« C’est quoi cette société qui n’écoute pas ses enfants ? » s’insurgeait Emmanuelle Béart dans les colonnes du magazine ELLE. Quand il s’agit d’inceste, l’omerta ne relève pas tant de l’incapacité des victimes à parler que de l’écoute défectueuse qu’on leur apporte. C’est le triste constat que dresse la Ciivise, après deux années à récolter près de 27 000 témoignages.
Jeudi 21 septembre, la commission a rendu une nouvelle synthèse, aux résultats vertigineux : seules 8 % des personnes victimes de violences sexuelles dans leur enfance ont bénéficié d’un « soutien social positif » lorsqu’elles ont révélé les faits. Trop peu ont eu l’espoir d’entendre une personne de confiance leur répondre « Je te crois, je te protège ».
Croire est une chose, protéger en est une autre
Les auteurs du rapport sont unanimes : « L’analyse des témoignages confirme l’importance de la réponse de la personne à qui l’enfant se confie. Malheureusement, elle met en évidence que, le plus souvent, cette réponse n’est pas protectrice » :
Ce que ces témoins nous montrent de façon limpide, c’est que la violence sexuelle n’est jamais un face-à-face entre un agresseur et une victime. Il y a toujours un tiers. Qu’il s’agisse d’une personne proche de l’enfant, d’une institution ou de la société tout entière (…) L’importance du positionnement du tiers dit la dimension politique des violences sexuelles faites aux enfants. Celles-ci ne sont pas d’abord une affaire privée, elles sont un problème d’ordre public et de santé publique.
La Ciivise rappelle d’ailleurs que dans « près d’un cas sur deux, les viols et agressions sexuelles sont commis en présence ou au su des autres membres de la famille ».
Pour autant, même lorsque l’enfant se confie et est cru, sa protection n’est pas assurée. Sept confidents sur dix croient l’enfant, ajoute le rapport, mais près d’une victime sur deux « n’est pas mis[e] en sécurité et ne bénéficie pas de soins ». Pire, « dans près de 50 % des témoignages, le confident ne sécurise pas l’enfant : il lui demande de ne pas en parler (27%) et même rejette la faute sur lui (22%) ».
Les mères protectrices ne sont pas protégées
La Ciivise ajoute que les mères sont souvent les premières confidentes de l’enfant. Néanmoins, lorsqu’elles portent sa parole auprès des professionnels de la petite enfance ou de la justice, elles se heurtent à un déni brutal et sont même souvent « accusées de manipuler leur enfant et les institutions » souligne le rapport, qui souligne en outre que « près de six [professionnels ] sur dix n’ont pas protégé l’enfant à la suite de la révélation des violences (58 %) ».
Dans certains cas, les mères protectrices perdent même la garde de leurs enfants, voire leur autorité parentale, et s’exposent à des poursuites lorsqu’elles refusent de remettre leur enfant au parent suspecté d’inceste.
La Ciivise doit encore remettre un ultime rapport le 20 novembre, avant de disparaître fin décembre.
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