Cet article révèle des éléments-clefs de Shadow and Bone saison 1.
Un univers peu représenté à l’écran, une photographie éblouissante, une situation géopolitique intéressante, des personnages attachants… Shadow and Bone : la saga Grisha avait de quoi nous faire vibrer, mais on a à peine eu quelques frissons.
Adaptée de la trilogie littéraire Grisha et de la duologie Six of Crows de Leigh Bardugo, Shadow and Bone : la saga Grisha est la nouvelle série sensation de Netflix. Créée par Eric Heisserer, elle raconte l’histoire d’Alina Starkov, une jeune orpheline qui doit sauver Ravka, son royaume, d’une malédiction qui pèse depuis des millénaires sur le territoire. Cette malédiction, c’est le « Fold » (« le pli » en français), un brouillard cauchemardesque presque impossible à traverser qui sépare le pays en deux parties.
Selon Business Insider, elle est première du top 10 américain des programmes Netflix, rien que ça. Alors, curieuse comme on est, on s’est demandé si la série méritait tout ce succès !
Notez que cet article se concentre sur la série en tant que telle, et sur non les livres de Leigh Bardugo dont certains éléments critiqués ici sont tirés — car l’adaptation aurait pu prendre des libertés avec ces éléments, comme elle l’a fait pour les origines shu d’Alina ou le crossover avec les Corbeaux.
L’univers épatant de Shadow and Bone…
Shadow and Bone est une série fantastique ambitieuse, on doit lui reconnaître ça et on le voit dès les premiers épisodes. Notamment grâce à un univers bluffant.
L’action se déroule majoritairement à Ravka, un pays qui rappelle la Russie tsariste. Le royaume est en guerre contre Fjerda (un pays inspiré des cultures scandinaves) et Shu Han (l’équivalent de notre Chine). C’est pour cette raison qu’Alina Starkov, l’héroïne, est au début de la série enrôlée dans l’armée en tant que cartographe. Dans cette armée, on trouve aussi des grishas, de puissants magiciens capables de manipuler les éléments, les objets et le corps humain.
Au début de la série, on n’aurait jamais pu vous expliquer tout ça, parce qu’on n’y comprenait rien. On a été plongée, sans introduction suffisante, dans un univers complexe aux multiples personnages ; il était impossible de visualiser où se situent les territoires, qui est qui, qui fait quoi, et pourquoi il le fait…
Cela étant, cet égarement du début est en partie compensé par la qualité de la direction artistique. En effet, le sens du détail est impressionnant : on admire notamment les paysages tels que la forêt enneigée de Ravka ou la ville vibrante de Ketterdam (une cité inspirée d’Amsterdam et qui n’a pas vraiment de lien avec Ravka, a priori…).
Les costumes sont également très travaillés. C’est grâce à eux qu’on reconnaît les différentes sortes de grishas : ceux qui contrôlent la matière sont en mauve, tandis que ceux qui maîtrisent les éléments sont en bleu, par exemple. Mais tout n’est pas question de couleurs, ces tenues comportent aussi de nombreuses dorures, des cols en fourrure et autres ceintures !
Et tout comme pour Game of Thrones ou Le Seigneur des Anneaux, des langues — aussi bien écrites que parlées — ont été inventées pour Shadow and Bone.
Bref, rien n’a été laissé au hasard : grâce à Shadow and Bone, on peut naviguer dans un monde cohérent et bien construit. We stan.
…et son intrigue bien plus fade
Normalement, là, vous vous dites :
« Okay, mais qu’en est-il de l’histoire ? »
Eh bien, on doit malheureusement vous avouer que le fond est bien moins spectaculaire que la forme. Autant on ne pense pas prendre trop de risques en affirmant que l’univers de Shadow and Bone est original, autant on mentirait sans vergogne si on disait la même chose de l’intrigue…
Une Élue surpuissante : inédit
Commençons par Alina Starkov, notre héroïne. La meuf qui se fait bully dans son enfance parce qu’elle est différente et qui finit par découvrir qu’elle a des pouvoirs de ouf grâce auxquels elle doit sauver le monde, ça vous dit quelque chose ? Normal, c’est un schéma qu’on connaît par cœur, celui de « l’Élue » !
Dans la série, Alina découvre en traversant le Fold avec Mal, son meilleur ami/potentiel love interest qu’elle est « l’Invocatrice de lumière ». C’est-à-dire qu’elle est CELLE qu’on attendait pour détruire ce fameux brouillard habité par des créatures avides de chair humaine (les volcras). À partir de là, elle devient une cible pour tout le monde : les Fjerdans qui détestent les grishas, le leader de Ravka-Ouest pour lequel le maintien du Fold permettrait l’indépendance, et surtout le Darkling, ce magicien surpuissant avide de pouvoir.
Très original.
Un triangle amoureux : révolutionnaire
En parlant du Darkling, tiens : ce dernier devient lui aussi un love interest
durant la série. Ah, un bon vieux triangle amoureux ! Ça nous avait manqué (non)…
En plus, les histoires d’amour formant ce triangle sont les plus basic de toutes : d’un côté, la gentille héroïne tombe amoureuse du méchant (qui se fait passer pour un gentil). De l’autre, elle tombe aussi amoureuse de son meilleur ami. Qui lui se rend compte qu’il ne la « voit » que maintenant qu’il est amoureux d’elle. Mais laissez les meilleurs amis être des meilleurs amis, enfin ! Marre qu’on sous-entende non stop que ce n’est qu’à travers l’amour romantique qu’on peut apprécier une personne à sa juste valeur, roh !
Des gentils très gentils et des méchants très méchants : wow
Si encore ces trois personnages étaient fascinants, on passerait l’éponge… Mais que nenni ! Manichéisme est leur deuxième prénom, à tous et toutes. Le méchant est très méchant, les gentils sont très gentils, et puis ça s’arrête là.
L’héroïne n’a pas une personnalité très marquée, Mal non plus (même s’il reste, à notre sens, moins fade) et le Darkling encore moins (franchement… il est séducteur, manipulateur et assoifé de pouvoir : méchant, quoi). C’est un tantinet embêtant puisque ces trois lurons représentent quand même la moitié des personnages principaux.
Les Corbeaux, une lueur d’espoir dans le Fold
Heureusement qu’il reste les trois Corbeaux, ces personnages tirés de Six of Crows qui n’ont, à la base, rien à faire dans l’histoire ! Originaires de Ketterdam, Jesper, Kaz et Inej sont très doués pour commettre des délits. Dans la série, ils se retrouvent à Ravka pour ravir Alina et la ramener à un homme qui leur a promis un million de kruge (la monnaie locale) s’ils parviennent à accomplir leur mission.
Chacun a une personnalité bien distincte qui tire le trio vers le haut : rescapée temporairement par Kaz d’une maison close, Inej est une jeune femme discrète et pieuse capable de s’infiltrer n’importe où sans être remarquée. Considérant Alina comme une sainte, elle est partagée entre sa foi et sa mission… sachant que, si cette dernière est réussie, elle lui permettrait de ne plus jamais se prostituer. Kaz, quant à lui, est le cerveau des opérations : intelligent, sournois et paraissant plus dur qu’il ne l’est, on s’attache facilement à lui. Jesper est le moins fascinant des trois (même s’il reste plus intéressant qu’Alina, Mal et le Darkling réunis) ; accro à ses pistolets et aux jeux, on l’apprécie pour son humour, sa spontanéité, sa loyauté et sa bonne humeur.
Shadow and Bone, une série tièdement progressiste
Comme vous avez pu le constater, tout est plus ou moins prévisible dans Shadow and Bone, parce que l’intrigue est vue et revue. C’est une série sans surprise. Alors quand on a senti que la série se voulait progressiste, on a ouvert l’oeil ! Mais on n’a pas kiffé des masses ce qu’on a vu.
L’action ne se déroulant pas dans notre univers, les options étaient illimitées : zéro oppression ? Eh bien, pourquoi pas ? Ou alors, les systèmes de domination auraient pu s’articuler autrement, voire s’inverser ? Bon, notre imagination est peut-être un peu trop dense, mais vous voyez ce qu’on veut dire… On aurait aimé plus d’originalité dans le traitement des discriminations.
Et on pense que les scénaristes aussi, parce que certaines pistes ont été exploitées, mais sans grand succès.
Commençons par les femmes.
A priori, chez les grishas, il n’y a pas de différence entre les femmes et les hommes, si ce n’est au niveau de l’apparence physique. Les deux semblent aussi puissants l’un que l’autre. Très bien, on est ravie. Sauf que ! Dès les premiers épisodes, un des personnages nous a fait grimacer : Zoya…
Grisha détestable, elle est de nature jalouse et déloyale, n’hésitant pas à mentir pour blesser la personne en face d’elle. Et comme par hasard, cette mauvaise femme aime faire des avances aux hommes et se servir de ses charmes pour tenter d’arriver à ses fins. Cette odeur de slutshaming est quelque peu nauséabonde, ma foi : Shadow and Bone, on peut aimer la drague et le sexe sans être une grognasse, hein !
Penchons-nous sur un autre personnage féminin, plus avenant que Zoya… mais pas pour évoquer le sexisme : parlons de racisme.
Alina est une héroïne à moitié shu, donc à moitié asiatique, ce qu’on ne voit pas dans toutes les séries. Et ses origines jouent sur sa trajectoire, mais pas de la meilleure des manières… En effet, la grisha est victime de racisme tout au long de la série. Et c’est tout.
Ayant perdu ses parents étant enfant, elle ne connaît rien de sa culture. Donc, à chaque fois que ses origines shu sont mentionnées, c’est lorsqu’on la discrimine : son identité n’est qu’une source de souffrance pour elle. Or, être racisée n’est pas une tare. Oui, en tant que racisée on souffre du racisme, personne ne peut le nier, mais il est temps qu’on change un peu de regard à ce sujet : être racisée peut être une grande source de joie !
Notons d’ailleurs que, lors de sa formation en tant que grisha, Alina rencontre un personnage nommé Botkin. Shu aussi, c’est lui qui était censé l’entraîner au combat. Ils auraient pu faire connaissance et partager des pans de leur culture commune, mais visiblement, les scénaristes n’ont pas trouvé ça nécessaire…
Allez, une dernière pour la route. Protagonistes d’une intrigue parallèle, voici Nina et Matthias ; pour aller vite, ils sont ennemis (Nina est une grisha que Matthias, un fjerdan, capture) mais finissent par s’enticher l’un de l’autre. Si on peut facilement se laisser berner par l’alchimie entre ces deux jeunes gens, on peut remarquer tout aussi facilement un truc qui cloche dans ce couple en devenir…
Matthias déteste les grishas, mais il aime bien Nina. Ça ne vous rappelle rien ? On ne sait pas si on peut considérer les grishas comme une race à proprement parler, donc on ne veut pas tomber dans une comparaison bancale avec la fétichisation raciale, but still, il y a quelque chose de dérangeant dans cet amour naissant.
Bon, vous voyez un peu le topo, n’en jetons plus. Vraiment, Shadow and Bone avait du potentiel : la série présente des points positifs et ce serait de la mauvaise foi de ne pas les souligner ! Mais le programme est tombé trop facilement dans des écueils qu’il aurait pu éviter. Heureusement, vu le succès retentissant qui est le sien, il y aura certainement une saison 2, et on espère que ce programme si prometteur ne fera que s’améliorer !
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Les Commentaires
Bon clairement l'histoire d'Alina est du grand classique un peu chiant
D'ailleurs l'autrice qui était sur le tournage a contribué à changer un peu Aline dans la série, la rendant plus indépendante et faisant également de Mal un mec un peu poitn toxique (parce que dans les bouquins c'est un gros con, pire que la série).
Mais surtout j'ai beaucoup aimé les six of crows. Kaz qui est un personnage handi, enfin un perso handi plutôt badass dans une série de fantaisie. Dans les livres il est aussi atteint de traumatismes (présent dans la série d'après les interviews mais c'est pas encore exploré). Il supporte pas le toucher de peau nue à peau nue.
Inej, qui est une survivante aussi de violences sexuelles (car prostituée de force quand même dans un bordel), est un perso aussi super intéressant, femme forte, qui deale avec ses traumatismes et qui les surmontent et parfois non.
Puis Jesper, un perso bi, haut en couleur clairement, qui deale avec son addiction au jeu, est aussi super intéressant.
J'ai hâte de voir l'équipe complète reunie dans la saison 2.