— Publié initialement le 4 octobre 2014
Desireé Dallagiacomo et Kaycee Filson se sont penchées sur ce que les magazines féminins écrivent pour inciter les femmes à « améliorer » leurs rapports sexuels. Sauf que ces pseudo-conseils sont essentiellement destinés à améliorer le plaisir de Monsieur (en plus d’être parfois complètement saugrenus).
Cette réalité dérangeante a inspiré les deux jeunes femmes, qui ont composé ce slam, présenté lors d’un concours national de poésie orale.
Traduction libre par votre serviteur.
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« Real Sex Tips »
Desireé Dallagiacomo (à gauche) et Kaycee Filson (à droite)
« Un échantillon de conseils sur le sexe, dispensés par les magazines féminins.
Enfilez son pénis dans le trou d’un donut. Grignotez l’un, et sucez l’autre alternativement.
Saupoudrez du poivre sous son nez, juste avant qu’il n’atteigne l’orgasme. L’éternuement peut amplifier l’effet d’extase.
Attrapez son pénis dans une main et maniez-le telle une manette Atari
Serrez les deux poings de chaque côté du manche et tournez-les énergiquement dans des sens opposés.
Saisissez son pénis d’une main, giflez-le de l’autre.
Plus de cinquante « conseils », et mon vagin n’est pas mentionné une seule fois.
D’une couverture à l’autre, mon rôle est le plaisir d’autrui En tant que femme, je suis définie par ce qui me pénètre Ma capacité à procurer un confort englobant, pour une personne d’importance supérieure Mon corps n’appartient pas à mon être, mais aux hommes qui font repas de ma chair.
J’ai appris que le sexe était un devoir, ma valeur mesurée au nombre de bouches que je fais saliver. J’ai appris à m’offrir à chaque homme désireux, convaincue qu’il comblerait ce vide.
Le sexe était un cauchemar qu’il me tardait de pouvoir briser en réveil. Chaque fois qu’un homme me déboutonnait, je me recousais immédiatement.
Mon corps, une blessure que j’essayais constamment de panser. Je ne savais rien des sensations. Mon premier rapport sexuel, le cinquième, Le quinzième, j’étais un fantôme. Je contemplais, extérieure à mon corps, des hommes s’y glisser. Je les regardais éjaculer, sans jamais les sentir se retirer.
J’ai mis 23 ans à appréhender mon corps.
La première fois que j’ai laissé un aimant me regarder nue. Lorsque j’ai été caressée par des mains attentionnées Des soirées enivrées de rires Lorsque j’ai trouvé ma voix. Chaque noeud lentement défait par chaque « oui » Je n’étais pas un territoire à conquérir. Pour la première fois, le sexe était un refuge. J’étais un instrument que mes mains apprenaient enfin à jouer Chaque courbe, un crescendo vers le coeur
J’étouffe les gorges qui m’ont appelée « objet » Caverne. Festin offert au sifflet le plus fort. J’apprends à m’écouter d’abord. À dire « non » À dire « oui ». À donner des instructions à mon partenaire. D’aller plus doucement. Non plus vite. Non ! Doucement. À dire « clitoris » sans tressaillir. Clitoris.
Clitoris ! À solliciter du sexe quand j’ai envie de sexe. À le solliciter par derrière. Ou sur le comptoir. Ou durant cette projection matinale de Casablanca. À lui demander de me faire un cuni. À me masturber quand j’en ai envie.
Renommer ma sexualité est une danse dont j’apprends les pas. Ma voix n’est pas une parade amoureuse. Mes hanches ne sont pas une invitation. Mes mains Cuisses Bouche
Mon vagin n’a pas été conçu pour procurer du plaisir à quiconque sans mon consentement.
Si vous êtes en train de me sexualiser en ce moment-même simplement parce que je parle de sexe Je ne vous dois rien. Je ne demande rien Sauf lorsque je demande quelque chose !
Je désapprends à préparer mon corps J’entraîne ma langue au courage de demander ce que je veux De réclamer ce dont j’ai besoin.
J’apprends à me réapproprier mon corps.»
Je n’ai qu’une seule chose à ajouter :
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Les Commentaires
Et en voyant que cela se répercute beaucoup, je me rend compte que j'ai beaucoup de chance;
du haut de mes 23 ans, je n'ai connu qu'un seul homme, qui lui aussi n'a connu que moi...
Et il a TOUJOURS TOUJOURS cherché à me faire plaisir.
Bon par contre il en arrive parfois à un autre défaut; celui de vouloir la performance à tous les coups, et là c'est compliqué de lui expliquer pourquoi je n'ai pas apprécié + que ça, alors que y a pas de raison particulière --" .
Mais bref, pour toutes celles qui n'ont pas cette chance, et pour tout ceux qui devraient l'apprendre; ce texte est magnifique, et superbement bien dit !
Edit : je parle dans ce commentaire, comme si j'étais chanceuse; ma situation telle que je la décris ne devrais pas être considérée comme une chance, mais comme la "normalité"; le sexe, c'est fait pour se faire plaisir, pas uniquement à son partenaire (en+ je pense que souvent, en cherchant à faire plaisir à l'autre, on se fait plaisir nous même... Personnellement hein)