Cela vous est sûrement déjà arrivé : vous commencez tranquillement votre journée et vous avez un rendez-vous médical prévu à 13h30. Vous avez donc du temps devant vous pour faire plein d’autres choses entretemps, n’est-ce pas ?
Sauf que vous voilà incapable de faire quoi que ce soit, à part peut-être scroller Instagram et penser au moment où vous aller devoir enfiler votre manteau pour aller à ce fameux rendez-vous.
Personnellement, cela m’arrive régulièrement, et jusque très récemment, je l’ai mis sur le compte d’un savant mélange de flemme et de fatigue. Et j’avais tort.
C’est ce que j’ai compris en découvrant cette publication de l’illustratrice Mikan Key :
« J’ai appris l’existence du terme « waiting mode ». C’était un problème que j’ai depuis toute petite et dont je ne savais pas qu’il était assez courant chez les tdah, les personnes ayant un trouble obsessionnel compulsif ou un trouble anxieux généralisé, ou encore l’autisme … après si vous avez ce « problème d’attente » ça ne veut pas nécessairement dire que vous avez un de ces troubles. Mais si ca vous handicape, ce n’est pas à négliger pour autant! Peut être à en parler à votre médecin traitant ou psy !
Ce waiting mode ou waiting impulsivity est l’incapacité à faire autre chose avant un rendez-vous. Ça se caractérise chez moi par la peur viscérale d’oublier ce rendez-vous, cette soirée ou d’être en retard et donc planifier mentalement et instinctivement un temps d’attente qui s’étend souvent plusieurs heures avant le rendez-vous : c’est un waiting mode. »
Quand vous vous retrouvez incapable d’accomplir ne serait-ce que des choses simples dans ce laps de temps avant une échéance, ce n’est pas de la paresse, ni un manque d’effort ou de concentration de votre part.
Votre cerveau est simplement passé dans ce qu’on appelle le waiting mode.
Le waiting mode, un phénomène proche de la procrastination
D’où vient ce blocage qui empêche irrémédiablement de faire quelque chose de productif alors qu’on a le temps devant soi ?
Coach professionnelle et formatrice, Diane Ballonad Rolland s’est spécialisée dans la gestion du temps et de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Pour elle, le waiting mode n’est pas si éloigné des phénomènes de procrastination.
« La procrastination, c’est un phénomène très complexe et multiforme, il y a plein de façons de procrastiner, ça peut être par peur de l’échec, par peur du regard des autres.
Le waiting mode est un peu différent, mais proche. Ce qui paralyse l’action, c’est la place mentale que prend l’échéance et qui va empêcher d’avoir une disponibilité pour autre chose. »
Ce phénomène psychologique relève aussi, selon elle, d’un besoin de reprendre le contrôle sur une situation qui nous échappe ou dont l’issue est incertaine :
« Notre attention va être centrée sur l’événement à venir et on va avoir du mal à lâcher prise et à se concentrer sur autre chose en attendant. Plus l’évènement nous stresse, plus ça mobilise de l’énergie, plus on va avoir besoin d’un temps pour se préparer. »
Et c’est d’autant plus stressant quand il y a de l’enjeu dans cet événement, que ce soit un entretien d’embauche ou un premier date.
Sur le blog lié à l’application de gestion du temps Tiimo, la coach Maaya Hitomi rappelle que le waiting mode peut toucher tout type de personnes mais va impacter plus durement celles qui ont un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui sont autistes, atteintes de dépression, ou qui souffrent d’anxiété.
Quelques stratégies pour gérer son waiting mode
Une fois qu’on a à peu près cerné ce qui enclenche notre waiting mode, que fait-on ? C’est vrai quoi, on est aussi là pour se sortir de ce cercle infernal d’inertie.
La conscientisation peut constituer une première étape. Une fois qu’on identifie la situation à risque, on peut alors mieux l’anticiper, la dédramatiser et faire en sorte de ne pas se laisser entraîner dans le waiting mode : « On peut travailler sur les enjeux, justement, prendre des distances pour ne pas se bloquer, relativiser, et ne pas s’empêcher de faire autre chose », nous explique Diane Ballonad Rolland.
Elle préconise aussi de travailler sur ce qu’elle appelle « l’action juste » :
« Ça consiste à reconnaître le bon moment pour agir. Bloquer un créneau, dans lequel on sait qu’on pourra se consacrer à une tâche, ça permet de lâcher prise, de faire les choses en temps voulu. On sait que ce sera fait au bon moment. »
En gros, faire un planning, définir des tâches précises et faisables dans le temps imparti me permettra de ne pas me retrouver impuissante et indécise entre plusieurs choses à faire et à n’en faire finalement aucune alors que j’aurais pourtant le temps.
Diane Ballonad Rolland rappelle justement la distinction entre Chronos et Kairos, deux définitions du temps, la première linéaire, la seconde liée à l’idée d’opportunité.
« L’action juste, c’est aussi savoir s’arrêter et ne rien faire. C’est aussi important. On n’a pas besoin de toujours rentabiliser notre temps de cerveau. »
S’accorder le droit de ne rien faire
Ça fait toujours du bien de le dire : on a le droit de ne rien faire, et surtout, on a raison de ne pas être productif 100% de notre temps.
Elle rappelle à juste titre la nécessité de laisser notre cerveau respirer et que l’illusion de ne rien faire permet aussi à notre ciboulot de s’en remettre au classement et à la réorganisation des informations : « C’est aussi le temps de la rêverie, on en a besoin. »
De quoi aussi se sortir de la culpabilité qu’on se traîne quand on ne fait « rien ». C’est parfois quand on laisse notre esprit vagabonder sans but qu’une bonne idée jaillit.
Maaya Itomi propose aussi des stratégies simples à mettre en œuvre : pratiquer le mind dump, autrement dit se vider la tête en couchant sur le papier les pensées autour de cette échéance, sans forcément immédiatement les lister ou établir un planning.
Aussi, et cela peut paraître évident, mais se reposer sur une alarme pour signaler le moment où on doit se préparer pour son échéance, puis une seconde pour le moment où il faut vraiment partir (ou se connecter), pourra aider, explique Maaya Itomi :
« Afin de donner à ces rappels la meilleure chance de fonctionner, on doit faire en sorte de les forcer à entrer dans notre conscience. Cela peut passer par régler plusieurs alarmes pour avoir plusieurs occasions de se libérer de la tâche à accomplir, utiliser des alarmes que l’on doit éteindre, ou bien externaliser le rappel en demandant à quelqu’un qui a une meilleure relation avec le temps (particulièrement si elle nous accompagne). »
Comme l’explique aussi Mikan Key, vous pouvez aussi planifier le maximum de vos rendez-vous au début de votre journée pour éviter le waiting mode qui pourrait se produire plusieurs heures avant.
Bien sûr, chaque personne vit le stress d’une façon différente et va avoir sa solution. À vous de tester, d’expérimenter ce que vous semble le plus adapté pour surmonter le waiting mode.
Oui, on peut agir sur ce mécanisme, estime Diane Ballonad Rolland, et il ne faut pas hésiter aussi à se tourner vers une aide psychologique dans les cas où ce phénomène devient vraiment problématique : « Là où il faut s’inquiéter, c’est quand ça devient paralysant, quand on ne peut plus rien faire d’autres, y compris des choses du quotidien. »
Et vous, êtes-vous aussi victime du waiting mode ? Avez-vous mis en place des moyens d’y échapper ?
Crédit photo : Quốc Bảo via Pexels
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