Près de 6 ans après sa création, en mai 2010, le Service Civique a organisé une journée de rencontre avec des jeunes qui effectuent ou ont effectué une mission de service civique. 77 jeunes hommes et femmes ont donc été conviés, mercredi 31 août, à venir discuter de l’avenir du service civique autour de tables rondes qui met en avant leurs expériences et leurs opinions.
Une initiative plutôt bienvenue et qui change des habituels discours sur cette « jeunesse flemmarde » dont la société nous abreuve régulièrement.
Au lieu de jongler avec les député•es, l’Agence du Service Civique, pétrie de bonnes intentions, cherche encore ses marques, en particulier en ce qui concerne les moyens d’attirer la jeunesse européenne (eh oui, les Français•es ne sont pas les seul•es à pouvoir effectuer un service civique) !
Quelle meilleure façon pour répondre à cette problématique que d’interroger les personnes concerné•es ?
Le Service Civique, c’est quoi ?
D’après le site officiel du Service Civique, c’est :
« Un engagement volontaire au service de l’intérêt général ouvert aux 16-25 ans, élargi à 30 ans aux jeunes en situation de handicap. Accessible sans condition de diplôme, le Service Civique est indemnisé et s’effectue en France ou à l’étranger. »
Le Service Civique, c’est donc un engagement citoyen, ni plus ni moins… mais il est encore largement méconnu du grand public, en particulier par les générations précédentes, du fait de sa création très récente, et du manque de publicité le concernant.
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Il a aussi été institué dans des conditions particulières, puisqu’il se veut être une sorte d’alternative au service militaire, supprimé en 1997. Mais une alternative… facultative !
Toi-même tu sais que la seule obligation citoyenne pour les jeunes à l’heure actuelle, c’est la fameuse JAPD, la Journée d’Appel et de Préparation à la Défense. Mais si, tu sais, ce truc dont tu n’as pas encore bien compris l’utilité (j’y reviendrai sans doute dans un autre article).
Le Service Civique se propose donc comme une alternative accessible à tou•tes les jeunes européen•nes de 18 à 25 ans, tournée vers le bien commun et le milieu humanitaire, qui permet aussi de se frotter à des responsabilités semi-professionnelles, avec une indemnisation.
La mission peut durer de 6 à 12 mois à raison de 24h minimum par semaine, auprès de différents types d’organisme (associations, collectivités locales…) en France ou à l’étranger.
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Les 9 thèmes du Service Civique autour desquels gravitent les missions sont les suivants : solidarité, santé, éducation pour tous, culture et loisirs, sport, environnement, mémoire et citoyenneté, développement international et action humanitaire, et enfin, intervention d’urgence.
La journée auprès des jeunes, un bilan réaliste
« Pourquoi vous êtes-vous engagé•es ? Qu’est-ce que l’engagement a changé dans votre vie et votre vision du monde ? »
Il est 10h et les cerveaux chauffent, ensemble, aux 3 tables rondes à base d’échange, d’écoute respectueuse et de bonne humeur. Je suis impressionnée par cet ensemble bouillonnant qui fonctionne parfaitement, en partie grâce aux animateurs des ateliers, issus de milieux associatifs habitués des jeunes en Service Civique.
Un petit tour de table astucieux permet de découvrir qu’il y a une majorité de jeunes femmes parmi les 77 volontaires, mais que c’est bien le seul groupe distinct : à part ça, tous les niveaux d’étude, toutes les missions de service civique et tous les âges (avec une légère majorité de plus de 20 ans) sont représentés.
Au sein des groupes, ce sont les filles qui mènent la danse.
Première surprise, au sein des petits groupes parmi les tables rondes, ce sont les filles qui mènent la danse : les rapporteur•ses choisi•es pour chaque groupe et les leaders de chaque groupe sont en majorité des femmes.
Logique étant donné qu’il y a une proportion plus élevée de filles, mais les jeunes hommes présents n’accaparent pas pour autant la parole.
Globalement, les échos sont les mêmes d’un groupe à l’autre : tou•tes ont apprécié d’avoir l’opportunité de faire un service civique, et en retirent une expérience positive et riche, mais déplorent un manque de visibilité et parfois de compréhension du Service Civique, notamment auprès de leurs proches. Dans les médias, la documentation manque et est mal ciblée, ou le Service Civique n’y est pas valorisé.
Les jeunes notent aussi une sorte de paradoxe entre un emploi salarié et une mission de Service Civique : elle est valorisante, mais pas un « vrai boulot » ce qui a tendance à… la dévaloriser. Notamment du point de vue financier.
Car, les jeunes ne s’en cachent pas, le gros hic, c’est l’indemnité qu’ils/elles touchent :
467,34 euros financés par l’Etat, plus 106,31 euros versé par l’organisme d’accueil destiné à « la subsistance, l’équipement, l’hébergement ou au transport ».
Cette prestation ne varie pas d’un iota, peu importe la localisation du/de la volontaire, ce dont les jeunes dans les zones les plus onéreuses (comme la région parisienne, lyonnaise ou la côte méditerranéenne) et qui n’ont pas d’emploi en parallèle ou de ressources financières souffrent.
L’entourage se fait alors encore plus interrogateur, quand muni•e d’un diplôme leur proche préfère opter pour un engagement citoyen gratifiant sur le plan personnel et civique, mais qui peut le/la mettre dans une position précaire.
Mais tou•tes sont unanimes : malgré ces difficultés, ils/elles ne regrettent pas leur engagement, qui s’en est, pour la plupart, trouvé renforcé.
Quant au retour du service militaire, leur opinion est sans appel : non. Pour rien au monde ils ne souhaitent voir le retour d’un service obligatoire (militaire ou non) qui peut créer de l’aversion pour l’engagement en forçant les jeunes à mettre leur vie entre parenthèses, et qui ôterait aux véritables volontaires de la valeur à leur engagement.
Des propos qui seront fidèlement rapportés à l’Elysée par leur ambassadeur désigné, Léo. Les 76 jeunes (tou•tes invité•es à l’Elysée) ont donc envoyé leur porte-parole à une table ronde en présence de M. Patrick Kanner, Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports pour faire un bref résumé de leurs débats et clôturer ainsi cette journée.
Entretien avec Yannick Blanc, Président de l’Agence du Service Civique
Pour ce Président très motivé, le travail de brainstorming effectué lors de la journée du 31 août 2016 est une bonne façon de dresser un bilan de l’efficacité du Service Civique, encore très récent. C’est aussi une manière pour l’Agence de trouver quelques pistes d’amélioration, par exemple au niveau des missions, même si elle affiche déjà un beau succès avec plus de 150 000 jeunes engagé•es depuis sa création.
Selon Yannick Blanc, les missions doivent être capable de s’adapter aux jeunes, afin d’offrir un engagement sur mesure. La pluralité des missions est déjà une bonne solution mais qui pourrait être meilleure avec cet ajustement.
En revanche, quelques difficultés persistent, et ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Le problème majeur auquel les jeunes sont confronté•es vient souvent de la nature de la mission, qui peut parfois se transformer en tâche solitaire, comme si le/la volontaire était un électron libre plutôt qu’un véritable maillon de la chaîne.
Le président de l’Agence voudrait donc organiser ponctuellement des rassemblements autour d’une cause commune (par exemple annuellement), en présence des référents de chaque département.
Il note aussi un manque à gagner en matière de communication : des progrès notables pourraient être apportés en diffusant davantage auprès des lycées et universités, notamment pour créer un vrai engouement auprès des concerné•es.
Paroles de madZ en Service Civique
Cléo — 25 ans
Cléo est en cours de mission pour l’ONG La Guilde, mission qui devra durer un an et porte sur le nouveau programme européen, intitulé EU Aid Volunteers. Ce programme prévoit l’envoi de volontaires de nationalité européenne sur des sites à l’étranger pour des missions humanitaires (de prévention de cataclysmes, par exemple).
« Ce n’est pas toujours facile de faire une mission de Service Civique, du point de vue financier, parce que l’indemnité est basse. J’habite en région parisienne, ce qui rend les choses plus difficiles. En plus, mon entourage ne comprend pas forcément mon engagement. Pour moi c’est une mission très valorisante et une expérience professionnalisante. »
Fanny — 22 ans
Fanny est aussi encore engagée dans sa mission de 8 mois, au sein de la fédération Léo Lagrange, qui cherche à donner accès à l’éducation et à la culture à tous•tes, avec des principes de bienveillance et de laïcité au sein des départements. Fanny est aussi étudiante en théâtre et concilie Service Civique et études.
— Est-ce que la société te paraît suffisamment aménagée pour les jeunes en Service Civique ?
Cléo : Dans notre société, quand on n’a pas un CDI, on a pas grand-chose, et tout se verrouille. Sans compter qu’on balade une image de précarité qui n’est pas facile à gérer au niveau du logement, des banques, du transport… Selon moi, il devrait y avoir un meilleur accompagnement pour que le Service Civique soit davantage pratiqué.
Fanny : Non, pas vraiment. Il y a un manque d’accompagnement réel, mais aussi un manque de visibilité et de compréhension. Il y a encore une forme de reconnaissance à trouver.
— Est-ce que le Service Civique est une sorte de point de repère de citoyenneté ?
Cléo : Personnellement, j’avais déjà tendance à me placer dans ce prisme citoyen avant de commencer ma mission, mais je pense que le Service Civique est un bon prolongement de l’engagement et de la citoyenneté, qui encourage à se tourner vers les autres. Par exemple, j’ai vu le quotidien de personnes âgées très isolées, et on se rend beaucoup mieux compte de l’impact de notre société individualiste.
Et en plus, c’est toujours mieux que le chômage, c’est plus gratifiant.
Fanny : Oui ! En plus, c’est souvent une première expérience professionnelle pour la plupart d’entre nous. Mais c’est davantage par rapport à la mission qu’on peut s’approprier sa citoyenneté, plutôt que par le Service Civique en lui-même.
Par contre, il y a encore des progrès à faire sur la communication : soit les gens ne savent pas ce que c’est, soit ils ne comprennent pas pourquoi on le fait, et c’est problématique. Sans compter que le Service Civique doit aller davantage vers les jeunes, c’est un vrai manque.
— Que t’a apporté le Service Civique ?
Cléo : J’ai rencontré plein de gens, mais ça aussi influencé ma vision du monde et ça m’a aidée à sortir de mon cocon, et d’un point de vue un peu franco-français que j’avais. Ça m’a aussi aidée à sortir de ma zone de confort et à développer de la fierté pour mon travail (elle développé le site d’EU Aid Volunteers, ndlr).
Fanny : Ça a été une vraie découverte d’un milieu, et c’est une deuxième corde à mon arc, professionnellement parlant. J’ai aussi gagné en maturité et en confiance, et je me sens utile.
Ça m’aide aussi à trouver une forme de légitimité dans le travail même notre statut ambigu joue parfois contre nous (le fait de faire le même travail qu’un employé mais d’être payé•e moins, et d’avoir un manque de reconnaissance). »
Je pense qu’on peut le dire : longue vie au Service Civique !
Les Commentaires
J'étais mieux payée durant mon stage de M2 que je ne le serais en service civique. Mais effectivement, ça dépend vachement des structures.