes sont les mêmes pour les deux genres, mais il est vrai que les anomalies sont souvent plus faciles à détecter chez les hommes, à l’œil comme au toucher, car leurs seins sont généralement moins volumineux que ceux des femmes, précise la gynécologue.
2. « Le cancer du sein ne concerne que les seniors »
Dans l’imaginaire collectif, le cancer du sein est une maladie qui ne concerne que les femmes d’un âge avancé. Ce n’est pas faux mais ne c’est pas tout à fait vrai non plus.
Dans la population générale, l’âge de survenue des cancers du sein se situe vers 63 ans, explique le Dr. Callet. C’est la raison pour laquelle un dépistage par mammographie et échographie est proposé aux femmes à partir de 50 ans.
Cependant, chaque année, environ 3 000 cancers du sein sont diagnostiqués chez des femmes de moins de 40 ans. C’est pour ça que quel que soit son âge, il faut garder en tête que ça peut arriver à tout moment, et encore plus si on a déjà eu des cas dans sa famille.
3. « Il n’y a jamais eu de cancer du sein dans ma famille, alors je suis tranquille »
Le cancer du sein est une maladie multifactorielle et plusieurs co-facteurs de risque ont été identifiés au fil des années par les autorités de santé.
La prédisposition génétique est le premier de ces co-facteurs et l’Institut Curie estime qu’environ 120 000 femmes sont prédisposées au cancer du sein en France (5 % à 10 % des cancers du sein sont d’origine génétique selon la Haute autorité de santé).
À ce jour, deux gènes de prédisposition au cancer du sein ont été identifiés, nommés BRCA1 et BRCA2, explique la gynécologue. Ils peuvent être transmis par n’importe lequel des deux parents et augmentent considérablement le risque de développer un jour un cancer du sein ou de l’ovaire.
Le plus difficile est d’identifier ces patientes porteuses de la mutation. Certes, un nombre important de cas de cancers du sein dans la famille peut faire penser à un cancer de type héréditaire, mais ce n’est pas systématiquement le cas. De même, ce n’est pas parce que personne dans la famille n’a encore été touché que l’on n’est pas porteuse ou porteur de la mutation, qui peut par exemple avoir été transmise par le père.
D’autres co-facteurs ont aussi été constatés comme la pollution, le tabac, l’alcool ou encore le surpoids.
Pilule contraceptive et cancer du sein
Depuis de nombreuses années, la pilule contraceptive, qu’elle soit combinée ou microprogestative, est accusée d’augmenter le risque de cancer du sein. Plusieurs études dans ce sens ont été publiées sur le sujet mais la discussion reste ouverte par manque de véritable consensus médical.
Ce dont on est sûrs aujourd’hui, rappelle le Dr. Callet, c’est que les femmes qui prennent la pilule très tôt ou très tard, au moment de la péripuberté ou de la périménopose, des périodes de fort dérèglement hormonal, ont plus de risques de développer un cancer du sein. Et c’est encore plus le cas si elles ont une prédisposition génétique.
4. « Pour traiter un cancer du sein, il faut tout enlever ! »
La mastectomie, cette intervention chirurgicale qui consiste à enlever le sein dans son intégralité, est très souvent associée au traitement du cancer du sein. Pourtant, cette chirurgie ne concerne « que » 40 % des femmes et des hommes à qui l’on diagnostique ce type de cancer.
On évite au maximum de pratiquer la mastectomie, insiste le Dr. Callet, mais on y est parfois obligés pour retirer les lésions cancéreuses éparses ou avancées. Parfois, on est obligés de le faire pour des raisons techniques, sans forcément qu’il y ait de lien avec le diagnostic.
Néanmoins, par principe de précaution, il peut nous arriver de proposer une mastectomie du deuxième sein à une patiente si elle a déjà eu un cancer du sein et qu’elle est concernée par la mutation génétique qui favorise l’apparition de ce type de maladie. Ça reste rare, mais comme ces personnes ont plus de risques de développer un deuxième cancer, c’est une solution qu’il faut parfois envisager.
5. « La chimio est une étape obligatoire pour soigner un cancer du sein »
Si la chimiothérapie fait souvent partie des traitements mis en place pour guérir le cancer du sein, elle n’est pas conseillée de façon systématique à tous les patients. Son utilité est appréciée en fonction du stade du cancer au moment du diagnostic et des facteurs de risque de récidive.
Le traitement le plus classique pour un cancer du sein consiste à enlever la tumeur au large puis à effectuer des rayons sur le reste du sein pour l’assainir et éviter les récidives. La chimiothérapie sera proposée ou non selon la nature de la tumeur : si le ganglion n’est pas touché et que la tumeur n’est pas très active, on n’en fera pas.
En revanche, il peut arriver qu’on la propose avant la chirurgie, pour réduire la taille d’une tumeur trop volumineuse, afin de permettre une intervention conservatrice. C’est vraiment du cas par cas qui va dépendre du type de cancer du sein de la patiente.
En effet, si on parle le plus communément de « cancer du sein », il en existe plusieurs sortes.
La majorité des cancers du sein naissent au niveau des canaux ou des lobules, on parle alors de cancers canalaires ou lobulaires in situ, mais certains infiltrent les tissus mammaires environnant et peuvent se propager vers les ganglions puis vers d’autres parties du corps, ce sont les cancers infiltrants, explique la médecin.
Le traitement post-chirurgical dépendra du diagnostic qui sera posé et des caractéristiques propres à la tumeur.
6. « À partir de 40 ans, c’est mammographie tous les ans »
La mammographie bilatérale est l’examen de référence des lésions du sein : c’est le seul qui peut permettre de dépister un cancer du sein au tout début de sa formation. La mammographie est systématiquement proposée aux femmes âgées de 50 à 74 ans dans le cadre du dépistage organisé.
Pourtant, l’utilité et l’innocuité de cet examen est discuté depuis plusieurs années par le corps médical à cause des risques de surtraitement et de faux positifs.
- Pour en savoir plus sur la controverse : le rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne et scientifique lancée en 2015 par la Ministre de la santé Marisol Touraine sur le dépistage organisé du cancer du sein.
Pour le Dr. Callet, il faut préférer le dépistage personnalisé au dépistage organisé.
Prescrire des mammographies tous les ans à tout le monde n’est pas nécessaire. En revanche, chez les femmes à risque, comme celles qui ont des cas de cancer du sein précoce dans leur famille, il est conseillé d’en faire une tous les ans à partir d’un âge précisé qui correspond à l’âge d’apparition du cancer le plus jeune dans la famille.
Les femmes qui présentent une prédisposition génétique doivent aussi être suivies plus régulièrement.
En 2017, Marisol Touraine avait annoncé la prise en charge à 100% par la Sécurité Sociale d’une consultation de dépistage et de prévention pour les femmes de 25 ans. Nasrine Callet, très engagée dans la sensibilisation au cancer du sein, n’y voit que du positif.
Cette consultation va permettre de sortir du lot les personnes à risque et de les surveiller de plus près. Je pense que c’est comme ça qu’on arrivera à dépister le cancers du sein de façon efficace, en misant sur l’individualisation du dépistage.
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Crédits photos image de Une : Klaus Nielsen
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