Oui, je sais : vous entendez parler de la rentrée depuis le 1er août, et vous n’en pouvez plus de voir des protège-cahiers et des équerres jusque chez votre boulangère. Et moi, je débarque avec ma sélection de bouquins spéciale rentrée, bim, les pieds dans le plat ! (soupir) Pourquoi le monde s’acharne-t-il ainsi sur vos rêves de plages désertes et de cocotiers ?
Ah, mais rassurez-vous, aucune interro surprise ne vous attend au tournant de cet article. La rentrée, c’est aussi changer de rythme, passer des boissons fraîches au thé brûlant en regardant les feuilles rougir, reprendre une vie sociale… Et surtout passer des journées entières à la bibliothèque, ou calé•e sous un plaid avec un bon bouquin. De la culture G, tant qu’à faire, pour changer un peu des romans et des polars que vous avez dévorés tout l’été.
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Alors voilà, ce que je vous propose ! Ici, point d’équerre, de compas, ou de feuilles à petits carreaux ! Seulement des livres de philosophie, d’histoire, d’art, de socio-politique ou de mythologie qui nous ont passionné•e•s, à la rédac’.
Philosophie en séries, par Thibaut de Saint-Maurice
Mircea Austen commence direct avec de la philo, parce que, au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, c’est un peu son truc. Et elle prend très à coeur de démontrer que la philosophie, ce n’est pas que des dissertations thèse/anti-thèse/synthèse : non seulement c’est beaucoup plus que des heures de cours au lycée, mais c’est accessible à toutes et à tous. D’où son choix pour cette sélection…
« Rendre la philosophie fun et attractive, c’est un vrai travail d’expert et Thibaut de Saint-Maurice s’en sort avec mention très bien. Parce que s’il connaît ses séries sur le bout des doigts et arrive vraiment à communiquer sa passion aux fans comme aux néophytes, il est aussi très sérieux dans les références en philosophie qu’il utilise.
Résultat ? Philosophie en séries est un livre aussi sympathique à lire que totalement valable pour préparer le bac philo, et remettre le cerveau en route en douceur pour la rentrée ! Notez qu’il y a deux tomes, et qu’ils sont tous les deux aussi bien l’un que l’autre. Tout dépend de vos préférences en séries télé ! »
Je pensais que mon père était Dieu et autres récits de la réalité américaine par Paul Auster
Mymy est du genre à dévorer une dizaine de bouquins par semaine, mais son truc, c’est plutôt les romans. Alors quand je lui ai parlé de faire une sélection de livres de « non-fiction », elle a pas mal hésité et pris le temps de chercher dans son immense bibliothèque mentale (écoutez, chacun son monde imaginaire, hein, bon).
Elle a vite trouvé, quoi qu’il en soit. Elle a même trouvé le moyen de placer encore une petite fois du Paul Auster, et plus précisément un recueil de témoignages de son cru…
« Je sais, je sais : je vous ai déjà tartiné en long, en large et en travers mon amour pour Paul Auster mais que voulez-vous, on ne change pas une équipe qui gagne.
De 1999 à 2001, Paul Auster animait, sur la NPR (la radio publique américaine), une émission singulière dans laquelle il demandait aux gens, simplement, de venir lui raconter une histoire, forcément vraie, forcément brève. Ce concept s’inscrivait dans le National Story Project, et plus de 4000 histoires ont été lues à l’antenne. Cela a donné au lieu au livre Je pensais que mon père était Dieu, qui en regroupe 172, classées par thème.
Comme un album photo aux pages un peu jaunies, Je pensais que mon père était Dieu fait office de fenêtre sur la réalité américaine moderne, sur la diversité de ses habitant•e•s, de leurs expériences, de leur rapport à leur patrie, à leurs animaux de compagnie, à leur famille… D’anecdotes savoureuses en histoires tragiques, cent soixante-douze voix s’élèvent le temps de quelques lignes pour raconter un morceau de leur réalité. Ça donne un livre à feuilleter plutôt qu’à dévorer — un récit par-ci, un nouveau thème par-là, pour prendre un bol d’air loin de notre quotidien, et près des autres humain•e•s. »
Histoire de l’art, E. H. Gombrich
Juliette a deux grosses passions dans la vie : la mode, et l’art
— deux domaines qui ne sont pas forcément bien éloignés l’un de l’autre. Aussi a-t-elle tout de suite pensé, à peine lui avais-je demandé un ouvrage, à la bible en matière d’histoire de l’art. Oui, rien que ça. L’oeuvre de Gombrich est tout de même la référence pour découvrir ce vaste sujet depuis plus de cinquante ans…
« Histoire de l’art de E.H. Gombrich est l’un des ouvrages sur l’histoire de l’art les plus célèbres et les plus populaires jamais publiés. Depuis plus de cinquante ans, il demeure une introduction inégalée à l’ensemble du sujet, des premières peintures rupestres à l’art aujourd’hui.
Ne vous fiez donc pas à l’énorme pavé qu’il représente, car ce livre est vraiment un des plus intéressants à lire — si, bien sûr, vous vous intéressez au sujet !
L’ouvrage retrace avec clarté les prémices de l’art depuis les fresques peintes sur les grottes par les premiers hommes jusqu’à l’analyse de l’art contemporain et de celui tel qu’on le connait aujourd’hui. C’est l’idéal pour retracer les origines de son style préféré (peinture, sculpture et installations…) et pour en découvrir plein d’autres. Et surtout pouvoir comprendre les démarches artistiques modernes, trop souvent incomprises et rabaissées au rang de « machines à fric » ou de « délire de taré qui s’ennuie » !
De la brièveté de la vie, par Sénèque
Mais que voici le grand patron de madmoiZelle qui participe à une sélection ?! Et même qu’il en profite pour vous parler lui aussi d’un livre de philo, qu’il a découvert il y a peu, et qui lui a vraiment parlé. Sans l’avoir lu, il est possible que vous connaissiez le titre, car c’est un classique : De la brièveté de la vie de Sénèque. Et il en parle avec la même brièveté. Pour vous dire si l’idée lui a plu.
« Dans ce texte très court (60 pages), Sénèque — qui a eu une vie de fifou — évoque ses principes de vie et pose les bases de la pensée stoïque. »
Fast Food Nation, par Eric Schlosser
Au tour de Clémence de vous parler d’un ouvrage qui l’a marquée ! Et en fait, comme elle est beaucoup plus inspirée que le patron, je vais me taire et la laisser parler direct. Elle vous dit tout.
« Eric Schlosser n’est pas romancier : c’est un journaliste d’investigation. Dans Fast Food Nation, il analyse la culture alimentaire américaine, et notamment la place accordée au fast food. Dans la deuxième partie de l’ouvrage, il mène une véritable enquête sur l’industrie agro-alimentaire américaine, en remontant la chaîne de production des pommes de terre, et de la viande (cette deuxième partie s’intitule d’ailleurs « Meat and Potatoes » : vous voyez le lien).
Je n’aime pas les histoires vraies moralisatrices et/ou culpabilisantes. Mais Fast Food Nation n’est rien de tout ça : Schlosser décrit, analyse et critique une réalité que nous vivons, dont nous sommes témoins. Et ce qu’il expose est difficile à croire, provoque un sentiment profond de trahison envers ces industries et ces entreprises auxquelles on fait confiance au quotidien (à tort, visiblement).
N’imaginez pas plonger dans un ouvrage d’investigation aussi peu digeste qu’un steak mal décongelé : le journaliste raconte son périple avec décontraction, presque à la façon d’un road tripà travers les États-Unis. Et de fait, de New York à la frontière mexicaine, en passant par les ranchs texans, Schlosser aura vu du pays. Quand on me demande « quand est-ce que j’ai voulu devenir végétarienne » pour la première fois, je me revois en 2003, en train de lire le chapitre « le plus dangereux métier au monde ». Et ravaler ma salive.
Si vous avez la flemme, Fast Food Nation a été adapté en film, en 2006. Avril Lavigne y joue une lycéenne végétarienne très préoccupée par le bien-être des vaches. Rien que pour ça, ça se regarde ! »
Les Sept vies du Marquis, par Jacques Ravenne
En vrai, Lucile, notre assistante chef de publicité, était ultra-motivée pour cette sélection, et m’a proposée je ne sais combien de livres. Il a bien fallu faire des choix, pour laisser de la place à tout le monde… Mais je n’ai pas su choisir entre deux ouvrages pour lesquels elle était particulièrement enthousiaste. Comment choisir entre Les Sept vies du Marquis de Jacques Ravenne…
« Juste un de mes bouquins préférés qui m’a fait découvrir le marquis de Sade sous un autre jour. C’est écrit par un écrivain assez connu et clairement fasciné par Sade. Il raconte la vie de ce dernier d’une façon romancée mais extrêmement bien documentée. Cela permet de découvrir la vie de l’homme derrière le personnage et les livres controversés que l’on connaît.
Sade a en plus participé à tous les plus grands événements de l’Histoire de France : libertin sous Louis XV, prisonnier à la Bastille sous Louis XVI (la prise de la Bastille a failli être de sa faute !), politique et chef de la section des Picques sous la Révolution, écrivain sous le Directoire, réputé fou sous l’Empire… Le livre permet donc à la fois de mieux connaître le marquis mais aussi un morceau d’Histoire ! »
…et L’Univers, les Dieux, les Hommes de Jean-Pierre Vernant, un incontournable pour tous•tes les passionné•e•s de mythologie ?
« Excellent bouquin qui explique la création de l’univers à travers les mythes grecs. Les mythes sont racontés comme si la tradition des mythes grecs pouvait encore être perpétuée. Un livre à mi-chemin entre le récit et l’analyse historique et mythologique. »
Dans la tête de Vladimir Poutine, par Michel Eltchaninoff
Au tour de Lucie, cheffe de publicité, de présenter le dernier ouvrage de non-fiction qui l’a marquée ! Grâce à elle, d’ailleurs, on parle un peu de géopolitique, et d’un sujet plutôt fascinant. Inutile de le nier.
« Déjà, je suis hyper intéressée par la géopolitique, et je voulais vraiment avoir un avis sur la fameuse question Poutine, en particulier depuis mon séjour en Russie. Je ne voulais pas l’avis d’un mec polémique donc je me suis dit que bon, je pouvais ptêt faire confiance au rédacteur en chef de Philosophie Magazine.
En fait, ce bouquin répond vraiment à la question « Mais what the fuck dans la tête de Poutine ? ». On y apprend que le Président Russe ne s’est pas réveillé un matin en se disant « mais dis donc, si je prônais une identité russe » (sisi) mais que c’est un projet de longue haleine, mûrement réfléchi et illustré par de nombreux philosophes russes conservateurs.
Entre Dostoïevski et Danilevski (team slavophile), Poutine construit son idéologie et en gros : tu l’aimes ou tu la quittes (ouais parce qu’il est un peu radical quand même Vladi) ! On ne sait pas trop où il veut en venir : on sait « juste » que Vladi veut ouvrir une voie russe car l’Orient et l’Occident sont pour lui « pourris » (en gros).
J’ai bien aimé parce qu’il est assez rare de lire un essai sur une personnalité aussi controversée à date, et sans verser dans le manichéisme. Ici, l’auteur décortique vraiment son sujet, et le rend limpide. »
1888, Jack l’Éventreur et les fantasmes victoriens, par Roland Marx
Allez, c’est à moi de conclure cette chatoyante sélection. Je vous avoue que ce fut difficile de choisir un livre — non pas parce que je n’avais pas d’idée, mais bien parce que j’en avais trop. De l’Histoire à la mythologie, mon coeur balance entre de nombreux ouvrages, découverts ou non pendant mes études… Et bon, Lucile ayant déjà parlé de mythologie, je me suis dit, boum, Histoire. Bref. Cette entrée en matière était fascinante, mais passons au bouquin.
« 1888, Jack l’Eventreur et les fantasmes victorien est un petit livre captivant, et qui n’est pas celui que vous croyez. Eh non, ceci n’est pas une énième enquête infertile sur le plus célèbre des psychopathes de l’Histoire ! Dans cet ouvrage, Roland Marx, regretté spécialiste de l’histoire et la société britannique, revient avec brio sur les mentalités victoriennes, et le contexte socio-politique dans lequel les crimes et la perversion de Jack the Ripper sont nés.
L’ère victorienne est un épisode historique fascinant en soi, mais la période de transition que révèle la fin du règne de la reine Victoria est un monde d’ombres à part… »
Et toi, quels livres de non-fiction t’ont marqué•e ? Histoire, art, géopolitique… Un domaine de prédilection ?
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