Article initialement publié le 26 novembre 2022
C’est une BD sur la PMA, mais surtout bien plus que ça.
Car il ne s’agissait pas pour Daphné et Julie Guillot, respectivement autrice et dessinatrice de S’il suffisait qu’on s’aime, de ne parler que de l’histoire de leur famille, de leurs démarches médicales fastidieuses, des allers-retours à l’étranger, des doutes et du sentiment de clandestinité, ce que bien des femmes ont déjà raconté sous tous les formats possibles, de la BD au témoignage, en passant par le podcast ou la mini série.
Dans S’il suffisait qu’on s’aime, elles reviennent sur huit ans d’espoir, de combat, de déconvenues et de reculades sur l’extension de l’accès à la procréation médicalement assistée longtemps réservé aux seuls couples hétérosexuels. Elles y ont croisé leur histoire intime, celle de leur couple, avec celle d’une avancée maintes fois repoussée, sacrifiée, devenue caution progressiste pour se faire élire, puis passée malgré tout de justesse en 2021 pour remplir le bilan sociétal d’un premier mandat présidentiel.
Une bonne piqûre de rappel pour toutes celles et ceux qui ont oublié que la lutte pour l’ouverture de la PMA ne s’est pas faite sans douleurs et sans renoncement. Que cette loi incomplète qui concerne les couples lesbiens et les femmes célibataires, a laissé sur le banc de touche les personnes trans. Elle a aussi instauré un régime de filiation à part pour les couples de femmes, contraintes de passer par une démarche notariale avec la Reconnaissace conjointe anticipée (RCA) alors que les couples hétérosexuels — qu’ils aient eu recours ou non à une insémination ou une FIV avec don — peuvent simplement se rendre en mairie pour reconnaître leur enfant.
Et c’est sans compter sur ce constat sans appel un an après le passage de la loi : certaines, quand elles en ont les moyens, continuent de se tourner vers l’étranger face à des délais d’attente extrêmement longs pour obtenir un don de gamètes.
Raconter les années de lutte pour l’accès à la PMA
Formidablement bien documenté, S’il suffisait qu’on s’aime constitue aussi une riche photographie de ce que la France a traversé (et traverse encore) en matière de vagues réactionnaires LGBTQIphobes et de paniques morales, d’abord concernant le droit de se marier, puis de fonder une famille, et aujourd’hui à l’égard des personnes trans.
En mêlant l’intime au politique, la BD montre aussi la difficulté persistante à se projeter dans un schéma familial autre que le traditionnel combo papa-maman-enfants, quand on manque de représentations sur les maternités lesbiennes ou les parentalités trans, ou quand même l’entourage, aussi bienveillant soit-il, vous ramène toujours à l’absence du père ou à la question du donneur. Malgré une relative tolérance aux familles homoparentales dans notre société, force est de constater que déroger au modèle de la famille nucléaire est loin d’être si simple.
Tout au long de l’histoire, Julie et Daphné, les deux protagonistes, sont traversées de questions et de doutes, sur leur désir d’enfant, sur l’éducation qu’elles ont envie de donner, sur les conséquences de la lesbophobie ambiante sur leur vie.
En cela, S’il suffisait qu’on s’aime résonnera sûrement très fort avec l’expérience de bien des personnes LGBTQI+, mais amènera aussi, on l’espère, à faire comprendre que ce combat pour les droits sexuels et reproductifs devrait être porté et soutenu par tout le monde.
Crédit : Steinkis
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