Dimanche, en voyant passer à peu près une dizaine d’autoportraits sur mon fil Instagram – des selfies #piscine, des selfies #plages, des selfies #jardin — j’ai été tentée de me joindre à la self-parade et de flanquer mon propre minois sur le réseau social. Et puis, tu sais quoi ? Ce moment m’a fait cogiter toute la journée.
Pourquoi les selfies sont-ils devenus tendance ? Pourquoi avons-nous besoin de nous prendre en photo (légèrement en contre-plongée, c’est plus flatteur) et de l’envoyer à la face du monde ? Pourquoi est-on parfois agacé•e•s à la vue de tous ces selfies ?
Et enfin… suis-je ce que mon selfie passé a fait de moi ?
À lire aussi : Le selfie, un phénomène qui prend de l’ampleur
La tentation du selfie n’est pas nouvelle
Eh non ! elle serait même très ancienne. Car en fin de compte, le selfie est intimement lié à la pratique du portrait et de l’autoportrait.
Il y a des siècles déjà, les « puissants » (les souverains ou aristocrates) se faisaient tirer peindre le portrait afin de se présenter au monde, de contrôler l’image qu’ils donnaient, de montrer leur statut social… Le monde de l’art est également marqué par l’autoportrait – Rembrandt ou Van Gogh se sont par exemple représentés dans leurs peintures.
Et si le selfie n’était que le descendant de ces autoportraits ?
#NoFilter #BadHairDay
En fait, si ça se trouve, Instagram, c’est la future grotte de Lascaux, et le bouquin de selfies de Kim Kardashian, c’est l’équivalent de
L’Autoportrait à l’oreille bandée de Van Gogh !
Accéder à une représentation de soi et projeter une image de soi
Un autoportrait, comme un selfie, serait une manière de chercher qui l’on est, de s’approprier un peu son image, son identité, d’accéder à une représentation de soi. Au travers de ces petites photos, nous voulons aussi projeter une certaine image de nous-mêmes.
De cette manière, nos photos Instagram, Facebook et autres sont une manière de nous présenter au monde, ou plutôt, de présenter ce que nous voulons montrer de nous au monde !
À lire aussi : Ode aux selfies, qui m’ont réconciliée avec mon image
Si j’envoie une photo de mes jambes en pleine bronzette sur la plage, c’est une manière pour moi de dire à mon entourage : eh vous avez vu la belle vie ? Vous avez vu comme je farniente ? De la même façon, si je poste un selfie avec une œuvre d’art en arrière-plan, c’est une façon de dire que JE ME CULTIVE.
Ainsi, l’environnement est un élément au moins aussi important que le sujet… un peu comme lorsque les dirigeants de certains pays prennent des selfies aux obsèques de Nelson Mandela.
Les selfies sont-ils bons pour le moral ?
Si les selfies sont une manière de s’approprier une identité et de se présenter au monde, est-ce bon pour le moral ?
Disons que le selfie permet de s’approprier son image, de se familiariser avec nos propres corps, nos propres reflets. Dans ces cas-là, il peut améliorer notre estime de soi – nous filer un p’tit coup d’amour pour nous-mêmes. Ces autoportraits instantanés peuvent aussi nous permettre de « graver » un moment spécial, une activité un peu extraordinaire, une relation que l’on chérit… Bref, les selfies nourrissent également nos souvenirs.
Et en même temps, les selfies peuvent également avoir des impacts négatifs.
Une recherche a par exemple montré que partager trop de selfies sur les réseaux sociaux peut nuire aux relations sociales : plus on poste d’auto-portraits, moins les autres se sentiraient « proches » de nous. On sait également que ces partages de photographies peuvent augmenter l’importance accordée à l’opinion des autres : lorsque j’envoie une photo de moi, que se passe-t-il si personne ne clique sur « j’aime » ? Ou, à l’inverse, si tout le monde se met à cliquer sur « j’aime » ?
Une étude a souligné que, du fait de la fixette culturelle de notre société sur l’apparence des femmes, certaines d’entre nous auraient davantage tendance à baser leur propre valeur sur leur apparence ou sur ce que les autres pensent d’elles – du coup, nous aurions également plus tendance à partager des selfies… Et nous pourrions également être plus vulnérables aux réactions de nos entourages numériques.
En somme, tout dépend du contexte, de ce que l’on met en ligne, de la fréquence à laquelle on met en ligne, et notre usage du bouzin ! Si nous utilisons les selfies comme un outil, un chouette truc pour s’approprier nos reflets, pour partager des moments cool, il est fort probable qu’ils aient un impact positif sur nos vies. Eh ouais.
Pour aller plus loin…
- Un article de NBC News
- Une expérience sur la valeur que l’on s’accorde et nos comportements sociaux
- Un post de Psychological Science
- Un article de BBC News
- Un article de Business2community
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires