Le shutdown, dont vous avez probablement entendu parler, désigne la fermeture temporaire des administrations fédérales jugées « non essentielles ». Près de 800 000 fonctionnaires sont forcés de prendre un congé sans solde. Concrètement, les musées et monuments sont fermés (y compris les cimetières américains français), mais également de nombreuses administrations publiques.
Le shutdown a commencé le 1er octobre, et se poursuit actuellement. La presse américaine se fait ainsi l’écho de ses victimes collatérales. Le camp démocrate dénonce « une prise en otage » de la population :
Conséquence du shutdown : aide alimentaire coupée à 50 000 mères et leurs bébés en Caroline du Nord
Le retard du versement des pensions suite aux décès des militaires est une conséquence inacceptable de ce shutdown irresponsable. Nous devons relancer le gouvernement maintenant. #ÇaSuffit
Pas de budget, pas de fonctionnaires
L’arrêt des administrations est la conséquence directe d’un conflit politique qui oppose les Démocrates et les Républicains. Un accord n’a pu être trouvé entre les deux partis au sujet du budget 2014, ni même pour un budget provisoire.
Sans budget, sans autorisation d’engager des dépenses accordée par la Chambre des Représentants (l’équivalent de notre Assemblée Nationale), l’État fédéral ne peut donc plus payer ses fonctionnaires, pas tant que le budget n’aura pas été voté.
D’autres shutdown ont eu lieu par le passé, et la Chambre a souvent voté une loi rétroactive permettant de payer les fonctionnaires. Mais en tout état de cause, pour l’heure, ces personnes ne sont pas payées.
Certains services jugés indispensables continuent de fonctionner, mais ils sont limités : agents des services secrets, astronautes en mission, services de lutte contre la drogue, les contrôleurs aériens, etc. Le New York Times a réalisé un tableau récapitulatif des fonctionnaires qui doivent rester chez eux/qui doivent travailler.
L’intransigeance du Tea Party à l’origine du blocage
Le paysage politique américain est essentiellement bi-partiste : l’élection présidentielle est toujours un duel entre le parti républicain d’un côté, le parti démocrate de l’autre.
Barack Obama est démocrate. Les Républicains sont majoritaires à la Chambre des Représentants. Pour qu’une réforme soit adoptée, il est donc nécessaire que les deux camps arrivent à un compromis. Il s’agit d’une négociation permanente entre le camp démocrate et le camp républicain. Mais deux facteurs sont venus compliquer ce mécanisme :
1. Côté démocrate : le président Obama a fait de l’assurance santé pour tous une priorité de son mandat. Impossible pour lui de reculer sur ce point. Or les Républicains, qui défendent une intervention minimum de l’État, ne soutiennent pas cette politique.
2. Côté républicain : l’émergence du Tea Party au sein du parti républicain l’a conduit à radicaliser sa position non-interventionniste. « Tea » est l’acronyme de « Taxed Enough Already » : les représentants du Tea Party considèrent donc que les Américains sont déjà suffisamment taxés et refusent de voter des impôts supplémentaires.
Pour mieux comprendre les relations entre le Tea Party et le parti républicain, à lire sur Slate : le « shutdown », la ruine du parti républicain.
L’éléphant, symbole du parti républicain, et l’âne, symbole du parti démocrate
Pour résumer, les Républicains et le Tea Party refusent de voter le financement de la réforme Obamacare, un point sur lequel les Démocrates ne sont pas prêts à transiger. Les deux partis se renvoient la responsabilité du shutdown, chacun accusant l’autre camp de refuser le compromis.
L’humoriste Stephen Colbert caricature cet imbroglio politique dans son émission quotidienne
The Colbert Report, avec un numéro en l’honneur de « l’anniversaire d’une semaine » du shutdown 2013.
« Les Démocrates sont un âne, les Républicains sont un éléphant, et le Tea Party est un parasite dans le cul de l’éléphant », explique Stephen Colbert.
Boehner / Obama, le bras de fer continue
John Boehner est le président de la Chambre des Représentants, à majorité républicaine. Il représente le camp républicain, face à Barack Obama, président démocrate. En plus du shutdown, la dette des États-Unis va atteindre son plafond le 17 octobre prochain. La Chambre doit voter pour relever le plafond de la dette, sans quoi les États-Unis ne pourront pas continuer à emprunter.
Obama n’a pas flanché sur la défense de sa réforme de l’assurance maladie Obamacare. Sa position, et surtout son intransigeance sur le sujet, n’est pas nouvelle. Les débats faisaient rage déjà lorsque le projet de budget a été adopté par le Sénat (démocrate) en mars. Le président avait alors affirmé qu’il ne reculerait pas sur Obamacare, position qu’il maintient à ce jour. Il accuse les Républicains d’avoir « joué la montre », espérant que l’approche de la deadline du plafond de la dette leur confèrerait davantage de poids dans la négociation.
Obama refuse de céder à ce qu’il qualifie de « chantage » (« extorsion »), et exhorte John Boehner à « lever la menace » qui pèse sur l’économie américaine et mondiale, arguant que la prolongation de cette crise impacterait la confiance des étrangers vis-à-vis des États-Unis.
Conférence presse du président Barack Obama. Il y réaffirme sa position en faveur de l’Obamacare et invite John Boehner à « lever les menaces qu’il fait peser sur l’économie américaine ».
La parodie de Miley Cyrus au Saturday Night Live
On n’en finit plus de parodier Wrecking Ball, mais lors de l’émission Saturday Night Live, c’est We can’t stop qui a fait l’objet d’une parodie politique. Miley Cyrus y participe, déguisée en Michele Bachmann, figure du Tea Party, accompagnée d’un faux John Boehner (Taran Killian).
Michele Bachmann, fondatrice du Tea Party
La Chambre des représentants se dit « The House » en anglais, ce qui permet en effet de parodier efficacement les paroles « We can’t stop, This is our House », qui deviennent « We did stop (the governement) » : « on a tout arrêté, c’est notre baraque ».
Extraits traduits :
« On a arrêté (le gouvernement) C’est notre parti on peut dire ce qu’on veut On peut arrêter quand on veut C’est notre parti, on peut faire ce qu’on veut
Y a des projets de lois plein la Chambre, on s’en fout Parce qu’on est venu tout arrêter maintenant, Y a plus de gouvernement maintenant
Si vous n’êtes pas prêts pour l’assurance santé, Est-ce que je peux avoir un « hell no » Parce qu’on va continuer à bloquer, Washington DC est une ville verrouillée
Daladidadi, Parti républicain, Le « Grand Old Party », On fait ce qu’on veut
C’est notre Chambre, on fait la loi, Et on a bloqué le gouvernement
Vous ne voyez pas qu’on est la droite Vous ne voyez pas qu’on gagne la bataille,
Et souvenez-vous que seul Dieu peut nous juger Oubliez les haters parce que nous avons été élus »
Shutdown : à suivre…
Voilà une semaine que le shutdown se poursuit. Le 17 octobre approche, tandis que Républicains et Démocrates campent sur leurs positions. Tant que les deux partis ne seront pas arrivés à un accord sur le budget (et sur le relèvement du plafond de la dette), les fonctionnaires devront rester chez eux.
Ce qui était au départ un différend idéologique entre Républicains et Démocrate à propos du degré d’intervention de l’État acceptable pour les uns, souhaitable pour les autres, produit désormais des effets très concrets dans le quotidien des Américains.
Sources :
- Who goes to work ? Who stays home ? New York Times
- États-Unis : le « shutdown » en 5 questions, Le Monde
- UBUESQUE – les conséquences du « shutdown » en Normandie ou dans l’espace, Big Browser
- Le « shutdown », la ruine du Parti républicain, Slate fr
- Shutdown aux États-Unis : chaque camp avance ses pions, L’Express
- Lift ‘Threats’, Obama insists, Spurning Talks, New York Times
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Cela devrait plaire à nos Belges (@Sélavy et @Antigone_ notamment).