Laura découvre qu’elle a été élue « pute du mois », elle a droit à une page entière.
Un photomontage la montre en plein acte sexuel, entourée de deux garçons nus.
« J’avais couché avec deux garçons en un mois, ça a suffi pour que je me retrouve pute du mois », raconte-t-elle. Un « slut-shaming » assumé, de tradition.
Ce n’est qu’un extrait de l’enquête très complète publiée par Mediapart ce 6 janvier 2020.
Le sujet ? Les traditions sexistes (mais aussi racistes et homophobes) dans les grandes écoles de commerce françaises.
Le sexisme en écoles de commerce : l’enquête de Mediapart
Le média indépendant titre Humiliations sexuelles, homophobie, sexisme: voyage au sein des grandes écoles de commerce françaises (tu peux t’abonner pour 15 jours au prix d’1€ seulement, et pour 5€ par mois si tu es étudiante).
L’enquête est longue, fouillée, sourcée, émaillée de témoignages et d’analyses de chercheuses.
Les établissements concernés sont HEC, l’Edhec et l’Essec, ces prestigieuses écoles qui forment les élites de demain. Où se perpétuent pourtant des « traditions » qu’on jurerait être d’un autre âge.
Le sexisme « ordinaire » en écoles de commerce
Certains points rappellent malheureusement d’autres témoignages, concernant des soirées étudiantes et autres « intégrations » que Marianne, ancienne étudiante de l’Edhec, appelle plutôt « bizutages » sur Mediapart
.
Des jeunes femmes encouragées à boire plus que de raison, à porter des t-shirts aux messages grossiers, à se dévêtir, à coucher.
Des soirées où les filles boivent gratuitement pendant des heures, jusqu’à ce que les hommes soient admis, une fois leur « gibier » bien alcoolisé :
Marie* raconte : « Les filles sont entre elles, elles boivent beaucoup. Les garçons débarquent ensuite, « la viande est saoule », et l’orgie peut commencer ».
(Au bar du Zinc, une des associations-phares de HEC.)
Ce sexisme « ordinaire », très violent, divise les étudiantes entre les « salopes », qui ont une vie sexuelle active, et les « nobod », effacées et « chiantes ».
Aucune de ces étiquettes n’est agréable à porter. Isabelle Clair, sociologue au CNRS, tranche :
Sur ces campus, les filles n’ont pas le choix : soit elles s’intègrent aux soirées, soit elles se font à l’image que les garçons ont d’elles, soit elles sont exclues de toute vie sociale.
Agressions sexuelles en écoles de commerce
Pendant les bizutages qui se déroulent à l’abri des regards, lors des soirées très alcoolisées ou des week-ends d’intégration, les gestes se font violents.
Mediapart chiffre :
L’enquête interne sur le sexisme à HEC révèle des témoignages multiples de mains aux fesses ou sur les seins, de baisers forcés…
12% des filles du panel ont avoué avoir subi au sein de l’école ce type de violences.
Pire encore, les structures permettant aux victimes de violences sexuelles de signaler les délits et d’être accompagnées semblent inexistantes.
Bien sûr, les directions de HEC, de l’Essec et de l’Edhec nous ont répondu qu’elles avaient pris des mesures ces dernières années.
Mais pas de trace ici des dispositifs en cours d’installation à l’université ou dans certains établissements privés comme Sciences-Po Paris : aucune de ces écoles n’a nommé de référents formés aux violences sexuelles et sexistes, ni mis en place de cellule d’écoute dédiée.
HEC nous assure que des dispositifs précis ont été créés pour faciliter le signalement des comportements inadéquats, sans pour autant les détailler… et sans qu’aucun des étudiants interrogés par Mediapart, déjà diplômés ou encore à HEC, soit au courant.
Quant à l’Essec et à l’Edhec, rien.
Les étudiants victimes de harcèlement ou de violences sexistes ou sexuelles sont démunis.
Parle-moi du sexisme en écoles de commerce
J’ai beau savoir que le sexisme pénètre toutes les couches de notre société, je suis toujours effarée devant ce genre d’enquêtes.
Il faut dire que j’ai été à la fac publique, dans des promos de 2000 personnes qui avaient globalement autre chose à foutre que de se harceler sexuellement — ou alors, j’ai été épargnée…
En tout cas, je n’étais pas plongée dans cet environnement si spécifique, « coupé du monde », propre aux grandes écoles.
À Jouy-en-Josas (HEC), Cergy (Essec) ou Lille (Edhec), les étudiants des campus, déconnectés des centres-ville, vivent en vase clos. Et selon les élèves, cet isolement favorise les dérives.
Cette enquête est essentielle, et comme souvent, je salue le travail effectué par Mediapart. Mais j’aimerais offrir aux lectrices et lecteurs de madmoiZelle concernés une tribune.
Je voudrais recueillir ton expérience, ton témoignage, ton avis sur la question.
Envoie-moi ton témoignage à jaifaitca[at]madmoizelle.com avec « École de commerce » en objet. Tu peux par exemple me dire :
- Dans quelle école tu étudies ou tu as étudié
- Ce que tu as constaté en matière de sexisme « institutionnalisé » : communication sexiste venant d’assos étudiantes, de profs, de l’école…
- Ce que tu as vécu, personnellement, les propos ou actes sexistes auxquels tu as été confrontée et/ou auxquels tu as assisté
- Si tu as essayé de lutter contre le sexisme, comment ça s’est passé
Précise si tu souhaites être anonyme : ton témoignage pourra être relayé sur madmoiZelle dans un article dédié.
Merci d’avance pour ta confiance !
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