Ça y est, l’automne est là, bien installé chez la plupart d’entre nous. Les arbres comme nos nez rougeoient, les jours se raccourcissent, et ça sent la pluie et les maillots de bain qu’on fait brûler au fond du jardin. La fête d’Halloween pouvait-elle tomber à meilleure saison ?
Vous avez peut-être prévu d’affronter le froid pour jouer à vous faire peur, le soir d’Halloween. Ou bien, plus classique, de regarder des films d’horreur en bonne compagnie ! Voire rien du tout, parce que vous ne fêtez pas cette fête commerciale qui contient beaucoup trop de orange à votre goût.
Quoi qu’il en soit, à la rédac’, on pense à vous ! Pour vous mettre dans l’ambiance avant l’heure fatidique, pour faire durer la fête plus longtemps, ou tout simplement pour bouquiner un peu tout-e seul-e pour le plaisir de vous plonger corps et âme dans un roman des plus prenants…
… Nous vous avons concocté une petite sélection de livres qui vont vous empêcher de dormir. De rien.
À lire aussi : Sélection de livres qui rendent heureux
Les Tommyknockers par Stephen King
Vous pensez si Mymy s’est prêtée au jeu avec enthousiasme, elle qui voue un amour passion au grand maître de l’horreur qu’est Stephen King – un amour qu’elle qualifie de « syndrome de Stockholm littéraire », ce qui n’est pas particulièrement rassurant. Après moultes délibérations avec elle-même devant l’énorme bibliographie de son « auteur de coeur », elle a jeté son dévolu sur un roman plus très récent de son chouchou, mais toujours efficace : Les Tommyknockers (1987).
Un jour, Roberta Anderson, qui vit (évidemment) dans un bled paumé situé (évidemment) dans le Maine, trébuche sur un affleurement de métal dans la forêt entourant sa propriété. Qu’est-ce donc que cela ? Un frigo ? Un tracteur enseveli ? C’est grand, très grand. C’est plat, lisse, froid, ça bourdonne parfois, ça vibre étrangement. Ça ressemble à une soucoupe. Ça ressemble à un vaisseau. Ça ressemble à un truc sorti d’un épisode d’X-Files.
Plus Roberta dégage l’objet enterré non identifié, qui l’obsède de façon pas super saine, plus des choses étranges se produisent. De grandes inventions lui viennent en tête, elle qui écrit d’ordinaire des romans historiques. Les habitants de la ville semblent développer de drôles de pouvoirs, le petit patelin de Haven se recroqueville sur lui-même, et des choses innommables se déroulent derrière les portes closes. Le seul capable de lucidité est Jim Gardener, le meilleur ami de Roberta, qui se sent désemparé devant ces phénomènes incompréhensibles et lutte contre ses propres démons, l’alcoolisme en premier lieu…
Et le tout est rythmé par une comptine angoissante :
Tard, la nuit dernière et celle d’avant, Toc, toc à la porte — les Tommyknockers, Les Tommyknockers, les esprits frappeurs… Je voudrais sortir, mais je n’ose pas, Parce que j’ai trop peur Du Tommyknocker
Si j’ai choisi Les Tommyknockers pour cette sélection, c’est qu’il réussit à être terrifiant avec une base qui, personnellement, ne me fait pas peur du tout : les aliens, ce n’est pas ma grande phobie, je l’avoue. Mais cet étrange vaisseau, ces phénomènes douteux, cette folie générale, cette affreuse berceuse… Brrrr. Bons cauchemars à vous !
Le Tour d’écrou par Henry James
Mélissa quant à elle, pour bien rester dans le thème de l’angoisse, a choisi de partager un vieux traumatisme avec vous – et ça, c’est sympa. Le Tour d’écrou est une nouvelle qui prend ses racines dans la vieille tradition du fantastique, et vous fera sans cesse osciller entre rationalité et surnaturel, stabilité et folie…
Niveau miquettes, je voudrais partager avec vous ce que j’ai pu étudier en prépa, qui nous a réchauffé le coeur lors des longues journées froides et studieuses (non). Il s’agit d’une nouvelle de Henry James, Le tour d’écrou, qui date un peu (1898), mais dont la flippance reste sévère. Et pour bien assurer le truc, on a vu en parallèle le film qui en a été adapté,
Les Innocents, réalisé par Jack Clayton et sorti en 1961.
On suit dans les deux une gouvernante qui est engagée par un homme un peu mystérieux (mais riche et célibataire), pour s’occuper de son neveu et de sa nièce, dont il a la garde. Elle arrive donc gaiement dans une belle maison complètement paumée dans la campagne (toujours une très bonne idée), mais commence assez vite à se méfier des enfants et de ce qu’elle entend sur sa prédécesseure. Je n’en dis pas plus, mais pour vous situer un peu l’ambiance, écoutez donc cette jolie ritournelle qui retentit tout le temps :
Mulengro par Charles de Lint
En ce qui me concerne, j’ai encore choisi de vous parler de fantasy, mais là j’ai le droit : c’est Halloween. Et le sous-genre de la « dark fantasy » n’a rien à envier au thriller le plus haletant. Imaginez un psychopathe qui peut passer sous la plinthe de votre porte en se changeant en une espèce de brume noire et mortelle…
Peu d’auteur infiltre aussi bien le meilleur comme le pire du surnaturel dans les recoins de notre quotidien que Charles de Lint. Moins connu que Stephen King, mais au moins aussi doué et prolifique, le canadien s’inspire de la mythologie pour tisser ses toiles intrigantes. Mulengro est sorti en 1985, et peut hélas être difficile à trouver en France, mais il en vaut la peine… (Éteignez les lumières, allumez les bougies, on passe en auto-quote : ambiance.)
Mulengro commence un peu comme un thriller horrifique classique : avec des meurtres horribles et inexplicables. Cependant, on comprend vite que le meurtrier ne va pas être aussi facile à attraper que ça, lorsque le premier témoin parle en tremblant d’une fumée maléfique qui tranche les têtes. Sans compter, détail intéressant, que toutes les victimes sont des Gitans, un peuple marginal aussi hermétique qu’incompréhensible pour les « Gadje » – ceux qui ne sont pas gitans.
Règlements de compte particulièrement sauvages ? Ou… Autre chose ? Janfri est gitan, et il a vécu pendant longtemps parmi les Gadje en gagnant de l’argent grâce à son violon, jusqu’à ce que quelqu’un mette le feu à sa maison après y avoir inscrit « marhime ». Impur. C’est alors qu’il reprend la route, seul entre deux mondes qui le rejettent, que le nom de « Mulengro » commence à être sur toutes les lèvres. La police ne comprend rien – mais les Gitans fuient en masse ce qui semble être une créature diabolique partie en croisade purificatrice au sein de son propre peuple.
Avec Mulengro, Charles de Lint s’est plongé dans les légendes, les croyances et les traditions d’un peuple errant dont l’Occidental moyen ne sait pas grand chose de concret. Mais surtout, il puise dans le passé des Roms, considérés comme une race impure sous le IIIe Reich. Entre magie noire et horreur physique, le cauchemar resurgit comme s’il n’avait jamais vraiment disparu, et vous risquez d’essayer de disparaître dans votre fauteuil au fil de votre lecture.
Northanger Abbey par Jane Austen
Pour LadyDandy, en revanche, Halloween est une fête qui lui inspire l’univers étrangement inquiétant du roman gothique par excellence… vu par Jane Austen. Et elle n’a pas tort : rien ne crie Halloween comme cette parodie subtile des romans-qui-font-peur si en vogue au 18e/19e siècle ! Alors si en plus vous appréciez cette auteure pour ses autres romans plus connus, mais ne connaissez pas encore Northanger Abbey, c’est le meilleur moment de s’y mettre, croyez-moi !
Caution classique : parlons jeune filles en fleur, bals et dentelles sur fond de château lugubre et terribles assassinats ! Northanger Abbey est un des premiers écrits de Jane Austen, et n’a certes pas l’ampleur d’un Orgueil et Préjugés ou d’un Emma, mais il demeure indéniablement bien fichu et distrayant. Ce bouquin colle-t-il vraiment les miquettes ? Je n’irais pas jusque là mais il parlera à tous les lecteurs de romans flippants parce qu’il évoque justement les délices d’une lecture anxiogène. L’héroïne, la jeune Catherine Morland, a grandi dans une famille nombreuse et s’était jusque là comportée en vrai garçon manqué. En grandissant, elle gagne en charme et découvre dans le microcosme bien comme il faut de Bath les plaisirs raffinés des toilettes, balades en calèches mais surtout des romans gothiques dont les monstruosités et perversions lui procurent de délicieux frissons. Projetant ses fantasmes sur son entourage, elle voit sa confusion atteindre son paroxysme lorsqu’elle est invitée par les Tilney à résider à Northanger Abbey, une vieille bâtisse qui semble tout droit sortie d’un livre.
Ce roman est un vrai plaisir en soi mais il est également l’occasion pour Jane Austen de rendre hommage tout en parodiant gentiment le genre du roman gothique dans son ensemble. Elle truffe d’ailleurs son roman de références à d’autres textes, ce qui ouvre de nouvelles perspectives de lectures. Ajoutez à cela l’humour habituel de notre auteur qui rend à la perfection les élans lyriques des demoiselles en mal de sensations et les rituels sociaux absurdes de Bath, et on obtient un roman au charme indéniable.
Seuls par Mathias Moucha
Enfin, Romilly clôt cette funeste mais si trépidante sélection avec un thriller signé par un auteur français encore peu connu : Mathias Moucha. Son livre a non seulement tout ce qu’il faut pour vous maintenir en haleine des douze coups de minuit à l’aube, mais il va aussi ravir les amateurs de lecture numérique !
Seuls fait en effet partie des premiers romans de la nouvelle collection numérique des éditions de fantasy Bragelonne, Snark, qui a la particularité de proposer les titres en différents formats de téléchargement dès leur sortie. Bref, le frisson facile à portée de clic si vous vous réveillez le 31 au soir sans plus rien à lire sur votre liseuse. (On pense à vous, chez madmoiZelle.)
Seuls raconte l’aventure un peu folle de Mathieu en République Tchèque. Alors que ce dernier pensait ne rester à Prague que le temps de régler les affaires de son grand-père décédé et profiter un peu de la ville avec son frère, son neveu et un ami, le séjour vire au cauchemar au détour d’une escapade dans le village de ses ancêtres – « un voyage avec pour compagnes la peur, la mort et une vieille paire de lunettes »
Pour Halloween, chacun cherche le grand frisson. Sans passer par les clichés de la période halloweenesque avec des vampires ou des zombies, « Seuls » n’en reste pas moins un roman qui fait peur. Il traverse les lieux et le temps pour faire surgir l’épouvante, les tremblements et le suspense. A lire le soir d’Halloween avec les paquets de bonbons que vous avez pu récupérer.
C’est bon ? Vous avez tout ? Bouquins, bonbons, couvertures et chat qui va flipper au moindre bruit qu’il a rêvé sur les genoux ? Alors fermez bien vos volets qui grincent, et installez-vous dans votre fauteuil comme si votre vie en dépendait : vous avez tout ce qu’il faut pour vous perdre dans un autre monde et sauver vos bonbons des gamins déguisés en fantômes ratés.
Les Commentaires