Ce mercredi 3 avril 2019, le film Comme si de rien n’était sort au cinéma.
Cette première réalisation d’Eva Trobisch raconte l’histoire de Janne, une femme indépendante et brillante, qui n’a pas l’air de se laisser marcher sur les pieds.
Pourtant, après une réunion d’anciens élèves, Janne est violée par un ancien camarade de promo. Alors que celui-ci l’agresse, elle se débat à peine, subit en silence.
Le lendemain et les jours qui suivent, elle continue à vivre comme si de rien n’était.
Elle se retrouve même souvent confrontée à son violeur, contre lequel elle n’engage aucune poursuite.
Pourquoi n’a t-elle pas agi au moment de l’agression ? Comment expliquer son silence et sa résignation ? À l’occasion de cette sortie percutante, madmoiZelle t’explique ce qu’est le phénomène de sidération.
Le 6 juin 2018
« Mais pourquoi la victime ne s’est-elle pas défendue ? »
C’est une question qui revient très souvent quand on parle d’agression sexuelle et de viol. Les idées reçues sur le sujet vont bon train, et elles font froid dans le dos.
Pourquoi les victimes ne se défendent-elles pas ?
De nombreuses raisons peuvent empêcher une victime de se défendre.
Toutes les situations sont différentes, et on ne réagit pas forcément de la même façon à un viol conjugal qu’à une première approche abusive de la sexualité ou à une main aux fesses.
L’une de ces raisons, c’est la sidération psychique. Parfois, la violence induit dans le cerveau un réflexe de protection qui « sort » la victime de son corps, l’immobilise, la coupe totalement de la réalité et l’empêche de réagir.
Marinette, youtubeuse, journaliste et féministe, y a consacré une vidéo, d’utilité publique.
La sidération psychique vécue par Marinette
Marinette commence par raconter sa propre expérience. En rentrant chez elle, elle a été agressée par un homme qui l’a brutalement saisie, mise à terre et a commencé à la peloter contre son gré.
Elle doit son salut à l’intervention de plusieurs voisins ayant invectivé l’agresseur, le mettant en fuite, et s’étant occupés d’elle ensuite.
La youtubeuse a expérimenté la sidération psychique. Elle explique s’être retrouvée « en-dehors » de son corps, comme si elle regardait la scène de l’extérieur.
En se relevant, elle s’est rendu compte qu’elle avait les mains dans les poches : à aucun moment elle n’a pu esquisser le moindre geste pour se débattre ou repousser son agresseur.
La sidération psychique expliquée par une psychiatre
Marinette a voulu aller plus loin que le simple témoignage en interrogeant Muriel Salmona, une psychiatre et psychotraumatologue spécialiste des troubles psychotraumatiques et des violences sexuelles, qu’on retrouve dans l’association Mémoire traumatique & victimologie ainsi que dans la campagne Stop au déni
.
Elle explique que la sidération psychique est un phénomène tout à fait réel, observable notamment sur des IRM, et qui se retrouve chez les victimes ou témoins de violence (elle prend l’exemple d’anciens soldats traumatisés par des évènements survenus pendant qu’ils étaient au front).
Quand la sidération psychique se retourne contre les victimes
Ce phénomène de dissociation peut également expliquer certains témoignages flous émanant de victimes.
En effet, une personne en situation de sidération a du mal à estimer le temps qui passe, les distances, les évènements autour d’elle…
Difficile dans ce cas de décrire précisément l’agression dont elle a été la cible.
Muriel Salmona explique également que la violence d’une telle dissociation peut perturber grandement les victimes, et les rendre incapable de déposer plainte rapidement, par exemple… ce qui génère parfois de nouvelles questions insidieuses.
Mémoire, mémoire émotionnelle et sidération psychique
La sidération psychique empêche d’intégrer correctement les informations perçues par notre système nerveux, de les digérer. L’agression peut rester perpétuellement vivace, à fleur de peau, et un rien peut ramener la victime à un état de traumatisme lié à cette violence non assimilée.
C’est entre autres ce dont je vous parlais en expliquant le phénomène des trigger warnings : si vous savez qu’une personne de votre entourage ne supporte plus l’odeur de la menthe depuis une agression passée, vous éviterez de la mettre en contact avec ce parfum, par exemple.
Les déclencheurs peuvent être multiples, et difficiles à éviter au quotidien.
Survivre à la sidération psychique
Muriel Salmona décrit deux stratégies de survie faisant suite à une sidération psychique liée à des violences :
- La victime s’isole, se ferme, se bloque, évite toute situation à risque et se cantonne à des espaces et des gens considérés comme sûrs.
- La victime continue à évoluer dans un état de dissociation, ce qui peut induire des abus de substances aidant à se détacher de la réalité, comme l’alcoolisme ou la toxicomanie. Elle peut également s’automutiler, adopter des comportements à risque, ne plus faire attention à son corps ou à sa sécurité… autant de comportements difficiles à comprendre pour l’entourage.
Au final, pour une agression, c’est toute la vie de la victime qui peut être brisée à long terme.
Pour mieux comprendre (et réagir face à) la sidération psychique
Marinette consacre au sujet une seconde vidéo, qui contient son entretien entier avec Muriel Salmona, découpé en plusieurs chapitres.
La spécialiste y évoque quatre points principaux :
- Comment les agresseurs utilisent les mécanismes de dissociation à leur avantage
- Quand la dissociation dure dans le temps
- Comment prendre en charge la mémoire traumatique
- Comment aider une personne traumatisée
Mieux comprendre ce qui se passe dans l’esprit d’une victime, c’est aussi un moyen de lutter contre la culture du viol et les idées reçues empêchant encore trop de personnes de retrouver la sérénité.
Je t’encourage à regarder ces vidéos et surtout à foncer en salles dès le 3 avril prochain découvrir le bouleversant mais nécessaire Comme si de rien n’était.
À lire aussi : Comme si de rien n’était, le film choc sur le viol et la sidération
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Les Commentaires
Par exemple si un mec te met une mandale gratuitement en pleine rue, on te reproche de ne pas avoir répondu?
Ou c'est vraiment que pour le viol?
Je sais bien que c'est lié à l'idée que certaines femmes peuvent mentir et faire passer une relation consentie en viol (chose infiniment rare on est d'accord), mais si tu n'arrives pas à te défendre, peu importe la nature de l'agression, c'est pas ÇA qui fait ou non l'agression
J'ai jamais eu d'état de sidération lors d'un viol, par contre ça m'est déjà arrivée de me figer avec le sang qui monte à la tête en une micro seconde dans certains cas. Par exemple si je vais courir et que je vois un mec me fixer dans un lieu désert. Ou je me rends compte qu'on me suit, je me retourne et me retrouve nez à nez avec un mec hyper malsain. Dans ces cas là peu importe que je sois de nature agressive en temps normal, là j'ai une énorme latence, plusieurs secondes où je fais rien et j'ai envie de pleurer. Alors un état de sidération je sais pas si c'est ça, mais clairement, dans certains cas tu n'es absolument pas maitresse de ton corps.
D'ailleurs je me demande toujours si ces fameux instants où tu croises un regard malsain qui te fige, c'est de la pure parano ou basé sur quelque chose de réel :/