Le yaoi est un genre extrêmement codifié si on regarde du côté de la production commerciale japonaise.
Bien entendu, les auteures de fanfictions et autres productrices amateures se lâchent plus et des créatrices comme les Clamp mêlent du sous-texte yaoi à des intrigues surnaturelles complexes. Mais globalement, on rencontre plus de romances que de thrillers politiques.
Quelques titres cependant se démarquent par un cadre plus ambitieux et des histoires qui dépassent les enjeux romantiques. En voici une petite sélection à consommer sans modération !
Deadlock de Saki Aida et Yuh Takashina, un thriller dans le monde carcéral
Deadlock est à la base une série de light novels. Le duo derrière cette création a adapté cette œuvre en un manga publié chez Taifu.
L’intrigue suit les pas de Yûto, ex-agent de la brigade des stups accusé à tort d’avoir tué son collègue. Le protagoniste s’infiltre dans une prison américaine de haute sécurité pour y identifier un terroriste en échange de sa liberté.
L’ambiance est pesante et on prend le temps de nous présenter les jeux d’alliance et les différents camps de ce microcosme très hiérarchisé qui possède ses propres codes. À côté de la tension et du suspens mis en place, l’enjeu sentimental fait pâle figure mais ajoute un peu de sel à cette histoire très prenante et servie par des dessins fins et précis.
Pour les lecteurs et lectrices intéressé•es, attention cependant aux scènes de viol et aux violences qui ne sont pas qu’évoquées.
Dans le même genre, le thriller policier yaoi In These Words, aussi publié chez Taifu et dont je vous ai déjà parlé, est immanquable !
L’anime No. 6 et sa science-fiction utopique
No. 6 c’est une série de light novels, un manga mais aussi un anime du studio Bones. Je tiens particulièrement à vous le recommander.
Le cadre est vraiment travaillé, on est propulsé dans un futur post-apocalyptique plus ou moins utopique. La population, très surveillée, vit dans des cités idylliques où tout est verdoyant. Mais évidemment, il y a anguille sous cocotier et Shion, notre héros, le découvrira à ses dépens aidé de Nezumi, un rebelle de l’extérieur de la ville. Abeilles parasites, rébellion et chastes bisous au programme.
Ce qui est particulièrement appréciable, c’est que l’anime ne se limite pas à une série à intrigue juste orientée yaoi avec du fan service et rien de concret façon Free !, Seraph of the End, Code Geass ou même Death Note. On a deux personnages attirés l’un par l’autre, ce sont deux jeunes hommes. Ce qui ne nous empêchera pas de voir des bisous, même s’ils ont mieux à faire, et c’est franchement très cool.
Qui plus est, la qualité est au rendez-vous avec une animation qui se tient tout au long des onze épisodes.
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https://youtu.be/CPQUKfmp_28
Même si le générique de fin est d’une niaiserie à se tarter. Et encore, là vous n’avez pas les images d’origine…
Blue Morning de Shoko Hidaka, entre histoire et politique
Blue Morning, publié dans la collection Hana, est un manga moderne qui a su tirer le meilleur d’un héritage rétro qu’on peut faire remonter aux romans proto-yaoi des années 1960.
Située dans un Japon en voie de modernisation, l’intrigue a un cadre raffiné et met en scène une noblesse décadente attachée aux traditions et aux apparences. Ces aristocrates dépassés doivent ainsi s’adapter au monde à venir à travers la gestion des biens, les finances et les alliances politiques.
On retrouve des thématiques très classiques au genre en suivant la romance d’un jeune noble et de son majordome : fossé social, jeu de domination, la menace de l’inceste… mais le cadre est ici beaucoup plus développé que d’habitude et s’avère véritablement passionnant. Les personnages sont également très finement écrits et s’avèrent profonds et intrigants.
Attention pour celles et ceux qui voudraient se pencher sur ce titre, le manga met clairement des viols en scène et s’ils ne sont pas véritablement romantisés, on est souvent à la limite.
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What did you eat yesterday ? de Fumi Yoshinaga, des tranches de vie engagées !
Fumi Yoshinaga (auteure du josei Le Pavillon des hommes) est une mangaka féministe et engagée qui mériterait qu’on la publie d’avantage en France. Dans sa série What did you eat yesterday ?, elle met en scène un couple homosexuel dans un Japon contemporain.
Les deux héros sont tout ce qu’il y a de plus ordinaire : un coiffeur sentimental et un avocat un peu coincé qui préfère ne pas se faire remarquer. Ils entretiennent une relation tranquille et quotidienne sans grand drame romantique. Chaque chapitre tourne autour d’une recette bon marché, décrite et dessinée, qui met l’eau à la bouche.
Les thèmes de ces tranches de vie sont très engagés : l’avocat sera confronté à un homme battu, on voit les réactions de l’entourage des héros vis-à-vis de l’homosexualité, on s’immerge dans le milieu gay japonais, etc. C’est un titre sans suspense, mais qui surprend néanmoins, dans le bon sens du terme. Hélas, il n’est pas traduit à ce jour.
Pour ceux et celles qui ne lisent pas l’anglais, les Éditions Akata ont publié il y a peu Le Mari de mon frère, un autre titre extrêmement engagé. L’auteur, Gengoroh Tagame, s’était jusque là illustré dans le bara, manga mettant en scène des relations homosexuelles masculines par et pour un public homosexuel masculin.
Du spleen d’auteur avec Tango d’Est Em
Unique titre accessible en français d’une auteure pourtant prolifique et récompensée, Tango a été publié par les Éditions H, qui éditent également une revue très complète et instructive sur le manga, Manga 10 000 images.
Le recueil n’a pas réellement d’intrigue mais son univers et son ambiance sont extrêmement cohérents. Des hommes passionnés au spleen existentiel se séduisent, se heurtent ou se croisent simplement dans le monde des arts, de la danse à la peinture.
Le trait vif et le découpage étudié d’Est Em font merveille dans cet ouvrage où le sexe reste d’ailleurs très pudique et esthétisé pour ceux et celles qui n’aiment pas trop le porno.
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Et voilà pour cette petite sélection loin d’être exhaustive. Si vous avez aussi des titres à conseiller dans le même style, n’hésitez pas à joyeusement lâcher vos commentaires !
Les Commentaires
En vérité, j'ai regardé l'anime sans savoir qu'il s'agissait d'un shonen-ai et j'ai été agréablement surprise. Je ne m'y attendais pas, c'était très doucement amenée. En tout cas j'en ai un bon souvenir... Une relation que j'ai aimée voir grandir car elle ne m'était imposée comme dans certaines séries "Coucou je tombe sur ta poitrine / ton torse". Le fanservice, masculin ou féminin... Je ne peux pluuus !
Après No6 n'est pas un anime parfait (je rejoins Eira sur les dialogues, puis l'histoire est un peu bancale dans mes souvenirs), mais j'ai apprécié.
En revanche les illustrations sont magnifiques. ( L'artiste est Toi8 )