Assez rêvé en parlant de voyages tout autour du monde : il est temps de passer aux cauchemars. C’est vrai, quoi, en ce mois de juin si inconstant, entre fraîches matinées et dimanche ensoleillés, exams et deadlines à respecter alors que rôde dans l’air un parfum de crème solaire et de sable chaud… Nos petits nerfs tirent, tirent, et puis s’épuisent.
Quel meilleur moment pour les achever, dites-moi ?
Vous avez toutefois le droit de lire ces ouvrages au soleil sur la verte pelouse d’un parc, dimanche prochain. Et entre nous… Si vous ne voulez pas prendre la moindre porte qui grince pour un psychopathe, c’est même recommandé.
Misery de Stephen King
Mymy ouvre le bal aux traumatismes avec le Maître de l’Angoisse. Misery est un des romans de Stephen King ayant connu le plus de succès, ce qui lui a d’ailleurs valu une adaptation au cinéma, que vous connaissez peut-être, en 1990. Le film est encore diffusé parfois sur nos chaînes de télévision de 2014, et le stress mêlé de terreur qu’il inspire est toujours d’actualité. Il s’agit d’un écrivain à succès qui, un jour…
Ah, mais je laisse Mymy s’exprimer. Elle vous communiquera son angoisse bien mieux que moi.
Misery, c’est l’histoire d’un auteur qui a un accident de voiture, et est secouru par une fan de son oeuvre qui le séquestre en le forçant à écrire la suite des aventures de son héroïne. Elle le séquestre, le torture et il subit de nombreuses amputations, parce que la vie selon Stephen King, c’est pas un épisode de My Little Pony.
Je trouve que ça rend parano à cause du nombre de fois où les flics, alertés de la disparition de l’auteur dans ce coin-là, viennent la voir ; lui il est dans la chambre, attaché… et il ne peut RIEN faire. La police repart sans se douter de rien.
Morale de l’histoire : si tu te fais séquestrer, même si tu es quelqu’un de célèbre, désolée, personne ne va venir te sauver et TU VAS TE FAIRE COUPER LE POUCE PAR UNE FOLLE QUI L’UTILISE COMME BOUGIE SUR TON GÂTEAU D’ANNIVERSAIRE. Ceci était un mini-spoiler, je m’en excuse, mais ça vous donne une idée du reste.
L’Échiquier du mal de Dan Simmons
Soufflons un peu grâce à Amélie
… Aha non, c’était une blague. Vous pensiez vraiment qu’on allait vous laisser vous en tirer comme ça ? Ma chère collègue cherche à vous plonger dans l’histoire de Saul Laski, un Juif rescapé d’un camp d’extermination en 1942 qui, des dizaines d’années plus tard, se met à traquer son ancien et principal tortionnaire nazi…
L’Échiquier du mal, c’est flippant parce que l’auteur imagine que certaines personnes sont dotées de ce qu’il appelle « le Talent », un don pour entrer dans le psychisme des gens et les contrôler. Parallèlement à ça, le livre s’attarde sur une vieille dame pourvue du Talent faisant partie d’un club mondain dont le but est de tuer des gens, par exemple en les poussant à se suicider via des manipulations de leur esprit.
L’oeuvre se construit comme un roman policier, un thriller psychologique et d’espionnage. En bref, tout le monde veut tuer tout le monde.
L’idée angoissante, c’est que certaines personnes pourraient entrer dans ton esprit pour te faire faire n’importe quoi (en mode Professeur Xavier), sans que tu ne t’en rendes compte. Dans la première partie, dans le camp de concentration, le Juif Saul Lasky explique comment un nazi entre dans son crâne sans qu’il ne comprenne vraiment ce qu’il se passe…
Le Carnet d’or de Doris Lessing
Mélissa arrive en force avec un roman de Doris Lessing, grande écrivaine décédé en 2013 à 94 ans, et qui a remporté le prix Nobel de littérature en 2007. Le Carnet d’or fait partie de ses oeuvres les plus reconnues, en nous faisant plonger dans les années 50, en plein dans les déboires d’une jeune romancière, Anna Wulf.
Le Carnet d’or est un roman composé de plusieurs carnets explorant les différents aspects de la conscience de la narratrice, qui essaye de résister au sexisme et à ses propres conceptions sexistes en vivant seule et en tentant de se protéger… Mais ça ne marche pas très très bien. Anna perd un peu pied, et passe beaucoup trop de temps seule dans sa chambre.
Ça met vraiment mal à l’aise, surtout que ses inquiétudes sont suffisamment générales pour qu’on s’y retrouve. Anna a publié un best-seller mais n’arrive plus du tout à écrire quoi que ce soit, à part ses carnets. Elle tombe amoureuse, mais ça se passe systématiquement mal. On a l’impression de sombrer dans la folie avec elle au fur et à mesure des carnets…
Et on se rend compte qu’il est absolument impossible d’échapper au monde, même quand il nous rend malade et que c’est la mouise.
L’Appel de Cthulhu de H.P. Lovecraft
J’aime bien me dire que je suis un peu la caution fantasy de cette rédaction.
Parce que oui, fatalement, ma contribution à cette sélection verse dans mon genre de prédilection (poil au fion). Je ne pouvais pas ne PAS citer Lovecraft pour le thème de la paranoïa et de la folie ! Je me permets donc de vous conseiller L’Appel de Cthulhu, une (longue) nouvelle permettant de découvrir le fameux mythe de Cthulhu… Et parce qu’il n’y a pas de petit plaisir, je m’auto-cite à nouveau.
Cette nouvelle de Lovecraft, qui fut publiée en 1928, est celle qu’il faut lire pour comprendre et trembler à l’évocation du mythe de Cthulhu, ce dieu terrible appartenant au panthéon des Grands Anciens. Divisée en trois partie, l’histoire commence le jour où Francis Wayland Thurston, un anthropologiste, hérite de son grand-oncle décédé un ensemble de reliques étranges et un manuscrit intitulé Le Culte de Cthulhu.
J’ai lu cette nouvelle, et ses nombreuses petites soeurs puisqu’elle est souvent publiée sous forme de recueil, lorsque je vivais au rez-de-chaussée, seule, un beau soir. Et ce qui est fabuleux avec Lovecraft, c’est que je n’arrive toujours pas à m’expliquer comment il parvient à plonger le plus rationnel de ses lecteurs dans la paranoïa pure en n’en disant finalement que très peu. Découvrez le mythe de Cthulhu… et reposez-vous des questions sur votre condition de frêle être humain.
1984 de Georges Orwell
On ne peut pas parler de paranoïa sans parler du chef-d’oeuvre de Georges Orwell. Il est assez célèbre pour qu’un grand nombre d’entre vous connaissent au moins son existence, mais pour Sophie, c’est le roman qui la hante encore (et qui a changé son rapport aux miroirs et à la webcam). Elle vous explique tout ça très bien :
Classique parmi les classiques, 1984 m’a énormément marquée quand je l’ai lu, à 14 ou 15 ans.
Cette référence du roman d’anticipation raconte l’histoire d’un Londres dans un monde dystopique divisé en trois blocs, trente ans après une guerre nucléaire, et tous gérés par un régime totalitaire. Les habitants de ces blocs sont constamment épiés, espionnés par tous les écrans présents chez eux ou par les employés de la Police de la Pensée. Le moindre petit écart de conduite, la moindre envie de liberté est sévèrement punie.
Il faut bien garder en tête qu’Orwell, fervent opposant à la dictature soviétique, a publié 1984 en 1949. Omniprésence des écrans, acceptation de l’idée de voir sa vie privée sur Internet… La réalité est loin d’avoir dépassé la fiction, mais tout de même : niveau prévision, on est sur quelque chose de pas mal.
Au fond, oui, 1984 m’a un peu rendue parano. Mais c’est une bonne paranoïa (sauf quand je suis mal réveillée et que j’ai peur qu’un-e hacker allume ma webcam à distance pendant que j’ai l’air con à faire des exercices d’abdos-fessiers).
Je m’explique : ce roman me fait le même effet que la série Black Mirror. J’ai l’impression qu’on est parfois à deux doigts de sombrer dans les cauchemars racontés dans ces oeuvres. Qu’on devrait toujours bien faire gaffe aux potentielles dérives, qu’on devrait jamais oublier d’être lucide. Et, oui, qu’on devrait toujours avoir une petite part de paranoïa en nous, pour éviter de se rapprocher encore un peu plus de l’intrigue de 1984 et de sa technologie omniprésente et totalitariste.
Je veux dire, la technologie, on a. Le totalitarisme, pour l’instant, non, mais comment être sûr-e-s qu’on est vraiment à l’abri de ça pour toujours ?
Les Racines du mal de Maurice G. Dantec
Paf ! Vous commenciez à vous dire qu’en fait, vous n’étiez pas si mal en 2014, et que pourvu que ça dure, et tout… Quand soudain, Hawley arrive avec Les Racines du mal, un bon gros polar d’anticipation comme on les aime. On y suit les aventures d’Arthur Darquandier, un « cognitien » devant retrouver des serial killers à l’aide d’un ordinateur (trop) intelligent.
Un gros choc littéraire sur les premières pages, puisqu’on se retrouve avec un premier narrateur qui a perdu tout sens des réalités, bien obligé-e-s de suivre ses points de vue de serial killer sur des scènes assez abominables. Andreas Shaltzmann est certes considéré comme un fou dangereux par la police, mais il a ses raisons de tuer, si jetées soient-elles. Est-ce que le plus terrifiant, ça ne serait pas plutôt de ne pas avoir de raisons ?
Mi-polar mi-anticipation, Les Racines du Mal commence à être un peu daté dans ses inventions (intelligence artificielle, gadgets technologiques un poil kitsch, vision d’Internet…), mais le fond est toujours très actuel : comment comprendre et démasquer ceux qui veulent détruire l’Homme et la civilisation ? Qu’est-ce qu’un esprit malade, au fond, qu’est-ce que le Mal ?
Le gros malaise réside dans les scènes décrites, mais aussi dans le fait qu’il faudra bien vous l’avouer : écouter les fous est bien plus passionnant que de suivre ceux qui veulent les comprendre. Vous en déduirez ce que vous voulez…
Et c’est fini pour cette sélection, vous pouvez commencer à vous ronger les ongles, même si vous savez que ce n’est pas bien. Ne me remerciez pas, ça me fait plaisir.
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