Se battre pour exister
La première difficulté du sport féminin est tout simplement d’exister dans l’espace médiatique. Quand vient la saison de l’Euro de foot masculin, impossible d’échapper à la promo envahissante de l’événement. Les chaînes se disputent les droits au cours d’enchères aux montants scandaleux.
Mais saviez-vous que l’équipe de France Féminine s’apprête à disputer le championnat d’Europe ? Savez-vous quelle chaîne retransmettra leurs matchs ?
Ce sera W9. Et rendez-vous vendredi 12 juillet à 18h00 pour le premier match des Françaises, contre la Russie.
Difficile donc, de suivre l’actualité du sport féminin, dont la couverture médiatique laisse à désirer, ce qu’avaient d’ailleurs souligné Les Braqueuses dans leur appel à la parité.
On peut espérer que cette situation évolue, grâce au projet de loi pour l’égalité femmes-hommes présenté le 3 juillet, qui prévoit notamment d’introduire la parité dans les fédérations sportives.
Mais pour l’instant, même lorsque les médias spécialisés se saisissent du sujet, le traitement peut parfois laisser à désirer… Doux euphémisme pour dire que régulièrement, ça craint.
La sexualisation des athlètes : on n’est pas sorties de l’auberge
Exemple avec le spot de promotion de la compétition de surf Roxy Pro Biarritz : le spot montre la quintuple championne du monde Stephanie Gilmore. Mais on ne la voit pas surfer. On la voit au réveil (en petite culotte), à la fenêtre (enfiler une chemise transparente), se doucher (après avoir fait tomber la chemise), bref, un spot très pertinent (non). Marine LB, passionnée de surf, s’en indigne sur Le Plus.
Le clip officiel a suscité énormément de réactions sur les réseaux sociaux. La meilleure réponse est sans doute cette exquise parodie :
Difficile pour le sport féminin d’exister médiatiquement sans passer par la sexualisation à outrance de ses athlètes. C’est une véritable impasse. Yannick Cochennec analyse très bien ce dilemme, dans cet excellent article publié sur Slate : Sport : comment les femmes ont perdu la partie.
Si la visibilité du sport féminin a progressé, sa crédibilité en a pâti sévèrement dès lors que la plastique des athlètes intéresse davantage que leurs performances sportives.
« Le sport féminin a beaucoup perdu avec Anna Kournikova, joueuse de tennis devenue l’un des premiers mythes du Net. Ce qu’il a gagné en visibilité, il l’a cédé en crédibilité. »
Pendant les Jeux Olympiques 2012, un journaliste Turc avait déploré le look des athlètes, accusant les Jeux de « tuer la féminité
». Il regrettait notamment l’absence de poitrine de ces athlètes à l’oeuvre. Un tel abîme d’ignorance, ça donne le vertige.
Jenna Marbles avait alors publié une vidéo sur sa chaîne YouTube, expliquant à ce monsieur (et à la horde d’ignares qui lui emboitèrent le pas), le principe de la brassière de sport.
https://youtu.be/Ag4C0MFRnmE
« Désolée que tu ne comprennes pas ce qu’est une brassière de sport ! »
Le sexisme ordinaire dans les médias sportifs
Le sexisme ordinaire gangrène toutes les sphères sociales, le sport n’en est pas exempt. Il est d’ailleurs d’autant plus exposé que le milieu sportif a une forte culture masculine. C’est une explication, mais ce n’est pas une excuse.
Les lectrices sont peut-être un poids négligeable dans le lectorat de L’Equipe, et je vous avoue volontiers ne pas être une passionnée du Tour du France. Mais ce n’est certainement avec ce genre d’initiative que je vais développer un intérêt pour la Grande Boucle : Qui est la plus charmante hôtesse du Tour ?
Même dans le tennis, le sport féminin le plus « mainstream », les dérapages sexistes sont légions. Pas plus tard qu’hier, le commentateur de la BBC a sans doute cru faire une pointe d’humour pendant la demi-finale Radwanska-Lisicki : « J’allais faire un commentaire sexiste… mais je ne vais pas le faire ! ».
Classe.
« Eh la BBC, une suggestion : si votre commentateur dit « j’allais faire un commentaire sexiste, mais je ne vais pas le faire », dites-lui peut être juste de ne pas parler du tout. »
Le problème n’est pas tant de commenter le physique des joueuses, au fond. Tant qu’il s’agit de compliments, et pas d’objectifier la femme, le physique n’est pas un sujet tabou. Le problème est surtout que ce traitement soit réservé aux femmes.
On vante allègrement la plastique ou la tenue de telle ou telle athlète, or je n’ai jamais entendu un seul commentateur complimenter la plastique de Roger Federer (alors que je détiens probablement le record de matchs visionnés et qu’objectivement, il est plutôt beau gosse).
Surtout pas voyons, de tels commentaires pourraient heurter le public hétérosexuel masculin. Certes. Mais sexualiser les athlètes féminines, on peut. Tant pis pour le public hétérosexuel féminin. Puisqu’on vous dit que c’est une quantité négligeable !
En attendant la révolution paritaire…
Pour toutes celles qui s’intéressent au sport, pour la beauté du sport, pour l’amour de la sueur et de l’effort, voici une petite sélection de sites / commentateurs-trices à suivre.
Il s’agit bien entendu d’une liste non exhaustive qui ne demande qu’à être enrichies de vos suggestions !
- Foot d’Elles : le site dédié au foot féminin. Suivez leur série de portrait des joueuses de l’EDF engagées dans l’Euro 2013, « un jour une Bleue » !
- OL Féminin, le compte twitter de l’équipe féminine de Lyon, dont plusieurs joueuses sont en équipe de France. Pour ne rien manquer de l’actu des filles du foot !
- Prolongations : un site qui ne discrimine ni les sports, ni les genres. Le rythme de publication est assez faible mais leurs articles sont originaux, et ils commentent souvent le direct via leur page Facebook. Y compris les sports féminins !
- Yannick Cochennec, le monsieur sport de Slate, spécialité tennis. Toujours agréable à lire.
- Hannah Wilks (en anglais) live-tweet régulièrement le tennis. Acide et sans concession, elle contribue sur tennis.com
- Sportissima , qu’on m’a fait découvrir (merci Gingermind !)
Eh les filles, ça vous dit qu’on relance le blog sport ? Y a-t-il des sportives dans la salle intéressées pour partager leur passion et commenter / critiquer les compétitions féminines ?
Rendez-vous dans les commentaires ! (ou directement mariecharlotte[at]madmoizelle.com !)
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Du coup, des meufs qui font du hand depuis des années, s'entraînent avec des garçons qui n'en ont jamais fait. Si encore il y avait que ça à la limite. Mais pendant tout le cours, le prof a pas arrêté de dire des trucs genre "Thomas, fais gaffe aux contacts, c'est des filles" "Thomas, sois sympa si elles ratent des trucs, c'est des filles." Au début il y avait 1 mec dans l'équipe, qui a un niveau collège, face à 4 meufs (sur 6) qui en ont fait en club et c'est lui qu'on met systématiquement en avant. Il faut que tout le monde fasse gaffe aux débutants, surtout nous qui avons l'habitude des contacts, pas que les mecs fassent attention aux meufs !
Je me sens limite humiliée, quoi qu'on fasse, ce sera jamais assez bien, il y aura toujours un mec pour être considéré comme meilleur juste parce que lui il a des couilles.