Invité de Wendy Bouchard sur Europe 1, Xavier Bertrand s’est exprimé en faveur du rétablissement d’une forme d’encadrement militaire des jeunes :
« Il y a beaucoup de jeunes qui ne savent pas ce que veut dire aujourd’hui l’engagement au service de la nation, qui ne savent plus ce que communauté nationale veut dire, et il faut leur donner le sentiment qu’ils ont un destin collectif et un avenir ensemble. »
Il précise par ailleurs qu’il « n’est pas un nostalgique » :
« Moi j’ai fait mon service national, je ne suis pas un nostalgique, mais je pense que ça crée un creuset, où tout le monde se retrouvait sans qu’il n’y ait de différences, de différences de catégories sociales, d’origines, de confession. C’est là qu’on apprend le vivre ensemble, tout simplement. C’est aussi là qu’on apprend la discipline, avec des règles, des choses qu’on n’a pas le droit de faire.
Je pense que dans notre société, il faut du respect, il faut de la tolérance, mais il faut aussi de l’autorité et de l’ordre. L’idée du retour d’un service national de plusieurs mois serait de nature, non pas à régler tous les problèmes, mais c’est un élément central pour montrer aux jeunes qu’appartenir à une nation, cela a du sens. »
– Pour écouter l’interview en intégralité
Permettez-moi d’émettre un bémol d’entrée à ce témoignage : c’est avant toute chose, celui d’un homme blanc hétérosexuel, quelqu’un qui occupe une « position de dominant » dans la hiérarchie sociale. Partant de ce constat, je ne suis pas certaine que tout le monde partagerait le sentiment d’un « creuset, où l’on se retrouvait sans qu’il n’y ait de différences ». Déjà, de base, les femmes étaient exclues, je n’appelle pas ça une bonne manière de nourrir « un destin collectif et un avenir ensemble ».
Partons d’emblée du principe qu’il ne faut pas « rétablir le service militaire obligatoire pour tous les hommes ». En revanche, on peut s’interroger sur l’opportunité d’instaurer « une forme de service civique ». Dans quel(s) but(s) ?
Le constat du nombre de jeunes qui n’adhèrent pas aux valeurs républicaines et se laissent séduire par les théories du complot est alarmant, et il est au coeur de cette question : comment provoquer dans la jeunesse une identification, une appropriation de ces valeurs ?
Au sein de la rédac, le sujet fait débat. Il faut dire que l’éventail des personnalités va de l’artiste à la control freak limite obsessionnelle (qui a dit moi ? Mais pas du tout. J’aime l’ordre et la discipline, c’est tout).
L’intérêt de l’encadrement militaire
Je me considère personnellement comme une pacifiste, si bien qu’en cas d’agression, je serais incapable de me défendre pour la bonne et simple raison que je suis incapable de faire mal à un autre être humain. C’est au-dessus de mes forces, mais surtout de ma volonté.
À lire aussi : Les « conseils aux femmes » de l’État face à mon impuissance responsable
En lisant le récit de Jack Parker (et celui-ci aussi, parce que bon, monde de merde), je m’étais dit qu’à sa place, j’aurais été incapable de me défendre. Mais c’était surtout parce que je n’avais jamais appris à le faire. Effectuer quelques stages d’auto-défense n’a pas fait de moi un soldat en herbe, j’ai simplement appris que j’étais capable de réagir physiquement, et peut-être que ces entraînement pourront m’éviter un effet de sidération en cas d’agression. Peut-être pas. Mais au moins, dans un coin de ma tête, je sais que j’ai le pouvoir de réagir (même si je n’en aurais pas potentiellement la capacité, selon les circonstances).
À lire aussi : Causette, Jack Parker et le consentement
Apprendre à se défendre, apprendre à manier les armes, ce ne sont pas des compétences totalement inutiles et superflues. Je m’imagine dans une situation où j’aurais accès à un flingue et besoin de me défendre : je ne saurais même pas enlever la sécurité ! (Selon les modèles, je ne suis même pas certaine de savoir tenir l’arme dans le bon sens. Ne riez pas.)
Mettre des revolvers dans toutes les mains ? Certainement pas. Mais apprendre ce qu’est une arme, comment s’en servir, désamorcer la fascination de l’interdit et de l’inaccessible que nourrissent certains pour les armes à feu, dans un cadre strictement encadré, ce n’est pas la pire idée du monde.
L’expérience d’un encadrement militaire pendant une durée déterminée pourrait également permettre de repérer et offrir un plan de carrière aux jeunes qui sont tentés par ces activités. Il y a effectivement un sens, un « destin collectif et un avenir commun » à nourrir auprès de ceux qui pourraient être tentés de rejoindre des forces armées. Plutôt que de les laisser se tourner vers les factions extrémistes (politiques et/ou religieuses), et/ou partir à l’étranger, autant les inciter à servir la France.
Il n’en reste pas moins que l’idée d’un service militaire obligatoire à tou•te•s est une idée qui est loin de faire l’unanimité.
Déjà que j’aimais pas les moniteurs en colo, alors un adjudant chef, non merci
Créer une « communion laïque » ?
L’une des questions centrales à ce problème est de créer des moments de rencontre et de communion autour de la citoyenneté. On se rencontre aux cours de religion, aux cours de sport, on se rencontre à l’école, mais on reste dans un entre-soi communautaire : on ne côtoie jamais que les gens de sa confession, de sa discipline sportive, de son milieu social (étant entendu que le privé accueille à bras ouverts les enfants des familles aisées qui préfèrent éviter le collège public de leur lieu de résidence : c’est leur droit le plus strict, mais ce faisant, la mixité sociale est moindre).
À lire aussi : La religion, l’adolescence, et moi
Le service civique (puisqu’on ne l’imagine plus proprement « militaire ») pourrait être l’occasion de créer cette « communauté France », de donner une réalité concrète à l’identité citoyenne. Une Journée d’Appel qui durerait une semaine, un mois, plusieurs mois… ?
Combien de temps, dans quelles circonstances, et surtout à quel âge ? 18 ans ? Cet âge est pénalisant pour celles et ceux qui sont déjà entrés dans les études.
On pourrait imaginer un summer camp citoyen, pendant l’été entre la 3ème et le lycée : on est trop jeune pour travailler, mais trop fauché•e pour partir seul•e (voire pour partir tout court, pour énormément de familles), déjà trop blasé•e pour rester en famille (pour certain•e•s)… L’été de nos quinze ans pourrait être celui de notre stage citoyen ?
On partirait dans des centres de loisir, pour faire des activités culturelles, faire des travaux d’intérêt général, du sport (mais du sport « loisir », pas d’évaluation comme à l’école)… mais aussi de l’éducation civique, en théorie et en pratique (en visitant des institutions locales, en rencontrant des élu•e•s, des fonctionnaires, par exemple.)
On aurait, pourquoi pas, le choix d’aller effectuer ce service dans un corps de l’armée, pour ceux et celles qui seraient davantage intéressées par l’idée de suivre un stage plutôt militaire que « sport et loisirs ».
À lire aussi : J’ai testé pour vous… m’engager dans l’armée 1/3
La communion par les arts
Mais la France est aussi reconnue pour son rayonnement culturel. Or, quand on regarde la place laissée aux enseignements artistiques dans les cursus primaires et secondaires, il y a de quoi rougir. Pourtant, les arts plastiques, la musique et le théâtre sont aussi des espaces d’expression et de construction de l’identité !
Je vois mal les jeunes artistes s’épanouir dans un environnement militaire, tout comme je n’ai aucune illusion sur l’intérêt que portent au solfège les jeunes qui ne tiennent pas en place et préfèrent se défouler dehors que de compter les croches.
Avant d’organiser des stages d’été pour tous les jeunes de France (et de filer des sueurs froides au ministre des Finances et des Comptes Publics, Michel Sapin), on pourrait peut-être développer davantage les cours de musique, d’arts et d’expression dramatique, et pas nécessairement au sein de l’école, d’ailleurs.
La série Glee a contribué à populariser la construction et le développement personnel par les arts
Les acteurs de la société civile (artistes, musiciens, comédiens, intervenants associatifs) pourraient jouer un rôle dans l’offre d’espace d’expression et d’échange aux jeunes : il pourrait être obligatoire de compléter X heures d’implication associative pour pouvoir se présenter aux épreuves du baccalauréat. Cela laisserait le temps aux jeunes de choisir leur implication. Chacun deviendrait « citoyen-acteur » à son rythme, plutôt que « citoyen-client », dans le cadre qui l’intéresse personnellement. Quitte à prendre le temps de trouver cet intérêt par lui-même.
Le service militaire n’a jamais été « pour tous », et il me semble illusoire d’imaginer une forme d’encadrement qui conviennent à tous les jeunes. On peut en revanche s’arrêter sur un objectif commun : celui de développer un sentiment d’appartenance à la nation, un destin commun, qui inclut tous les enfants de la République.
Quelle forme doit prendre cet encadrement ? Sans doute celle du pluriel, pour prendre en compte la pluralité des identités qui composent la nation.
En attendant de futures annonces sur la question, viens participer à notre brainstorming ! Comment définirais-tu la citoyenneté française ? Qu’est-ce qu’être Français•e pour toi ?
À lire aussi : Égalité des chances par l’école : le jeune prof qui défiait Bourdieu
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Pour ce qui est de la période, je dirais que l'été d'avant les 18 ans est vraiment bien, parce qu'on est généralement encore au lycée et qu'on est pas encore autonome, ça démythifierai la future autonomie après le bac. Honnêtement, pour ce qui est du travail à 16 ans j'ai toujours trouvé ça aberrant parce que certes on a le droit de travailler mais très large majorité des employeurs ont besoin d'assurance et je vous le donne dans le mille l'âge requis est 18 ans pour un simple fait de responsabilité pénal. ( J'ai moi même du attendre d'avoir 18 ans pour pouvoir avoir mon appart à mon nom à cause des assurances).
Je pense aussi que ça serait l'occasion de confronter les jeunes à toutes sortes de différences et de parfaire leur éducation de la tolérance et à la sexualité vu qu'ils auront pile l'âge où la moyenne (17 ans et quelque) se dégoupille donc ça arrivera à point nommé ( avec la totale, respect de l'autre, les divers types de sexualité, la protection, la contraception et tutti quanti, on fait les choses bien) . Evidemment, ce n'est pas quelque chose qu'il faut faire à la va-vite, il faut des gens pour les encadrer et éviter les débordements - je pense aux éventuels harcèlement - je pense pas que c'est en se calfeutrant dans sa bulle et en faisant de l'entre-soi qu'on fait avancer les choses. Et en plus, ils pourront se faire de nouveaux amis qui sortent de leur environment habituel et aller autre part en France, c'est déjà une petite aventure (par exemple je n'ai jamais mis pied dans le Sud de la France, et on doit bien trouver de Sudiste qui n'ont jamais mis pied dans le Nord)
Au niveau des activités, il faudrait un éventail d'activités intéressants à proposer et non pas à imposer : sports, arts plastiques, musique, danse ...