Tu ne verras pas de pénis dénudé dans cet article mais tu verras des sexes en érection sous des caleçons. Voilà, tu es prévenue !
Internet est prétexte à de nombreux challenges plus ou moins rigolos, plus ou moins accessibles, et avec le confinement, toute idée de distraction est bonne à prendre.
Mais alors « faire tenir une bouteille de shampooing sur sa teub (pour montrer qu’on en a une grosse) », ça c’est un bel exemple de l’ingénierie humaine.
C’est quoi le #ShampooChallenge : du shampooing sur la bite ?
Le concept est plutôt simple : il s’agit de poser un flacon de shampooing en équilibre sur son pénis en (semi) érection, ledit pénis étant généralement masqué par un boxer ou caleçon, voire un pantalon.
Puisqu’une image vaut mieux que mille mots, voici quelques exemples :
https://twitter.com/malonchan1/status/1254631667945181190
Ça peut paraître difficile à faire, mais au final, souvent le shampooing repose plus sur le ventre, qui en supporte la majorité du poids, que sur la teub. Astuce.
D’où vient le #ShampooChallenge ?
Je remercie encore une fois MEL Magazine qui est remonté pour moi jusqu’à la racine, que dis-je, le scrotum du #ShampooChallenge.
Eh bien figure-toi que cette idée vient à la base des communautés d’artistes et de fans d’anime japonais, et que la première occurrence semble être ce tweet désormais supprimé :
Le challenge a ensuite circulé dans la communauté furry (des animaux humanoïdes dessinés ou incarnés via des costumes), puis chez des personnes LGBT, avant de finir entre les mains de mecs hétéro.
D’ailleurs, en faisant défiler le hashtag #ShampooChallenge, on voit pas mal d’hommes revendiquant leur homosexualité, comme celui-ci par exemple (qui a remplacé avec humour le shampooing par l’album ARTPOP de Lady Gaga) :
https://twitter.com/jayjuniorrr/status/1255766539216867330
S’il peut paraître étonnant de voir un mème plutôt niche se retrouver imité par des mecs random, je pense que cette conclusion de Joseph Longo, l’auteur de l’article sur MEL Magazine, résume tout :
« Comme toute tendance, les challenges artistiques sur Internet finissent généralement par être récupérés par des mecs bien foutus qui cherchent la moindre opportunité de montrer leurs abdos et faire le buzz. »
Bon, maintenant que je t’ai expliqué les bails, je vais te dire un peu ce que je pense du #ShampooChallenge.
Le #ShampooChallenge, « c’est dégueulasse » ?
C’est marrant parce qu’en montrant certaines photos du #ShampooChallenge à des potes, pourtant de genre féminin, hétéro et ayant une vie sexuelle, une réaction à chaud est revenue plusieurs fois :
— Ça me dégoûte.
Ce à quoi j’ai réagi avec surprise.
À mon sens, ce sont des corps, certes excités, mais ce n’est pas dégoûtant
, pas plus que d’autres manifestations corporelles comme la cyprine (la « mouille »), les règles ou les tétons qui pointent.
Et si je milite pour qu’un peu de sang menstruel ne fasse plus pousser des hauts cris, ma foi, je serais bien mal placée pour me plaindre d’une demi-molle sous un boxer.
Cependant, j’ai vite compris que les réactions de mes potes ne venaient pas du visuel en lui-même… mais de ce qu’il leur évoque.
Le #ShampooChallenge, ou le double standard sexiste
Si ces photos les « dégoûtent », c’est parce qu’elles leur rappellent ces trop nombreuses dick pics reçues sans leur consentement, toutes ces fois où elles ont été confrontées à des pénis en érection sans l’avoir choisi.
Le corps, en soi, est neutre, mais dans notre société, il ne l’est pas, et la vision d’un organe sexuellement excité renvoie à des expériences vécues, plus ou moins heureuses.
Elles leur évoquent aussi une façon de « poser ses couilles sur la table », de montrer qu’ils ont une grosse bite, dans un geste venu des codes toxiques de la virilité.
L’autre raison de ce « dégoût », c’est aussi et surtout la légèreté avec laquelle le #ShampooChallenge est reçu.
Certains participants indiquent dans leurs tweets « Désolé pour les gens que je connais en vrai », sous-entendu « Désolé que vous ayez une idée d’à quoi ressemble ma teub », mais c’est environ la seule « précaution » prise.
https://twitter.com/XelaHqt/status/1254764648731197442
Et quand on lit les réponses au #ShampooChallenge, on trouve :
- Des blagues (gentilles) sur la taille de la teub
- Des gifs rigolos
- Des meufs ou des mecs qui envoient des emojis « yeux sur le côté » à foison ou proposent de passer en DM
- Des gens qui demandent la référence du boxer porté sur la photo
On ne trouve pas :
- Le putain de harcèlement qui attend toute femme montrant une partie de son corps, a fortiori sexuellement excitée !
Non mais t’imagines si y avait le #WetChallenge, où on prenait des photos de nos culottes mouillées par notre désir ? T’imagines ce qu’on recevrait comme haine ?
Il suffit de voir ce que prennent dans la gueule les meufs dont les tétons se voient sous leur haut, alors même que ça peut être causé par le frottement ou le froid, et ne rien indiquer de leur niveau d’excitation.
BRRREF. Je veux pas faire de procès d’intention mais j’espère bien que tous les mecs qui participent et tous les gens qui leur répondent n’ont jamais insulté une femme qui avait l’audace de montrer son corps sur Internet.
Le #ShampooChallenge, générateur de complexes ?
L’autre aspect qui me fait un peu grincer des dents avec ce challenge, c’est que je l’imagine bien générer des complexes chez ceux qui ne sont pas capables d’y participer.
En cela, il me rappelle un « défi » débile de mon adolescence : mets-toi debout, et pose un crayon sous un de tes seins. S’il tient, c’est que tu as les seins qui tombent, comme une mamie, mouarf mouarf !
Plot twist : j’ai toujours eu les seins qui tombent, ça m’a toujours complexée, et ce « défi » ne m’a clairement pas aidée à les accepter.
Alors je pense que les mecs qui n’ont pas une bite assez longue / grosse / dure pour le #ShampooChallenge ne se sentent pas forcément très bien face à tous ces gourdins…
Sans parler du fait que les participants sont globalement dans les canons de beauté, même si on trouve aussi des exceptions comme ce joli petit bidou :
https://twitter.com/daisuke29314/status/1253989105131634689
Le #ShampooChallenge, pas bien grave mais révélateur
Tu trouves peut-être que je me prends trop la tête sur un simple challenge mi-rigolo mi-excitant qui disparaîtra du Web aussi vite qu’il y est arrivé.
Certes, la tendance est éphémère, mais il est rare de voir des défis sexualisants impliquant des mecs, et il me semblait intéressant de me pencher sur ce que le #ShampooChallenge révèle, en sous-ton, de notre société.
Il reste encore du chemin à faire pour apaiser le rapport au corps et à la sexualité ; ce type de défi peut y aider… mais aussi mettre en lumière les persistantes inégalités hommes-femmes.
J’ai hâte de lire, maintenant : que t’évoque le #ShampooChallenge ? Comment as-tu réagi en le découvrant ? Partages-tu mon analyse ? Dis-moi tout dans les commentaires !
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Les Commentaires
Bon déjà, je dois dire que c'est difficile d'avoir une comparaison complètement absolue car les shows de strip-teaseurs mecs glaucques où le gars est traité comme un bout de viande dont on s'en fout du consentement, je ne crois pas qu'il y en ait vraiment (en tout cas destinés aux femmes hétéros), par contre c'est un grand classique des shows de strip-teaseuses femmes. Les strip-teaseurs se produisent plus sous forme de spectacle scénographié qui sont le centre du divertissement de la soirée en mode chippendales, et les strip-teaseuses ont plus tendance à être sur la scène pour animer une soirée qui ressemble un peu à une soirée bar ordinaire, donc je dois reconnaitre que ce n'est pas tout à fait le même type de shows que j'ai vu des deux côtés.
Mais alors les shows masculins destinés aux femmes, c'était un spectacle que je trouvais relativement bienveillants avec les hommes vraiment perçus comme des artistes et qui avaient l'air de beaucoup s'amuser sur scène. Ils incarnaient successivement différents fantasmes clichés des femmes (le pompier, le policier, l'artiste, le mec de 50 shades of grey, etc.), parfois avec un côté un peu "grossier" avec des gestes très suggestifs envers les femmes qui venaient sur scène, mais ils menaient vraiment la danse en quelque sorte. De manière générale, les femmes se comportaient un peu comme si elles étaient dans un stade on va dire. Elles étaient énormément là entre copines, pour passer un bon moment "coquin" dans un espace féminin, elles étaient très joyeuses, parfois très excitées mais jamais irrespectueuses envers les strip-teaseurs qui étaient traités un peu comme des stars (genre si tu croises Brad Pitt, tu vas pas lui mettre la main au paquet, bah là c'était pareil). Elles ne hurlaient pas d'insanité ou de choses dégradantes envers les strip-teaseuses et si elles croisaient d'autres hommes comme un barman ou je ne sais qui, elles n'allaient pas se permettre de le traiter avec lubricité, elles le regardaient de manière totalement neutre.
A la fin du show, les strip-teaseurs trainaient un peu au bar avec les spectatrices et les femmes demandaient essentiellement des selfies en gloussant ou des autographes. Parfois, elles se permettaient de les serrer un peu près pendant le selfie mais on avait l'impression qu'elles se sentaient super fières de leur hardiesse et je n'ai rien vu qui pourraient être limite agression sexuelle. Elles ne demandaient rien d'autre ou ne faisaient pas d'avance ouvertes aux strip-teaseurs (ptete un peu de drague, mais ils avaient eux-mêmes un côté flirty qui faisait partie du show donc c'était plus une réponse à ça, et elles n'allaient jamais jusqu'à faire de vraies propositions sexuelles).
Les strip-teaseurs étaient aussi très respectueux des femmes. Une de mes copines s'est fait invitée à monter sur scène et le gars qui l'avait repéré pour un passage du show lui a vraiment parlé super gentiment, à la rassurer, à la mettre en confiance et à ne pas lui mettre la pression du tout.
En tant que femmes dans ces shows, j'avais vraiment l'impression que c'était un moment totalement construit pour mon amusement mais avec un côté bon enfant et bienveillant, et je me sentais très en sécurité. Je ne crois pas que les strip-teaseurs se sentaient dévalorisés du tout, bien au contraire.
A l'inverse, les shows de femmes que j'ai vu, ce sont des très mauvais souvenirs. Je suis allée dans un club assez moyen et dans un plus coté. Dans le club moyen (qui était pourtant pas supposé être glaucque, dans une rue de sortie très populaire, dans un pays occidental où le strip-tease est légal, avec le videur qui n'avait pas l'air surpris de voir des femmes rentrer), déjà, les hommes clients posaient un regard très angoissant sur moi, comme si j'étais une sorte de proie tombée dans un repaire de prédateurs alors que j'étais une spectatrice tout comme eux. Honnêtement, c'est vraiment comme ça que je l'ai ressenti. On voyait des salles VIP à peine cachée où des strip-teaseuses avaient l'air de faire des prestations sexuelles plus ou moins déguisées sur des hommes. Je crois même que j'ai vu des hommes dans un coin qui avait vaguement l'air de se tripoter alors qu'évidemment, AUCUNE FEMME au show d'hommes ne se comportait comme ça.
Sur la scène, les trip-teaseuses avaient l'air de se faire CHIER à mort. Je ne sais même pas comment ça distrayait les hommes venus là. Je me souviens d'un moment du show où la strip-teaseuse a retiré sa culotte et ecarté les jambes avec la même passion que si elle allait chez le gynéco pour montrer une mycose. Et c'est à ce moment-là qu'un homme d'au moins 10 ans de plus que moi et ma copine a quitté ses deux potes pour venir s'asseoir à notre table et nous taper la discute en mode drague, ce qui m'a vraiment mise mal à l'aise.
Je n'avais pas l'impression d'être dans un public de gens venus entre mecs pour vivre une expérience bonne enfant un peu subversive et fun mais d'être au milieu d'hommes qui voyaient les femmes comme de la viande dont ils peuvent profiter librement sexuellement, même si le principe de base, c'est supposé être simplement une nudité un peu érotique qu'on REGARDE simplement.
Dans le club un peu plus haut de gamme, la clientèle était beaucoup moins prédatrice envers les femmes qui venaient en tant que clientes (c'était un pays occidental où c'était également légal et où la plupart des bars fermaient relativement tôt donc le club de strip-teaseuses était l'un des seuls ouverts jusqu'à 8h du mat, ce qui fait que beaucoup de femmes s'y rendaient en fin de soirée pour continuer à faire la fête). Par contre, tout le staff féminin était clairement conçu comme une sorte d'amusement pour les hommes. En fait, j'ai même des copines qui travaillaient là comme serveuses et qui m'ont expliqué que la manageuse insistait très lourdement pour les faire passer au strip-tease. Une de mes copines (très jeune, genre 18 ans) avait fini par accepter d'essayer un soir car elle s'imaginait que ce serait excitant mais finalement ça l'a mise mal à l'aise et quand elle a voulu revenir au bar, la manageuse lui avait dit que soit elle continuait à faire du strip-tease, soit elle était virée. Et elle avait donc été virée. Ma copine plus âgée qui travaillait là disait que c'était une pratique courante et qu'après le strip-tease on te poussait progressivement vers des trucs où tu es de plus en plus exposée aux exigences de la clientèle masculine (genre être dans une salle VIP à servir nue des hommes qui payent beaucoup d'argent, etc.) et qu'à la fin, ça pouvait vriller vers le limite-sexuel.
Même si la clientèle était plus respectueuse (notamment je pense parce qu'elle était plus mixte...), dans ce club plus haut-de-gamme, je n'ai pas l'impression que les hommes venaient là principalement pour passer un moment bon enfant entre potes, déjà parce que ça paraissait beaucoup plus courant de venir seul qu'au show de chippendales, et aussi parce que le spectacle féminin n'était absolument pas fait pour amuser et faire sourire avec des fantasmes de toute sorte mais vraiment plus pour dans un rapport de genre banal, moins subversif, où la femme est un objet classique (alors que les femmes profitant de la nudité masculine contre de l'argent, il y avait un côté fun et excitant car c'était un peu subversif... l'inverse est plus banal).
Aussi, les chippendales avaient un côté "troupe" qui travaillaient ensemble à la préparation du show alors que les strip-teaseuses n'étaient pas du tout forcément des danseuses pros ou quoi vu qu'on pouvait recruter la barmaid pour danser la veille au soir...
Après, j'imagine qu'il y a des clubs beaucoup plus artistiques pour les femmes et donc beaucoup plus proches de mon expérience de strip-teaseurs mecs, avec un public plus venu pour le divertissement, mais je n'ai pas été dans ce genre d'endroits (je ne parle pas de show type le Crazy Horse qui est de la danse sexy et pas du strip-tease, mais peut-être plus le Pink Paradise à Paris qui est vraiment du strip-tease et où je ne suis jamais allée).
Donc bon, mon expérience est un peu biaisée puisque les endroits ne sont pas strictement identiques (les expériences hommes/femmes étaient aussi dans trois pays différents, anglo-saxons les trois mais pas les mêmes donc la culture a pu un peu influencer les réactions des publics, même ça me paraissait quand même coller avec ce que je connaissais des comportements hommes/femmes de manière générale...) mais j'ai quand même l'impression que le public féminin susceptible de vouloir voir des hommes se déshabiller sur scène recherche moins de manière générale à disposer du strip-teaseur et que celui-ci a plus de latitude pour rester en contrôle que l'inverse avec danseuse femme et public homme.
Je pense que les femmes sont beaucoup plus éduquées à attendre un signe des hommes qui leur plaisent avant d'imposer leur désir (ce n'est pas parfait hein, on peut aussi ignorer le consentement des hommes, mais on y est plus attentive), ce qui explique aussi que "leurs pulsions" ne soient pas perçus pareil. On a beaucoup plus appris à contrôler nos "pulsions" quand l'homme en face ne semble pas intéressé, à ne pas imposer notre regard lubrique, alors que les hommes sont beaucoup moins éduquées à se préoccuper du désir de la femme qui leur plait, ce qui explique à mon avis cette perception du désir homme/femme et du regard qu'ils portent sur l'autre.
Donc bien sûr, il y a une part de ce que tu observes qui est tout à fait juste, mais je pense qu'il y a aussi une sorte de réalité dans cette différence d'expression du désir.