C’est déjà le coup de théâtre de ces Jeux olympiques. « Je suis encore en train de lutter contre mes démons », a confié Simone Biles après son départ soudain de la compétition, lors de la finale en équipe ce mardi 27 juillet.
Alors qu’elle venait de passer l’épreuve du saut de cheval, Simone Biles a récupéré ses affaires et quitté le plateau, non sans avoir expliqué son départ et encouragé ses coéquipières.
Partir en plein milieu de la compétition, voilà qui ne ressemble pas à la championne et superstar de la gymnastique, connue pour sa ténacité et ses performances hors du commun. Néanmoins, depuis le début de ces JO, quelque chose couvait, au vu des résultats de Simone Biles, bien en-dessous de ce à quoi elle avait habitué le public.
Simone Biles a finalement dévoilé les raisons de son retrait :
« Après la performance que j’ai donné, je ne voulais pas participer à d’autres événements en ayant des arrières-pensées, alors j’ai pensé qu’il était mieux que je me retire et que je laisse les filles y aller et faire le boulot, ce qu’elles ont fait. »
Simone Biles s’est dit très fragilisée et souhaite prendre soin de sa santé mentale avant tout ; elle veut aussi ne pas risquer de se blesser physiquement en poussant trop loin ses capacités.
L’équipe féminine de gymnastique américaine a finalement remporté l’argent à l’issue de la finale.
Enfin, les sportives commencent à évoquer leur santé mentale
Que des athlètes — surtout des femmes, surtout des femmes noires — parlent ouvertement de leur santé mentale, de leur combat pour se préserver face à la pression qui pèse sur leurs épaules, c’est assez récent.
Impossible de ne pas songer au cas de Naomi Osaka, qui a, comme Simone Biles vient de le faire, préféré renoncer à une compétition de haut niveau pour ne pas se mettre en danger. Au printemps dernier, la joueuse de tennis japonaise avait volontairement choisi de ne pas participer au tournoi de Roland Garros, évoquant ses problèmes de santé :
« La vérité, c’est que j’ai souffert de grandes périodes de dépression depuis l’US Open de 2018 que j’ai eu beaucoup de mal à gérer. Ceux qui me connaissent savent que je suis introvertie, et ceux qui m’ont vue dans les tournois ont remarqué que je porte souvent des casques qui aident à calmer mon anxiété sociale. »
Et dans le cas de Naomi Osaka, comme dans celui de Simone Biles, les commentaires ne sont pas toujours tendres, et les médias pas toujours bienveillants — leur reprochant de ne pas aller au bout de la compétition, d’être trop fragiles, d’abandonner, de décevoir le public…
Lauren Puckett-Pope, journaliste pour le ELLE américain, a analysé ses réactions et leurs conséquences :
« On pense que Osaka et Biles nous doivent de faire le show, peu importe ce que cela leur coûte personnellement, peu importe ce que cela leur retire de leur voix. Sur Twitter quelqu’un a commenté « Un vrai champion endure, risque, et sacrifie TOUT pour être numéro 1 ». Mais c’est une immense propagande, c’est un mensonge qu’on propage.
Ces femmes ne nous doivent rien. Nous n’avons aucun droit sur leurs histoires. Un champion sait que tout sacrifier, c’est tout perdre. Et quel est l’intérêt d’être un champion, si ce n’est de gagner ? »
Se souvenir de ce qu’a traversé Simone Biles
Et n’est-ce pas oublier un peu trop vite d’où vient Simone Biles ? Ce qu’elle a traversé avant d’atteindre les sommets et de révolutionner la gymnastique ?
C’est notamment ce qu’explique la coach Andrea Orris, avec ce salutaire rappel de la carrière hors normes de la gymnaste, mais aussi de ce que signifient ses derniers résultats :
« On parle ici de cette même fille qui a été agressée sexuellement par le médecin de son équipe pendant toute son enfance et son adolescence. Qui a gagné les championnats du monde en souffrant d’un calcul rénal. Qui a soumis son corps à une année supplémentaire d’entraînement pendant la pandémie. Qui a ajouté tellement de difficultés à ses entraînements que les juges ne savent littéralement pas noter ses capacités car elle est en avance sur son temps. Tout ça en conservant ses responsabilités envers ses engagements, envers les médias, envers ses proches.
Et il y a des gens qui disent honnêtement : Simone Biles est une fragile, elle abandonne. Cette fille a enduré plus de traumatismes à l’âge de 24 ans que la plupart des gens dans toute une vie. »
En France aussi, une athlète a osé parler ouvertement de sa santé mentale : la judoka fraîchement médaillée d’argent Amandine Buchard. Elle n’a d’ailleurs pas hésité à pousser un coup de gueule contre certains médias, plus intéressés par des détails de sa vie personnelle que par sa médaille, selon elle.
Voir des athlètes parler de leurs souffrances et de leurs difficultés, mais aussi faire des choix drastiques pour ne pas se mettre en danger et se protéger de la pression médiatique, cela pourrait-il enfin nous faire prendre conscience collectivement de la nécessité de prendre au sérieux la santé mentale, y compris dans le sport de haut-niveau ?
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Crédit photo : Agência Brasil Fotografias, CC BY 2.0 , via Wikimedia Commons
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