Ô Grandes Écoles, territoires conquis des mecs matheux, ambitieux… et pas toujours respectueux.
Les filles de mon école d’ingé
Je suis diplômée de mon école d’ingénieurs depuis quelques temps maintenant.
Dans ma promotion, nous étions 30% de filles ce qui est une proportion vraiment haute pour une école de ce type.
Des soirées, il y en avait toutes les semaines, dans toutes les écoles du coin. Ce sont des endroits où l’alcool coule à flots et où l’objectif principal (des mecs comme des filles) est de draguer et de choper.
Nous sommes peu de femmes alors nous sommes vite abordées, câlinées et convoitées…
Jamais agressée mais lourdement blasée
J’y suis allée très souvent, à ces soirées. Je n’ai jamais été agressée mais j’ai parfois été draguée lourdement, au point où des personnes de mon entourage ont dû intervenir.
J’ai également « sauvé » plusieurs de mes copines, un peu trop éméchées, qui ne parvenaient pas à repousser ceux qui avaient jeté leur dévolu sur elles.
Ces soirées sont-elles sexistes ? Honnêtement, je ne trouve pas spécialement.
Il n’y a jamais eu de thèmes qui se voulaient sexistes ou d’ambiance imposée qui pouvait être dégradante pour les femmes.
Je n’ai jamais constaté de soirée où il FAUT venir avec un déguisement sexy par exemple. Nos thèmes de fêtes étaient assez banals, genre pirates ou une couleur précise.
De toute façon, l’école avait un droit de regard sur l’organisation des soirées étudiantes. Je ne pense pas qu’elle aurait toléré une communication sexiste décomplexée autour d’un évènement !
Le trophée : la meuf la plus belle de la promo
Cependant, j’ai quelques anecdotes que je peux raconter et qui relèvent bien de situations sexistes et déplacées.
Dans mon école, les élèves élisent celle qu’ils appellent « le trophée » parmi les filles de la promotion entrante.
Comprendre : la demoiselle considérée comme la plus jolie et attirante.
Celui qui réussit à coucher avec elle est promis à une « gloire éternelle ». De son côté, elle perd aussitôt son titre (avec les commentaires du type « ah je ne pensais pas qu’elle était aussi facile ») et un nouveau trophée est élu.
Tout le monde peut voter et nommer une candidate qui deviendra peut-être le futur trophée, via un site dédié.
Ce n’est pas vraiment organisé, assez informel… mais vraiment important dans la vie de l’école.
Une de mes amies a été trophée la première année. Au départ sur un piédestal, en dépression à la fin de son école : fragile, brimée, pointée du doigt pour une aventure d’un soir.
Défilé de lingerie et commentaires violents
Au gala de l’école, je me rappelle d’un défilé lingerie où les étudiantes jouaient les mannequins.
On ne forçait jamais aucune étudiante à participer : les filles se portaient volontaires et je pense que nombre d’entre elles étaient assez fières de faire partie de ce défilé.
J’étais dans la foule et j’ai eu peur pour ces filles. Des commentaires fusaient :
— Au viol !
— Elle, là-bas, ça va être mon fantasme masturbatoire de toute l’année prochaine ! Enfin fantasme… Jusqu’à ce que je l’attrape dans un coin ! ».
— Hé mais c’est mon binôme de TP de physique ! Punaise je pensais pas qu’elle était aussi bonne ! Je la prendrai par derrière quand elle aura les mains prises.
Ces commentaires venaient de mecs que je croisais tous les jours sur le campus. J’étais naïve… ça m’a choquée.
Le concours des pom-pom girls, « ces salopes »
Une année, il y a eu un championnat de sport et l’épreuve sportive qui attirait le plus de monde était la compétition de pom-pom girls entre différentes écoles.
Les garçons hurlaient :
— Lâchez les salopes !!
— Allez bouge ton boule la rousse, mieux que ça !
— Hé la grosse, tu t’es trompée de sport !
Je pouvais entendre des bruits d’animaux, et autres commentaires nauséabonds venant de mecs bac +5 qui, bientôt, occuperont des postes prestigieux.
Le respect pour les filles… en couple seulement
Et enfin, comme dans beaucoup trop d’endroits : les filles respectées étaient celles qui avaient un unique petit ami.
Les autres, celles qui osaient varier les plaisirs comme le faisaient leurs homologues masculins, étaient des putes.
Les mecs racontaient leurs expériences sans intimité. Les ragots allaient bon train.
Il y avait celle qui « s’était faite doigter par le prof de maths » (faux), celle qui « avait chié alors que je la sodomisais », celle qui « avalait avec joie » (qui a été surnommée « la gourmande » pendant ses trois années d’école).
Le problème de tout cela, c’est la réputation qui nous suit, nous les filles.
Une histoire a collé à une fille de ma promo pendant toute sa scolarité dans l’école : elle avait embrassé plusieurs mecs lors d’une seule soirée. Personne ne l’a laissée l’oublier.
Je sais que je n’aurais pas été assez forte pour supporter les ragots, alors je me suis protégée. Je n’ai rien fait qui aurait pu être mal interprété. Et puis j’étais en couple, ça a aidé.
Au fil des années, rien n’est oublié, tout reste. Même dans le travail ensuite.
Je sais que tout le monde se connaît dans les entreprises et dans les écoles d’ingénieurs.
Un de mes collègues et moi avons des connaissances communes de mon école, alors qu’il était dans un autre établissement. S’il y avait des choses à dire sur mon cas, je suis persuadée qu’il serait au courant…
Des traditions sexistes banalisées dans l’école
Même après l’école, dans le monde du travail, le sexisme continue. Parce que c’est un petit milieu et que tout le monde connaît quelqu’un qui était avec vous en école.
C’est étrange de se rendre compte de tout ça maintenant que je suis diplômée et sortie d’école d’ingé. Je garde globalement de très bons souvenirs de mes années d’études.
Mais des aspects sexistes et inappropriés de certains éléments de la vie étudiante comme le trophée par exemple me semblent pervers aujourd’hui.
Sur le moment, je n’étais pas vraiment choquée. Tout cela n’était que des blagues potaches de garçons bêtes d’école d’ingé, ou des espèces de traditions de l’école dans mon esprit…
Les insultes et les comportements de certains mecs, en revanche, m’ont marquée.
Pour moi, le problème n’est pas qu’il y ait un défilé de lingerie pendant un gala, même si cela paraît saugrenu. Le souci, c’est la réaction des garçons qui est totalement irrespectueuse.
Les filles devraient pouvoir faire ce qu’elles veulent sans être traitées de salopes, et sans que des mecs crient au viol, même « pour rire ».
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