Sophia Aram officie tous les lundis sur France Inter, et elle n’est pas connue pour prendre des pincettes.
À la veille de la Toussaint, la chroniqueuse choisit de saluer la mort du silence. Une disparition qu’elle ne regrette pas une seule seconde, puisqu’il s’agit du silence des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.
L’affaire Harvey Weinstein a fait exploser la chape de plomb qui semblait étouffer, jusqu’alors, les témoignages des victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles.
Depuis trois semaines, on les entend très clairement. On les entend sur les réseaux sociaux, derrière les hashtags #MeToo et #BalanceTonPorc, on les entend sur les plateaux de télé et dans les émissions de radio.
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Et surtout, on les entend dans tous les domaines : ça a commencé dans le cinéma, avec Harvey Weinstein, mais ça se poursuit dans toutes les sphères professionnelles et culturelles.
Des hommes politiques, des journalistes, des artistes, aucun milieu n’y échappe — aucune surprise du côté des féministes qui expliquent depuis longtemps le caractère systémique des violences sexistes, qui ne sont donc pas le fait d’une origine ethnique, d’un milieu social ou d’une culture en particulier.
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Le silence est mort, le billet de Sophia Aram
Le silence est mort constate Sophia Aram, et ce n’est pas pour nous déplaire :
« À l’occasion des fêtes de la Toussaint, j’aimerais rendre hommage à celui qui nous a quitté•es, dans l’assourdissante déflagration provoquée par l’affaire Weinstein : le silence.
Oui parce qu’il faut l’admettre aujourd’hui, le silence est mort.
Il est mort, le silence.
Le silence pudique de la jeune femme à qui l’on vient de glisser une main au cul, aussitôt requalifiée de geste déplacé, regrettable, et finalement « pas bien méchant ».
Le silence accablé des femmes passant leur chemin, incapables de répondre à la question « est-ce que tu suces ? »
Le silence glaçant de ces femmes se faisant attraper la chatte par la main opportuniste d’un usager des transports publics.
Le silence mortifère de ces femmes violées, qui s’emmurent dans le désespoir et la douleur.
Ce silence est mort, et nous ne le regretterons pas. »
La suite de la chronique de Sophia Aram :
Les violences sexistes et sexuelles n’ont pas de frontières
Cette chronique rappelle qu’aucun milieu professionnel ou culturel n’est exempt de ces violences. Voilà plus de 5 ans que madmoiZelle s’est saisie du harcèlement de rue, cette épuisante banalité. Aujourd’hui, un projet de loi est en cours d’élaboration pour répondre à ces problèmes, que nous dénonçons régulièrement.
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Plus récemment, le sujet du harcèlement sexuel au travail avait fait l’objet d’une soirée spéciale sur France 2, et avec l’éclatement en parallèle de l’affaire Weinstein, le moins qu’on puisse dire c’est que ces problématiques sont au coeur de l’actualité.
Dans sa chronique, Sophia Aram souligne un autre domaine, pas épargné non plus : la religion. Tariq Ramadan, que l’écrivaine Henda Ayari accuse de viol, est professeur d’études islamiques contemporaines à l’université d’Oxford.
Depuis qu’Henda Ayari a pris la parole, une deuxième femme a accusé Tariq Ramadan de viol.
https://www.facebook.com/BFMTV/videos/10156252561022784/ Henda Ayari était l’invitée d’Apolline de Malherbe, sur BFMTV.
De la difficulté de parler, pour une victime, lorsque l’on accuse une personnalité influente
Le Monde rapporte que depuis qu’Henda Ayari a annoncé publiquement avoir déposé plainte contre Tariq Ramadan (une enquête a bien été ouverte, comme le souligne Sophia Aram), l’écrivaine a reçu énormément de messages de haine et de menaces :
« Le ton est d’autant plus virulent qu’il concerne une figure dont le prestige est grand auprès d’une partie des musulmans. On le constate sur les rares sites musulmans à avoir rédigé un contenu sur cette affaire.
C’est le cas d’Oumma, dont les posts sur la plainte d’Henda Ayari et celle de Tariq Ramadan ont été abondamment partagés et commentés.
« Cet homme, de par ses enseignements très riches est devenu un modèle pour la jeunesse musulmane du monde », y écrit Hamed Doumbia. »
Plainte contre Tariq Ramadan : l’antisémitisme se déchaîne envers Henda Ayari — À lire sur Le Monde
Le silence est peut-être mort, mais le briser continue d’avoir un prix. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’arrête plus les victimes. Peut-être parce que ça commence à se savoir : quand les faits ne sont pas prescrits, c’est aux agresseurs qu’il faut envoyer la note.
Et si l’on ne s’emploie pas à lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles dans la société, cette note continuera d’augmenter.
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