Dans un entretien accordé ce week-end à La Tribune Dimanche, la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, a annoncé la mise en place d’une commission qui fera des « propositions concrètes » pour « relever les défis de la parentalité ». Cette « commission scientifique », censée démarrer ses travaux dès lundi, est coprésidée par le pédopsychiatre Serge Hefez. Un choix incompréhensible pour les militants de la protection infantile.
Défenseur du « syndrome d’aliénation parentale »
À l’annonce de la nomination, une interview vidéo de Serge Hefez a refait surface. Datée de 2009, on y voit le pédopsychiatre se faire le porte-parole d’une théorie dangereuse, sans réel fondement scientifique : le « syndrome d’aliénation parentale ». Mobilisé aujourd’hui encore dans les affaires d’inceste pour décrédibiliser la parole des victimes et de leur adulte protecteur, le SAP est construit sur l’image d’une mère qui manipulerait son enfant pour nuire au père dans un contexte de conflit parental.
Théorisé dans les années 1980 par le psychiatre américain Richard Alan Gardner, au moment où on voyait émerger la parole de femmes victimes de violences conjugales et d’enfants, le SAP va de pair avec l’idée erronée qu’en contexte de séparation, il y aurait beaucoup plus d’accusations qui se révèlent fausses.
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De nombreuses études ont démontré depuis que la séparation est un contexte favorable à la dénonciation des violences, et, que de manière générale, les fausses allégations de violences sexuelles sont marginales : par exemple, en 2005, une recherche a montré que dans le cas de violences sexuelles commises sur des enfants, il n’y a que 4 % de fausses allégations. Le SAP alimente donc un déni sociétal autour des violences sexuelles sur mineurs.
En 2019, le ministère de la Justice a d’ailleurs émis une note interne pour informer du caractère « controversé et non reconnu » de cette notion et en 2020, il a été officiellement retiré de la Classification internationale des maladies (CIM-11), le registre américain de référence sur les troubles mentaux.
Comment donc expliquer cette nomination, en décalage avec les préconisations de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE), qui mettent justement en garde contre cette pseudo-théorie ? C’est cette question qu’ont posée sur Twitter de nombreux acteur•ices de la protection infantile, interpellant au passage la ministre Aurore Bergé. D’autant plus que cette commission sur la parentalité s’inscrit dans un effort gouvernemental plus large de « restaurer l’autorité parentale », autre levier de coercition dans les affaires d’inceste, comme l’expliquait à Madmoizelle le coprésident de la CIIVISE, Édouard Durand, dans une enquête publiée en novembre dernier : le maintien de la coautorité parentale « met sur le même plan l’agresseur et la victime en écartant la réalité ou l’hypothèse des violences. Et donc, parce qu’elle empêche le parent victime d’être sujet de droit et qu’elle autorise le parent agresseur à perpétuer l’emprise ».
Alors que le futur de la CIIVISE reste à préciser, ces nouvelles annonces questionnent donc sur la stratégie gouvernementale pour protéger les enfants victimes de violences intrafamiliales.
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