En France, plusieurs séquences médiatiques ont rappelé combien l’Assemblée Nationale regorgeait de sexisme, puisqu’il s’agit d’une discrimination systémique qui traverse l’ensemble de la société. On pense notamment aux quolibets contre Cécile Duflot qui avait eu l’outrecuidance de porter une robe à fleurs dans l’hémicycle en 2012, ainsi qu’aux initiatives de la juriste en droit public et ancienne collaboratrice d’élus Mathilde Viot (cofondatrice du collectif Chair collaboratrice pour dénoncer le sexisme à l’AN, participante de #MeTooPolitique à l’origine des révélations sur l’affaire Damien Abad, et autrice de l’essai pour en finir avec le virilisme en politique L’homme politique, moi j’en fais du compost). Pour relativiser ce qu’il se passe dans l’Hexagone, on peut regarder du côté de nos voisins britanniques où 7 députées viennent de prendre la parole afin de dénoncer le sexisme de Westminster.
7 femmes députées sur 10 dénoncent le sexisme au Parlement britannique
Fawcett Society, association pour l’égalité entre les genres, a sondé les députés britanniques au sujet de la misogynie au Parlement sur les cinq dernières années : la moitié des hommes déclarent en avoir été témoins, contre 69 % des femmes. Les 3/4 des femmes déclarent taire leurs points de vue sur les réseaux sociaux de peur de subir du harcèlement en ligne, contre la moitié des hommes parlementaires.
Les hommes députés « s’arrogent le droit d’y rabaisser les femmes »
Face à ces résultats de 7 femmes députées sur 10 qui dénoncent le sexisme au parlement britannique, le média The Independent a justement demandé à sept d’entre elles de témoigner. Si l’une d’entre elles à souhaiter rester anonyme, les autres l’ont fait en leur nom, consciente des risques de représailles. Parmi les témoignages les plus outrageants, Dawn Butler du parti des travailleurs se souvient de commentaires hypersexualisants parce qu’elle avait eu le malheur de porter des collants en résille :
« J’ai reçu tellement de commentaires hypersexualisants et misogynes que j’ai enlevé les collants et les ai jetés à la poubelle et que je n’ai plus jamais porté de collants résille.
[…] La bonne nouvelle, c’est que depuis #MeToo, nous ne tolérons plus [le sexisme]. Certains hommes n’ont pas avancé. Ils pensent toujours qu’il est acceptable d’être sexiste et misogyne.
[…] Le Parlement a été conçu uniquement pour les hommes et il y a toujours cette attitude dominante selon laquelle, c’est la place d’un homme et les femmes ne sont que de la façade. Ils s’arrogent le droit d’y rabaisser les femmes. »
« J’ai été victime de harcèlement sexuel à Westminster »
La députée Caroline Nokes du parti conservateur évoque même avoir été touchée de façon inappropriée à plusieurs reprises, ou encore un ministre qui lui dit tranquillement qu’elle avait été nommée juste parce qu’elle avait des seins :
« J’ai été victime de harcèlement sexuel à Westminster. Au cours des 12 dernières années, j’ai ignoré beaucoup de choses et je n’ai rien fait à ce sujet. J’ai signalé certains incidents aux whips [le whip d’un parti est un député qui est choisi par son équipe pour être le chef d’équipe, ndlr]. La dure réalité est que nous n’avons pas encore de système en place. Nous avons besoin que les partis politiques individuels coopèrent les uns avec les autres pour élaborer des politiques et des protocoles.
Il y a eu un certain nombre d’incidents où j’ai été touché de manière inappropriée et des suggestions inappropriées ont été faites à mon sujet. Je ne veux pas citer de noms. Je n’ai pas confiance dans les systèmes en place au Parlement qui permettent de le traiter correctement.
La réalité est que personne ne veut parler de la micro-agression de bas niveau, ils ne s’intéressent qu’aux histoires horribles de femmes coincées contre le mur par quelqu’un. Ils veulent se concentrer sur des histoires flagrantes dégoûtantes de harcèlement sexuel. »
« Des prédateurs dans tous les partis qui profitent de leur position »
La députée Layla Moran dénonce elle-aussi des gestes déplacés (une main insistante sur la jambe) et évoque la présence de « prédateurs dans tous les partis qui profitent de cette position ». La députée Jess Phillips abonde dans le même sens : « Vous avez droit à du sexisme de bas étage en permanence. »
Une autre députée, Nadia Whittome, rapporte que les députés hommes s’adressent à elle en la regardant dans les seins plutôt que dans les yeux. Un député s’est permis de lui demander si elle était sur Tinder, et d’autres questions intrusives. Comme d’autres députées, elle évoque une hyperconscience de sa tenue vestimentaire, forcément scrutée par le male gaze, et regrette de ne pas se sentir à sa place au Parlement à cause du sexisme qui y règne :
« C’est comme si le Parlement regorgeait d’une classe et d’un sexe de personnes solidaires les unes des autres. Les choses sont bien pires si vous êtes une femme de couleur. »
« Nous avons besoin que le parlement soit diversifié »
La députée Kate Osamor dénonce même une culture de travail empreinte de virilisme toxique :
« La culture est d’aller au bar [tous les soirs], d’écouter et raconter des ragots, et de boire de l’alcool. Beaucoup de députés ne rentrent pas chez eux dans leur famille. […] C’est malsain, il n’y a pas de séparation, c’est comme si le bar devenait une extension de la Chambre parlementaire.
[…] Je veux que les femmes qui ne sont pas des politiciennes et qui regardent de l’extérieur – qu’elles soient noires ou de la classe ouvrière – soient les bienvenues. Mais ils ne seront pas dans un endroit où les gens regardent de la pornographie ou où les femmes sont harcelées ou agressées sexuellement sur le domaine. Nous avons besoin que le parlement soit diversifié, nous en avons besoin pour représenter les gens. »
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Crédit photo de Une : NenonJellyfish de la part de Getty Images Signature
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