Un parent qui s’excuse fait-il preuve de faiblesse ? Remet-il en cause son autorité ? C’est en tout cas ce que pensaient nos ancêtres, mais qu’en est-il aujourd’hui ? Une psychologue et une médecin généraliste nous aident à y voir plus clair.
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Une rupture avec les générations précédentes
Si aujourd’hui cela fait partie de notre vie de parent, les générations de nos parents, de nos grands-parents, et les précédentes n’avaient pas pour habitude de s’excuser facilement auprès de leurs enfants. Comment se fait-il que les choses aient évoluées ?
« On donnait auparavant peu de place à l’excuse parce qu’on était dans la répétition d’un schéma traditionnel, où les émotions de l’enfant et sa singularité ne comptaient pas vraiment. On attendait de l’enfant qu’il fasse ce qu’on lui demande, pas de partager ses émotions. On ne percevait pas les choses avec la même importance sur le plan psychoaffectif. Avec l’évolution des familles, notamment les changements sociétaux par rapport aux familles monoparentales et recomposées, le père n’est plus dans une posture de chef de famille. » explique Marion Magdela, docteure en psychologie clinique.
On s’est donc éloigné du schéma traditionnel et poussiéreux où tout le monde écoutait et respectait le « bon père de famille », pour mettre en place un respect à double sens, des parents envers l’enfant, et de l’enfant envers les parents.
« Les parents ont aujourd’hui un intérêt grandissant pour le bien-être de l’enfant, qui les amène à le respecter. L’écoute, l’empathie et le respect sont très favorables pour la bonne santé psychique de l’enfant » ajoute Marion Magdela.
Pour nos aïeux, s’excuser auprès de ses enfants pouvait aussi remettre en cause la posture d’autorité du parent, être un signe de faiblesse. Pour Marion Magdela, il n’en est rien.
« Au contraire, c’est une belle ouverture du cœur de pouvoir demander pardon. Si l’adulte peut s’excuser en faisant des erreurs, cela montre à l’enfant, par un effet miroir, qu’il peut lui aussi assumer son erreur. Si, à l’inverse, on demande à l’enfant de s’excuser alors que le parent ne reconnaît pas ses erreurs, il y a un risque qu’il rejette l’autorité une fois adulte.
Il y a une différence entre autorité et pouvoir : être à l’écoute de ses émotions ce n’est pas ne pas poser de limites et tout accepter venant de l’enfant. C’est écouter ce qu’il ressent, ne pas user de pouvoir pour jouer au dominant – dominé en usant de violence, de culpabilisation ou de chantage. Avec l’autorité, il n’y a pas de jeu de pouvoir, simplement le respect de l’autre. »
Laure Geisler, médecin généraliste (@lecoeurnet.info sur Instagram), ne voit pas non plus de signe de faiblesse dans le fait de présenter ses excuses.
« Il faut une certaine force et une humilité pour reconnaître ses erreurs. Les anciennes générations avaient cette idée que le parent ne devait pas montrer ses failles ou ses émotions. Notre génération accepte de pleurer devant son enfant, de reconnaître qu’on n’a pas contrôlé nos mots, ou qu’on a pris des décisions injustes. Car c’est bénéfique pour la construction de l’enfant. »
Comment bien s’excuser envers son enfant quand on est en tort ?
Pour Marion Magdela, « le plus difficile, c’est d’avoir conscience que l’on fait une erreur sur l’instant. Cela nécessite une prise de recul. Il faut reconnaître son erreur avec sincérité, aller au plus juste avec l’émotion. Si on a fait une erreur, on ressent que la situation n’est pas juste par rapport à l’enfant. Le parent doit comprendre ce qui résonne en lui à ce moment-là, pour pouvoir se mettre dans une posture sincère et honnête. L’enfant va ressentir l’intensité de l’excuse, être dans le pardon, et l’accepter. »
Laure Geisler reconnaît également le caractère indispensable des excuses envers son enfant :
« En tant que parent, il est important de reconnaître nos torts et de demander pardon. Reconnaître que l’on a mal agi, ou mal parlé, permet au parent de montrer qu’il a le droit de faire des erreurs, et que malgré tout c’est un bon parent. Les enfants se construisent en nous imitant, en imitant notre comportement, il faut qu’ils comprennent qu’on n’est pas forcément parfaits, qu’il faut se remettre en question.
Il faut être sincère dans ses excuses. Mais également ne pas ajouter de « mais » derrière comme « je suis désolé, mais tu m’as énervé », car les enfants ne vont retenir que la fin de la phrase et être en position de coupable. Avoir des explications est cependant important pour l’enfant, il faut lui expliquer ce qu’on a ressenti et que c’est pour ça qu’on a agi comme ça. Mais aussi montrer une volonté de changer, « je veillerais à ce que ça ne se reproduise pas. Est-ce que tu peux m’aider pour que la prochaine fois tout se passe bien ? » »
Introspection, sincérité, prise de recul et remise en question seraient donc les clés d’excuses réussies. Cela favorise le lien de confiance entre l’enfant et le parent. Mais existe-t-il un risque de mal s’excuser, ou de s’excuser à outrance ?
Ne s’excuse-t-on pas assez… ou bien trop ?
S’excuser à tout va, sans prise de recul, ou bien en s’en servant de passe-droit pour effacer ses erreurs de façon répétitive n’est pas non plus souhaitable.
« Il y a des parents qui s’excusent régulièrement, mais répètent sans cesse le même schéma sans faire de travail d’introspection. Cela crée de l’injustice et de la frustration chez l’enfant » explique Marion Magdela. « Il y a également des parents qui culpabilisent et donc s’excusent tout le temps, car ils ont le sentiment d’avoir fait du mal à leur enfant. Mais on ne peut pas tout bien faire, et si l’enfant ressent cette culpabilité du parent, il risque lui aussi de culpabiliser de ses erreurs. Ou bien il va se jouer de la culpabilité du parent en en profitant. »
« S’excuser doit être fait à bon escient, pas pour calmer une colère de l’enfant, il faut que cela soit sincère. » ajoute Laure Geisler. « Et s’excuser à outrance ne va pas non plus, il faut trouver le juste milieu. Quelqu’un qui s’excuse trop envers ses enfants peut perdre confiance en soi et en son rôle de parent. Il ne faut pas se noyer dans la culpabilité et que l’enfant prenne le contrôle. »
En reconnaissant ses erreurs, et en trouvant le bon dosage dans les excuses, on peut créer une relation saine avec ses enfants. En grandissant, ils reconnaîtront plus facilement leurs torts. Pour Laure Geisler, « cela contribue à libérer la parole, et ça aide pour la suite. Les adolescents n’auront pas peur de communiquer avec leurs parents, ou d’être jugés. En s’excusant auprès de son enfant, on assume être un parent imparfait, mais ce n’est pas grave, on ne perd pas en autorité, on crée du lien. »
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