Shame, c’est le métro-boulot-dodo de Brandon. Un métro-boulot-dodo éclairé de lumière blanche, humide et qu’on imagine avec une odeur rance. Malsain, cru, avec des longs silences et des regards appuyés, bercé par le bruit de l’Underground new-yorkais. Un métro-boulot-dodo qui, pour Brandon, rime avec libido. Métro : libido. Boulot : libido. Dodo : libido.
Parce que lorsqu’il est question de sexe, Brandon abrite un monstre vorace jamais rassasié et toujours en quête d’un nouveau festin. Brandon dévore comme un puits sans fond, sans jamais être repu, jusqu’à l’écœurement, jusqu’à l’épuisement. Jusqu’à ce que ses forces lui reviennent, que la faim le tiraille à nouveau, qu’il pose son regard sur n’importe quel mets consommable. Et qu’il le consomme, cela va sans dire.
Que ce soit façon fast-food sur un parking, buffet chic dans un grand hôtel ou livraison à domicile. Sans désir, sans plaisir, juste pour apaiser le monstre l’espace de quelques instants. Et comme si Brandon n’avait pas suffisamment de problème à la maison avec son démon boulimique, sa sœur Sissy décide de taper l’incruste en mode « salut-c’est-moi-je-m’installe-sur-ton-divan ».
https://www.youtube.com/watch?v=uCHsrW9so68
Shame, c’est l’histoire d’un frère obsédé sexuel, d’une sœur instable émotionnelle mais c’est surtout l’histoire d’un non-dit entre les deux. D’un non-dit pour le spectateur, s’entend, parce que les personnages le connaissent, eux. Le non-dit les ronge, les bouffe, les ballotte ; les enferme dans un cercle vicieux et leur donne peu d’espoir d’en sortir. Et nous peu d’espoir d’y rentrer.
À me tenir trop loin de l’intrigue finalement, Steve Mc Queen m’a empêchée de me sentir concernée par ce que je voyais. Et j’en ai vu des choses.
J’ai vu ce qui m’a semblé être les plans fixes les plus longs de l’histoire du cinéma depuis la Sortie des usines des frères Lumière
. Et si j’y ai trouvé un intérêt stylistique certain, je me demande encore quelles informations on peut en tirer.
J’ai vu un Michael Fassbender magnifié, sublimé dans le supplice d’un homme torturé. Je l’ai vu fragile et impassible, juste et névrosé.
J’ai vu du sexe sale et suintant, dégoulinant de perversité, de quoi faire oublier toutes ses illusions hollywoodiennes à Sophie-Pierre Pernaut (enfin, au moins la première).
J’ai vu un homme sombrer, se noyer dans son addiction, sans comprendre ni pourquoi ni comment il en était arrivé là. Et c’est dommage. Parce que j’aurais bien aimé qu’on m’explique le pourquoi du comment.
Au final, le film fournit plus de questions que de réponses, plus de doutes que de certitudes. Il veut marquer les esprits avec des images chocs mais on ne sait quel message leur associer.
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