Il y a quelques jours, ou plutôt quelques semaines, j’ai eu envie de regarder à nouveau Sex and the City.
Ça m’a prise comme une envie de pisser.
J’étais en train de passer de réseaux sociaux en réseaux sociaux, persuadée que je n’aurais aucune inspiration ce jour-là pour bosser, quand j’ai vu un post d’un compte Instagram « années 80, 90 et 2000 ».
C’était une capture d’écran d’un épisode de Sex & the City, sur laquelle Carrie est en sous-vêtements, l’air songeur, en train de se demander si elle aime Big ou « la douleur exquise de vouloir quelqu’un d’impossible à atteindre ».
C’est tellement le genre de questionnements qui reviennent dans les conversations de fin de soirée que j’ai eu envie de regarder l’épisode. Et je l’ai trouvé pas con, alors foutue pour foutue, autant se refaire la série depuis le début.
Pour voir comment ça a vieilli !
Sex & the City, le féminisme et moi
Sex & the City, on va pas tortiller, j’ai chié dessus en masse. J’ai adoré quand j’étais ado, parce que ça m’apparaissait avant tout comme une série où les gens forniquent et les femmes disent des gros mots. C’était rigolo.
Et puis, une fois jeune adulte, au tout début de ma découverte du féminisme, ça m’a rendue dingue.
C’était pas assez progressiste, gnagnagna les filles adorent les chaussures, gnagnagna ça réussit même pas le Bechdel Test, elles sont toujours en train de parler des bonhommes nan mais sérieusement quoi.
Les moments qui me saoulaient le plus, c’était dès que le personnage de Charlotte ouvrait la bouche. Ça me hérissait les poils de rage à croire au prince charmant et à balancer des principes dignes des années 50 quatre fois par conversation.
Pour moi, Charlotte est à Sex & the City ce que Ross est à Friends : un truc qui gâche sacrément le plaisir.
Le fait qu’un personnage aussi rétrograde, aux idées aussi archaïques, soit présenté comme quelqu’un de sympa, ça me mettait dans une colère profonde.
Sex & the City, produit progressiste de son époque
Et puis là, ce mois-ci, en revoyant les épisodes, j’ai compris. J’ai compris qu’à la fin des années 90, cette série était précieuse.
Moi si j’avais été Carrie et si Big m’avait relancée après s’être marié avec une autre (ouais je sais, là c’est Samantha, mais qu’y puis-je si je la trouve plus drôle du faciès ?)
Pour l’époque, c’était fou, Sex & the City !
Ça a aidé des milliers de femmes à se sentir plus à l’aise avec leur libido, leur célibat, leur vie professionnelle, leurs potentielles ambitions.
Cette teuteute de Charlotte, finalement, est là pour nous rappeler les idées bien plus moralisatrices qui venaient casser les couilles de tout le monde jouer les rabats-joies.
Sex & the City, série imparfaite
Bien sûr, il y a MILLE CHOSES perfectibles dans cette série.
Là par exemple, dans l’épisode qui tourne en fond, les quatre meufs sont en train de se demander si leur pote qu’elles croyaient gay et qui a roulé une pelle à Charlotte est, je cite, un gay assumé ou un hétéro hésitant.
Au-delà de la lourdeur ultime du débat, personne n’envisage le fait qu’il puisse être, par exemple… bisexuel !
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En plus, si elles le croyaient homosexuel, c’est parce qu’il aime la mode, la cuisine et écoute Cher. Et le dénouement de cette histoire, bordel…
J’ai attrapé ma taie d’oreiller et j’ai mordu très fort dedans.
Y a aussi le fait qu’on ne voit que des personnages à la réussite sociale éclatante, ce qui n’aide pas tellement à s’identifier aux protagonistes.
Et bien d’autres soucis, que je ne vais pas m’amuser à recenser, parce que ça a déjà été fait mille fois et que vous avez pas que ça à faire.
Si seulement Sex & the City était un peu plus… et moins…
Je sens que la série aurait tellement plus d’impact, aurait vraiment bien vieilli avec un peu plus de vraie vie dedans.
Dans l’idée, ça me fait un peu le même effet que Friends : ils ont fait l’effort, mais j’aurais aimé qu’ils aillent un peu plus loin.
Je ne comprends pas pourquoi nous emmerder à remettre Carrie dans les pattes de Big, par exemple. Il ne serait pas passé pour le pire des goujats s’il en était resté à son mariage avec Natacha !
Il a aimé Carrie, ils se sont séparés, il a rencontré une autre femme. C’est cruel mais c’est la vie. Ça arrive à des millions de gens.
Bye bye, Sex & the City, et merci
Je ne pense pas que je finirai de revoir tout Sex & the City. Parce que c’est pas ma génération. Mais je suis reconnaissante pour tout ce que cette série a pu apporter comme ouverture au sujet de la sexualité des femmes, par exemple.
Et même si j’étais un peu jeune, Sex & the City m’a apporté des choses. J’ai dévoré tous les épisodes quand j’étais ado, et je me demande si j’aurais été différente en regardant une autre série à la place…
Est-ce que j’aurais été aussi à l’aise avec la sexualité dans son ensemble, la mienne, mais aussi celle des autres ?
Est-ce que j’aurais réussi à me poser les bonnes questions au bon moment pour éviter de tomber amoureuse de tel mec, si je n’avais pas vu ce panel énorme d’échecs amoureux dans ma télé ?
Est-ce que j’aurais été consciente qu’il n’y a pas plus grosse erreur que de cacher quelque chose à ses amis alors qu’il est important d’avoir leur soutien ?
Est-ce que j’aurais eu une si forte conscience amicale si j’avais pas biberonné cette série toute mon adolescence ?
J’ai adoré Sex & the City à un âge, je l’ai haïe à un autre. Je crois que maintenant, j’arrive à prendre du recul pour rester quelque part au milieu, et voir cette série pour ce qu’elle est.
Une sorte de divertissement qui prend doucement des airs de document historique, et a probablement, à son époque, fait du bien à de nombreuses femmes.
Est-ce que les séries extrêmement progressistes qu’on voit aujourd’hui auraient toutes pu exister sans l’impact de Sex & the City, diffusée il y a bientôt vingt ans ? J’suis pas sûre, Arthur.
Sur cette belle rime, je retourne dans ma lecture de King Kong Théorie, parce que l’un n’empêche pas l’autre. Pouet pouet les rageux !
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Les Commentaires
La série Sex and the City peut nous faire croire que les soirées entre filles, c'est chiffons et cocktails... mais c'est réducteur. C'est juste ces 4 filles qui aiment bien parler chiffons et cocktails et qui nous dit qu'elles ne parlent pas d'autre chose ? On ne voit que 5 minutes par déjeuner, or elles doivent bien y rester une heure, non ? Tout comme on pourrait croire que quand elles sont entre elles, les femmes ne parlent que de sexe, ce qui est faux. C'est juste le thème de la série qui est comme ça.
Et puis il ne faut pas prendre ces bonnes femmes-là en exemple de style de vie. Comme je l'ai dit plus haut, vivre à New York en ayant 2 dollars le mot et 25 000 dollars sur les livres, tout en faisant ses courses chez Manolo Blahnik, c'est déraisonnable.
Malgré tout cela, je trouve que cette série est d'une qualité bien supérieure à la plupart d'autres séries.
Par contre, les films, je ne les ai pas aimés. On est dans la frivolité à l'excès. J'ai revu récemment Sex and the City 2 et je l'ai détesté. C'est bling-bling à mort et il n'y a aucune profondeur pour compenser. Entre Carrie qui offre une Rolex vintage et Charlotte qui se balade en jupe Valentino vintage dans sa cuisine avec ses filles qui font de la peinture... Placement de produits à fond !