Ce matin, je me suis regardée dans le miroir et je me suis demandée ce qu’y fichait mon grand-père.
Eh oui, la gueule de bois ça n’est pas sans conséquences — gastriques, cela va sans dire, mais aussi physiques.
Ce matin, disais-je et après une soirée trop riche en bières belges, j’ai donc eu l’impression de vivre dans le corps d’une personne de 104 ans, avec mes cernes de la taille du Brésil et mon parapluie en guise de déambulateur.
Mais pas aussi vieille toutefois qu’en regardant The Hype House.
Netflix filme Hype House, le collectif de tiktokeurs américains
A priori, leur vie fait rêver.
Ces Américains, à peine sortis de l’adolescence pour la plupart, ont des millions d’abonnés sur TikTok et Instagram, des millions de dollars sur leur compte, des voitures de luxe amassés dans leur parking, des fringues hors de prix, une villa digne des plus grands manitous de la mafia et surtout un toboggan dans leur piscine.
Thomas Petrou, Daisy Keech, Alex Warren, Kouvr Annon, Nikita Dragun, Larray et quelques autres personnalités influentes d’Internet mènent ensemble cette vie de faste, enfermés dans une maison dans laquelle ils doivent créer.
Ainsi, du matin au soir, ces Américains qui comptabilisent jusqu’à 30 millions d’abonnés se filment en train d’élaborer des chorégraphies, de faire des saltos dans la piscine ou de risquer leur vie à force de cascades dans un simulacre de Jackass, une émission emblématique de la télévision des années 2000, qui passait sur MTV.
Thomas Petrou, co-créateur du collectif, encourage ses poulains — parmi lesquels sa propre petite amie — à poster, poster, poster et toujours plus poster, pour maintenir à flot leur barque de popularité et satisfaire l’algorithme de TikTok, qui met surtout en avant ceux qui produisent continuellement.
Si la bande-annonce de The Hype House suggère une vie extraordinaire pour ces jeunes adultes, le programme entier dépeint une réalité finalement creuse et triste à en dépérir, qui nous a laissé pantoise.
Hype House, la réalité pas si excitante du quotidien des tiktokeurs
Déjà parce que les vidéos réalisées par les influenceurs sont pour la plupart des chorégraphies et des lip sync de moyenne qualité — ce qui invite à questionner la raison du succès de ces jeunes adultes et rend globalement le visionnage du programme très fastidieux.
Ensuite et surtout parce que la sur-exposition de ces entrepreneurs, car tel finit en fait par être leur métier, les rend très vulnérables, voire franchement déprimés.
Chase Hudson par exemple (connu sous le nom de Lil Huddy sur les réseaux), a notamment décidé de quitter la Hype House pour vivre seul Los Angeles. Dans son palace au goût très rococo ambiance Dracula 2022, Chase vit tout seul, ne poste plus de TikTok depuis 6 mois et vivote d’un air apathique.
Ce qui lui vaut d’être pris en grippe par Thomas, co-fondateur du collectif, qui comptait sur lui pour produire du contenu et aider le groupe à se maintenir à flot grâce à son succès hors du commun (32 millions d’abonnés sur TikTok).
Un poil dépassé par sa célébrité et les quantités astronomiques d’argent qu’il a en poches, Chase ne rêve en fait que d’une chose : délaisser un peu les réseaux pour se concentrer sur sa vraie passion, la musique.
Mais ses abonnés, ainsi que Thomas, demandent autre chose de lui. Une omniprésence. Du contenu. Coûte que coûte.
À en croire par sa solitude, son air perpétuellement las et ses bisbilles avec ses amis les plus chers, il n’est pas déconnant de se demander si cette sur-exposition n’a pas affecté la santé mentale du jeune homme de 19 ans.
Par ailleurs son ex-petit copine, Charli D’Amelio, personnage récurrent de la série-docu, qui est au passage la personnalité la plus suivie avec 80 millions de followers, semble également perdue dans le labyrinthe de sa vie ultra-médiatisée, et ne s’exprime qu’à demi-mots face à la caméra. Elle a l’air bien timide et mal à l’aise. Étonnant pour une jeune femme qui gagne sa vie en se filmant…
Oui mais voilà, Charli a 17 ans.
Les deux anciens amoureux se livrent face-caméra sur les ravages qu’a causé Internet sur leur couple. Leur séparation, relayée sur les plateaux télé et dans les médias Web du monde, a tellement fait la une qu’elle a eu un réel impact sur l’état mental des deux jeunes gens.
La maison du collectif ressemble alors étonnamment à un endroit safe où ces jeunes, demeurant entre eux, se préservent d’un monde extérieur qui les houspille.
Mais là encore — surtout là d’ailleurs, dans cette autarcie qui ressemble à un purgatoire, les caméras sont légion… Et c’est le serpent qui se mord la queue.
Hype House, des influenceurs démotivés
Il serait bien facile de juger à l’emporte-pièce ces ados et jeunes adultes qui s’en mettent plein les fouilles en étant simplement eux-même en ligne, et en dansant (mal).
En réalité, tous autant qu’ils sont, les membres du collectif sont des entrepreneurs, qui mènent leur carrière à la baguette.
Leur célébrité, qu’on la considère comme justifiée ou non, est leur gagne-pain, et ils le savent.
Ce qui ne signifie pas qu’ils prennent tous beaucoup de plaisir à simplement « être célèbre ». Au contraire, ils finissent quasiment tous, à un moment, par trainer la patte ; même Charli D’amelio, dont la Terre entière raffole, a souvent envie de délaisser les réseaux.
Dans une séquence de l’épisode 2, l’une des membres du collectif lui demande d’ailleurs si elle a bien fait ses devoirs. Elle fait non de la tête. Elle lui demande ensuite si elle a bien posté ses contenus du jour sur les réseaux. Là encore, même réponse.
Ici repose la triste vérité : tous ces jeunes respirent sinon le cynisme, au moins la désillusion à plein nez.
Ils trainent toute la journée leur air blasé d’un bout à l’autre d’une cuisine dégueulasse, en pyjama, et se font remonter les bretelles par un Thomas lassé de répéter à ses ouailles qu’ils sont là pour produire, non pas pour se morfondre.
Finalement, même les plus gros influenceurs du programme ont l’air démotivé par les enjeux d’un métier qui semble ne plus leur apporter de satisfaction autre que l’argent. Et encore.
Certains, toutefois, sortent mieux leur épingle du jeu.
Nikita Dragun, la personnalité la plus intéressante de Hype House
Nikita Dragun est une jeune femme trans de 25 ans née en Belgique, et une travailleuse acharnée.
Outre ses vidéos de danse et de maquillage sur les réseaux, elle est une entrepreneuse aguerrie, qui a lancé sa propre marque de cosmétiques car elle ne trouvait aucun produit qui lui correspondait dans les rayons des grandes enseignes.
Pour répondre aux besoins particuliers en make-up des personnes trans, Nikita a donc lancé Dragun Beauty, dont elle fait elle-même la promotion.
Toujours là pour soutenir Chase, Nikita est la personnalité la plus attachante du programme, qui lâche jeu de mot sur jeu de mot et éblouit par ses looks ultra-recherchés.
Elle est celle qui sauve le programme de l’ennui total, et j’avoue avoir de temps à autres accéléré les épisodes pour ne regarder que ses séquences à elle !
Pour ce qui est du reste, il est fondamentalement déprimant, à l’image sans doute de ce que vivent ces influenceurs, et m’a laissé une sensation de gêne dans la poitrine.
Déjà parce qu’en allant consulter tous les TikTok des membres de la Hype House, je me suis sentie déconnectée du monde, un monde où tout va à une vitesse fulgurante — les pas de danse comme les vidéos qui défilent — et dans lequel je ne suis plus qu’une vieille.
Et c’est terrible de se sentir vieille à même pas 30 ans.
Si vous êtes curieuse, Hype House est sur Netflix
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Les Commentaires
quand a la hype house le même concept a été fait en france(maintenant ça n'existe plus)et y avait même une téléralité dessus (je l'avais vu au travers de la chaine de safir)et je pense que ces problèmes la ne sont pas nouveau nottament chez les youtubeur (ou les langue se délie de plus en plus a propos de la santé mentale)et je ne serai pas surpris que ceux qui soit dans des grand groupe style webedia soit impacter par le management et le "toujours plus" (c'est pas pour rien que les 1er se sont barré)c'est un problème global lié au réseau sociaux...