Cet article est le deuxième épisode du journal de bord d’Anouk Perry sur un voilier queer et féministe. Vous pouvez lire les épisodes précédents et suivants ici :
Le 4 mai dernier, j’ai rejoint à Pornic l’équipage de Triton, un voilier se revendiquant queer et féministe. J’étais assez peu expérimentée en navigation, mais j’avais envie d’aventure… Je n’ai pas été déçue !
Willkommen, Welcome à bord
Quand je suis arrivée sur le ponton et que j’ai vu Triton pour la première fois, j’ai été quelque peu déboussolée. Effectivement, Triton est plus petit que tous les bateaux que j’ai connus, il ne fait que 9 mètres de long, il n’y a qu’une cabine de 2 places à l’avant et elle est déjà occupée. Mon « lit » est en fait une banquette dans le carré, c’est-à-dire dans l’espace salon du bateau.
En plus de ces premières découvertes, il y a les premières minutes un petit flottement linguistique. Les personnes alors présentes, Len, Jana ainsi que d’Hannah, notre skipper sont toutes trois Allemandes et je ne parle pas allemand, alors nous nous parlons en anglais. Ça fait longtemps que je n’ai pas pratiqué et je me sens rouillée.
Heureusement, Hannah me fait tout de suite un petit discours d’arrivée présentant à la fois les règles de sécurité en navigation ainsi que les règles de vie, en concluant que c’était normal de se sentir « bizarre » les premiers jours.
Premier départ, premier retour
Deux heures après mon arrivée, Hannah nous propose de préparer le bateau pour une sortie en mer. Il faut alors tout ranger pour que rien ne tombe quand on navigue, débrancher l’électricité, faire un check-up du (très) vieux moteur et préparer les voiles. Le processus prend près de 45 minutes.
Sauf que ce jour-là, quand nous sortons enfin du port, les vagues sont vraiment importantes, bien plus que prévu, et Hannah annonce rapidement qu’il serait trop dangereux de tenter de hisser les voiles dans ces conditions. Après à peine 15 minutes en mer, nous voilà déjà de retour au ponton initial.
De mon côté, je trouve ça ok, mais je sens que Len et Jana ne le vivent pas aussi bien. Cela fait déjà plus de 3 jours qu’iels sont bloqué•es au port de Pornic à cause d’une météo défavorable.
Heureusement, nous réussissons à partir le lendemain, et après une très belle traversée sous le soleil, poussé•es par le vent, nous arrivons à Noirmoutier. L’occasion pour moi de découvrir les manœuvres de base, mais aussi de barrer Triton, c’est-à-dire le conduire, pour la première fois. L’aventure commence vraiment !
Des rencontres et des au revoirs
Nous restons à Noirmoutier deux jours. Je découvre au passage qu’un port, c’est parfois un peu comme un camping dans le sens où tout le monde s’observe (gentiment), tout le monde se parle, et on va aux sanitaires pour prendre nos douches.
Je rencontre ainsi une comptable qui vit désormais à temps plein sur son bateau ainsi que deux amis qui ont acheté un très vieux bateau et comptent traverser l’Atlantique avec.
C’est bientôt l’heure du départ pour Len et Jana, iels seront bientôt remplacé•es par de nouvelles équipières dans deux jours. Alors, iels font leurs comptes et je leur demande combien leur ont coûté ces deux semaines à bord.
Naviguer sur un voilier, une aventure coûteuse ?
Avant d’embarquer, j’avais bien lu que Triton demandait 70 € pour confirmer sa participation (frais expliqués par le temps que prend d’organiser un tel planning, avec les changements permanents d’équipiers), ainsi que 60 €/semaine pour les frais d’entretien généraux du bateau.
Il faut en plus de cela compter la caisse de bord, c’est-à-dire l’argent qui sert à payer les frais quotidiens de l’ensemble de l’équipage. On compte dedans les nuits au port (en général entre 15 et 25 € la nuit), l’essence pour le moteur, ainsi que les courses.
Mes coéquipier•es m’expliquent que sur les 2 semaines, iels étaient à une moyenne de 15 €/jour. Le tout cumulé, on finit donc autour de 165 € par semaine passée sur le bateau + 70 € d’inscription.
Direction l’Île d’Yeu, à 2 !
Après une dernière navigation pour le plaisir avec Len et Jana, les deux nous quittent pour rentrer en Allemagne. Hannah et moi sommes seul•es à bord, et nous devons naviguer jusqu’à l’Île d’Yeu, où les prochaines équipières nous rejoindront. Rapidement, nous ne voyons plus la côte, nous ne sommes entouré•es que d’eau. Je trouve ça fou de me dire que je suis si proche de la France, et pourtant si isolée, là, tout de suite.
Nous papotons, écoutons de la musique, assistons à un splendide coucher de soleil, tout va bien… Mais le voilier est un moyen de transport incertain, nous allons plus lentement que prévu, et rapidement la nuit tombe et l’océan s’agite. Nous voilà bientôt dans l’obscurité totale. Par sécurité, on s’accroche avec des lanières au bateau pour ne surtout pas tomber.
Le premier jour, lors du brief sur la sécurité, Hannah m’avait répété que la règle numéro 1 sur un bateau est de ne jamais en tomber. Iel avait ajouté que même si le voilier coule, tu dois rester au maximum dessus, une question de chances de survie.
Quand, enfin, on s’approche du port, Hannah va au pied du mat pour ranger les voiles. Iel me crie des instructions en anglais pendant que je barre, mais je ne comprends pas. Je ne sais pas ce qu’iel me demande, quelle corde je suis supposée tirer ou lâcher. Ce bateau ne ressemble pas aux autres avec lesquels j’ai navigués. Je panique un peu, car Hannah est dans une position instable et que même harnarché•e, si iel tombait par-dessus bord, je ne suis pas sûre que je réussirais à tirer son poids hors de l’eau.
Heureusement, après de longues minutes, on y arrive enfin, et quand nous traversons l’entrée du port, je me sens enfin soulagée. Il est bientôt minuit, et nous nous écroulons de sommeil. Demain, ce sera balade et repos, car d’ici à quelques jours, nous nous lancerons dans une traversée bien plus longue et périlleuse : celle du Golfe de Gascogne, en partant de l’île d’Yeu pour rejoindre en route direct Gijon, une ville située au nord de l’Espagne. Il faut compter entre 2 et 3 jours, et cette traversée est réputée comme mouvementée.
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