Sean Murphy n’est pas un vieux briscard : il n’a que 34 ans, mais a commencé très rapidement à évoluer dans le milieu du comic. Le système américain est assez différent du système français : les dessinateurs produisent beaucoup, car de nombreuses séries sont publiées de manière régulière. Du coup, ils n’ont pas toujours le temps de finaliser leurs dessins. Les plus riches font donc appel à des assistants, qui devront encrer les planches (mettre les traits en noir).
C’est un bon moyen pour les auteurs de BD en devenir de faire connaissance avec des habitués du milieu, et c’est par cette porte que Sean Murphy est passé. Après avoir travaillé avec Zach Howard, contributeur de Star Wars, Star Trek, Scarface et plein d’autres trucs commençant par S, il publie son premier comic personnel : Off Road.
Même si je suis plus réceptive aux bandes dessinées franco-belges qu’aux comics, j’ai été subjuguée par Off Road. C’est l’histoire de trois potes qui décident de s’offrir une virée tout-terrain dans le pick-up flambant neuf de l’un d’eux. Tout se passe bien jusqu’à qu’ils se retrouvent coincés au beau milieu d’une rivière…Et c’est là que ça devient très drôle, puisque les trois compères vont devoir trouver mille et une façons de se sortir de ce tas de boue. C’est pitoyable, fascinant et complètement n’importe quoi. Off Road
, c’est une véritable bouffée d’air frais, un concentré de bonne humeur qui s’avale en une fois quand le moral est au plus bas.
Mais ce sont les débuts de Sean Murphy : par la suite, il contribue à des projets plus sombres et plus complexes. Joe l’aventure intérieure en est un bon exemple.
Publié en 2010, six ans après Off Road, il parle de Joe, un petit garçon en plein délire dû au diabète. Laissé seul chez lui, il ressent le manque de sucre et, avant d’avoir pu avaler quelque chose, s’évanouit au milieu de ses affaires. Il se réveille alors dans un monde imaginaire peuplé par ses jouets, devenus de vraies personnes.
Sean Murphy est chargé du dessin sur cet album, et s’en sort à merveille. Le monde inventé est immense, riche et complexe. Il m’a fait vivre un véritable voyage, me donnant l’impression d’accompagner le gamin dans son délire. J’en suis d’ailleurs ressortie avec un certain mal de tête, tant je m’étais identifiée au personnage principal !
Mais la consécration viendra selon moi avec Punk Rock Jesus, le second album entièrement réalisé par Sean Murphy. Le contexte dans lequel il est écrit est très particulier : au départ, l’auteur était un fervent catholique. En pleine écriture, il décide de s’accorder un break et de partir faire du surf. Après avoir échappé de très peu à la noyade, il perd la foi. Il revoit alors son scénario, et donne naissance à un vrai bijou.Punk Rock Jesus se déroule dans un futur proche dans lequel un producteur de télé-réalité décide de cloner Jésus, à partir d’un échantillon du suaire de Turin. Les catholiques voient en ce bébé la réincarnation de Jésus, et l’enfant, baptisé Chris, devient l’objet d’un véritable culte.
C’est ainsi qu’il grandit et tente de comprendre le monde, sous l’œil de milliers de caméras. À l’adolescence, Chris, doté d’un QI hors du commun, décide de livrer bataille contre sa propre raison d’être : le christianisme…
Punk Rock Jesus n’est pas un livre réservé aux croyants ou aux athées. Il livre une véritable réflexion sur la religion et la raison de vivre en général, sans réponses définitives, dénuée de toutes prétentions.
Sean Murphy, c’est un auteur qu’on peut voir grandir à travers ses œuvres. Toutes n’ont pas eues les mêmes conséquences sur moi, mais chaque fois que je l’ai lu, je suis ressortie chamboulée. En France, nous n’avons malheureusement pas accès à toute sa bibliographie… Mais si comme moi tu as du mal avec le comics, je te recommande chaudement ces trois-là, et surtout Off Road qui est le plus aéré !
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