Entre la pression sociale, les applis de rencontre et les injonctions contradictoires, le célibat est souvent perçu comme un état temporaire, un problème à régler, voire un danger. Pourtant, il existe autant de manières de le vivre que d’individus, et bien peu d’espaces où en parler ! Cette semaine, c’est Séverine qui nous raconte pourquoi elle est une personne différente depuis qu’elle est célibataire.
- prénom : Séverine
- âge : 28 ans
- lieu de vie : Reims
- orientation romantique et sexuelle : « Ça dépend des saisons, je ne me pose pas trop la question ! »
- pronoms : elle/elle
Depuis combien de temps êtes-vous célibataire ?
Je me suis mise rapidement en couple vers mes 17 ans et je suis restée six ans avec cette personne. Aujourd’hui, cela fait cinq ans que je suis célibataire, avec quelques histoires courtes au milieu.
Quel est votre rapport au célibat ?
Pour moi, c’est formateur. J’ai appris à m’aimer faute d’avoir quelqu’un à aimer. Je suis vraiment passée par beaucoup d’états émotionnels en cinq ans : au départ je souffrais trop de ma rupture alors je ne voulais pas de quelqu’un d’autre. Puis j’ai voulu sentir qu’on me désirait, j’ai usé et abusé des sites de rencontres, des histoires sans lendemain.
J’avais besoin de ça après avoir été rejetée par mon ex. Je choisissais quand l’histoire commençait et quand elle se terminait, la fréquence et le nombre de fois que je m’autorisais à voir une personne. Ça me donnait le sentiment de contrôler ma vie. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus apaisée.
Le célibat a-t-il une incidence sur vos relations amicales ou familiales ?
Complètement oui : cela a changé mon rapport aux autres. Je ne vois plus les couples de la même façon j’ai même un œil très critique. Pas que je méprise les couples, mais je vois beaucoup plus les inégalités qui se jouent dans les couples hétérosexuels autour de moi, alors que j’étais incapable de les voir lorsque j’étais moi-même en couple !
À l’époque, je ne me rendais pas compte des injustices que je subissais. Depuis que je suis célibataire, j’ai compris que tout ça venait d’injonctions patriarcales, que ça ne concernait pas seulement mon couple mais tous les couples. Autour de moi, je remarque bien plus fortement qu’avant les hommes qui font des choses improbables dans le soin aux enfants, la gestion du quotidien… Et les femmes qui se prennent ça dans les dents.
Ça a changé ma manière d’interagir avec les hommes autour de moi. Je suis moins conciliante, je ne me prive pas de faire des remarques… Amicalement, ça a créé des distances. Je suis plus réticente à voir certaines personnes, et je suis probablement moins invitée à cause de ça aussi.
Côté collègues, on me fait parfois des réflexions mais je laisse couler. Quand je vois leur vie de couple, je me dis : « niveau conseils, on repassera ! »
Estimez-vous que le célibat influence votre moral au quotidien ?
Oui tous les jours, parfois positivement et quelques fois négativement.
Il y a des jours où mon célibat est ma force, je me sens invincible avec personne pour me freiner dans mes projets. Et d’autres, j’ai des doutes et besoin de soutien, j’aimerais avoir une personne contre qui me blottir le soir du coup. Je me souviens que je n’ai besoin de personne pour avancer et ça me reboost et je redeviens « invincible ». Ou alors je vais boire un verre avec des amis pour me changer les idées. Je compense énormément le « manque » avec ma vie sociale.
Pensez-vous qu’être célibataire vous permet des choses que vous ne pourriez pas faire en couple ?
Complètement ! Pour ma part je me mettais beaucoup de barrières lorsque j’étais en couple par peur de décevoir l’autre. Dans la vie professionnelle par exemple, il y a beaucoup de choses que je me suis empêchée de faire. À cause de la peur du changement de mon partenaire, je ne me suis pas autorisée à changer de travail pour lui éviter une période d’incertitude, à cause de sa jalousie, j’aijai refusé des opportunités qui impliqueraient que je sois « à l’autre bout de la France pour un week-end, avec d’autres mecs »…
Au niveau de la sexualité, c’est pareil : d’expérience, j’ai trouvé ça difficile d’échanger avec l’autre, d’amener des nouvelles choses. Par exemple, l’idée d’introduire un sextoy dans une relation sexuelle était prise personnellement par mon partenaire, ça devenait une insécurité : « Je ne te donne pas assez de plaisir, il y a un problème entre nous »…
À l’inverse, pensez-vous qu’être célibataire vous empêche de faire des choses que vous pourriez faire si vous étiez en couple ?
Je ne crois pas. Certaines choses sont peut-être plus difficiles à acquérir financièrement, mais pour le reste, non.
Cherchez-vous activement à trouver une relation amoureuse ?
Non : je me dis que si ça arrive, ce sera bien mais je ne me focalise pas là-dessus.
Ressentez-vous une forme d’injonction à être en couple ?
Oui. Les gens ont l’impression, à tort, que toutes les personnes célibataires subissent la solitude. Ce n’est pas le cas !
J’entends souvent des gens en couple me dire que je vais trouver « la bonne personne »… et si la bonne personne, c’était moi ?! Même chose quand je dis que je ne veux pas d’enfants, on me répond que c’est parce que selon eux, je n’ai pas encore trouvé « la bonne personne »… À croire que mes choix ne peuvent être légitimes que s’ils ne sont pas validés par un/une partenaire.
Le célibat a-t-il des conséquences sur votre vie sexuelle ?
Tout dépend des périodes. Je sais me satisfaire seule, et quand j’ai envie de chaleur humaine, je sais vers qui me tourner. Et si personne n’est dispo, c’est l’occasion de sortir boire un verre !
Pour moi, le célibat permet aussi de réaliser ses fantasmes facilement, sans avoir à négocier ou à avoir peur d’être jugée.
Quels sont vos projets ?
Être heureuse et faire ce dont j’ai envie, au moment où j’ai envie de le faire. J’ai énormément de mal pour me projeter à deux. Aujourd’hui, je me projette mieux seule dans le futur.
Avez-vous une anecdote sur le célibat à partager ?
J’en ai tellement… Partons sur une anecdote un peu « hot ».
J’ai organisé un date dans le but de réaliser un fantasme sexuel, celui d’un plan à trois avec deux hommes. Je me suis inscrite sur Tinder, j’ai matché avec un homme qui me plaisait et qui avait une bio un peu drôle, et je lui ai simplement demandé s’il était disponible là, maintenant, avec un copain à lui, car j’avais un fantasme à réaliser.
Moins de 24 heures plus tard, ils étaient dans mon salon et j’ai passé l’un des plus beaux moments de ma vie sexuelle ! Avec beaucoup de bienveillance et pas de tabou. Aujourd’hui, l’homme avec qui j’avais matché est mon meilleur ami, nous ne nous sommes jamais plus quittés, amicalement parlant. Il n’y a pas d’ambiguïtés, je sais que je peux me confier à lui et lui également. Nous ne couchons plus ensemble, car nous n’en n’avons plus envie, mais nous jouissons d’une relation amicale pure et de qualité.
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Les Commentaires
Je me retrouve beaucoup dans ce que dit Séverine, surtout sur l'ambivalence de me sentir au top du top avec mes projets que je fais pour moi mais dans les moments plus durs regretter le soutient d'un.e partenaire (après en réalité les partenaires passés c'était pas toujours génial niveau soutient, d'ailleurs c'est pas pour rien que ça a pas marché )