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Dans le foot, il n’y a pas que du pain et des jeux, il y a aussi de l’argent qui circule. Et parfois, le monde du football ressemble à un épisode de Game of Thrones, tant les intrigues y font rage… En 2014, lors de la Coupe du monde de football au Brésil, John Oliver avait déjà dénoncé les échanges d’argent et la corruption de la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), l’association de fédérations nationales de football.
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Cette semaine, la FIFA a à nouveau fait parler d’elle pour corruption. Voici un petit récapitulatif pour mieux comprendre le déroulement des événements depuis le 27 mai dernier.
Que s’est-il passé à la FIFA ?
Le 27 mai dernier, sept hauts responsables de la FIFA ont été arrêtés par la police fédérale suisse. Elle a débarqué très tôt à l’hôtel Baur du lac, et a interpellé les dirigeants dans leurs chambres. Onze personnes ont été provisoirement suspendues par la Fifa de « toute activité liée au football au niveau national et international ».
Les personnes interpellées l’ont été dans le cadre d’une enquête menée par la justice américaine. Elle porte sur la corruption dans l’attribution de plusieurs Coupes du monde et contrats de droits pour la télévision. La police a aussi perquisitionné le siège de la FIFA, toujours à Zurich, dans le cadre d’une autre enquête, qui s’intéresse à l’attribution des Coupes du monde en 2018 et en 2022. De son côté, le FBI a perquisitionné le siège de la Confédération d’Amérique du Nord, centrale et Caraïbes à Miami.
Au total, quatorze personnes sont mises en cause par la justice américaine : neuf anciens ou actuels membres de la FIFA, et cinq dirigeants d’entreprises de marketing sportif qui sont liées à la Fédération.
Qui sont les personnes impliquées ?
Les quatorze personnes concernées par le scandale ne sont pas des petits footeux du dimanche (tu t’en doutes), mais de hauts dirigeants de fédérations de football nationales ou internationales :
- Jeffrey Webb, le président de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF)
- Costas Takkas, l’attaché de Jeffrey Webb, qui est aussi secrétaire général de la Fédération des îles Caïmans
- Jack Warner, ancien vice-président de la FIFA
- Julio Rocha, président de la Fédération nicaraguayenne
- Rafael Esquivel, qui préside la Fédération vénézuélienne
- Eduardo Li, président de la Fédération costaricaine
- José Maria Marin, ex-président de la Confédération brésilienne
- Eugenio Figueredo, ex-président de la Fédération uruguayenne et de la Confédération sud-américaine de football (CONMEBOL)
- Nicolás Leoz, ex-président de la CONMEBOL
Nicolas Leoz et Jack Warner n’ont pas été arrêtés, mais comme les autres personnes précédemment citées, ils ont été suspendus de leurs fonctions par la FIFA. C’est aussi le cas de deux autres grands pontes du football : Chuck Blazer et Daryll Warner.
D’autres personnes, des partenaires de la FIFA chargées du marketing, seraient impliquées dans le scandale, toujours selon L’Équipe : Alejandro Burzaco, Aaron Davidson, Hugo Jinkis et Mariano Jinkis, mais José Margulies, qui aurait joué les intermédiaires.
Qu’est-ce qu’on leur reproche ?
L’Équipe a dressé la liste des agissements dont sont accusés les responsables arrêtés ou non, et ce n’est pas beau à voir : corruption, fraude électronique et blanchiment d’argent. Au total, 47 chefs d’accusation ont été retenus. L’Office fédéral de la justice (OFJ) suisse explique que le parquet du district Est de New York soupçonne les sept dirigeants arrêtés…
« d’avoir accepté des pots-de-vin et des commissions du début des années 1990 à ce jour. »
Selon le New York Times, la corruption porterait sur une somme de plus de 150 millions de dollars, lors d’attributions de Coupes du monde, de droits de marketing et de télévision, mais aussi lors d’escroqueries par voie électronique, de racket et de blanchiment d’argent.
Les droits escroqués seraient principalement ceux de compétitions de foot organisées aux États-Unis et en Amérique du Sud, selon la justice suisse.
Mais ce n’est pas tout : une procédure pénale contre X pour soupçon « de blanchiment d’argent et gestion déloyale » autour des attributions des Coupes du monde de football de 2018 en Russie et 2022 au Qatar est également en cours.
Les soupçons se multiplient : corruption dans l’attribution de la Coupe du monde 2010 à l’Afrique du Sud, ou dans celle du Mondial 1998 en France. Le Maroc, notamment, est soupçonné d’avoir acheté la voix d’un des votants pour essayer d’obtenir l’organisation de la compétition…
Pourquoi l’enquête est-elle menée par les États-Unis ?
Comme l’explique Slate,
qui cite le New York Times, le département de la Justice des États-Unis est autorisé par la loi à mener des affaires contre des personnes étrangères qui vivent à l’extérieur de son territoire, dès l’instant où les faits ont une seule connexion, même minime, avec les États-Unis.
Or, certains dessous-de-table, c’est-à-dire des sommes d’argent versées clandestinement en plus des prix fixés, auraient été négociées aux États-Unis, d’après 20 minutes. Et des paiements seraient passés par des banques américaines.
Pourquoi ça tombe mal (ou bien)
Le timing du scandale est particulièrement intéressant : il est bon ou mauvais selon la personne concernée. La procédure pénale contre X est en effet ouverte depuis le 10 mars dernier, mais elle n’a été rendue publique que le 27 mai dernier.
Or, ce vendredi 29 mai devait avoir lieu l’élection du nouveau président de la FIFA, lors du congrès annuel de la Fédération. L’un des candidats en lice est Sepp Blatter, l’actuel président de la FIFA, en poste depuis 1998, et dont la présidence est largement controversée. Les autres candidats se sont retirés peu à peu, sauf le Prince Ali de Jordanie. Ce général dans l’armée jordanienne, qui est aussi vice-président de la FIFA pour l’Asie, a mis en avant son intégrité tout au long de sa campagne électorale pour la présidence de la fédération.
Comment ces agissements ont-ils été repérés ?
Les hauts responsables interpellés auraient été repérés notamment grâce à des conversations. L’une des « taupes » présumées qui aurait renseigné le FBI s’appelle Chuck Blazer. Il a travaillé comme secrétaire général de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes entre 1990 à 2011.
Selon Le Monde, il aurait enregistré plusieurs conversations avec des hauts dirigeants du football, notamment lors des Jeux Olympiques de 2012. Lui-même a d’ailleurs de petits soucis avec le fisc des États-Unis, et est poursuivi pour fraude fiscale. Il encourt des poursuites judiciaires, d’où ce coup de pouce.
Quelles sont les conséquences ?
Le 27 mai, l’ONG Transparency International, qui lutte contre la corruption des gouvernements et institutions gouvernementales à travers le monde, a réclamé le retrait de Sepp Blatter, le huitième président de la FIFA, qui était en poste lorsque les événements se sont déroulés. David Gill, qui a été élu par l’Union des associations européennes de football (UEFA) pour devenir vice-président de la FIFA, a lui annoncé son boycott du comité exécutif si Sepp Blatter est réélu le 29 mai.
Luis Figo, un ancien joueur de football portugais qui s’était présenté comme candidat au poste de président de la FIFA, a quant à lui demandé le report de l’élection, déjà réclamé précédemment par l’UEFA. L’UEFA est d’ailleurs dirigée par Michel Platini, qui souhaite carrément le départ de Sepp Blatter.
Du côté des États, la justice américaine a demandé le 27 mai l’extradition des responsables arrêtés, c’est-à-dire qu’ils lui soient livrés, pour pouvoir les juger. Selon Le Monde, le Royaume-Uni a demandé le remplacement de Sepp Blatter à la présidence de la FIFA, mais pas le report de l’élection, alors que c’est le cas de la France. L’actuel dirigeant de la Fédération est soutenu par la Russie, qui organise la Coupe du monde de football en 2018. Et la Confédération africaine de football refuse un report de l’élection.
D’après Le Monde, les personnes accusées par la justice américaine encourent jusqu’à 20 ans de prison. Mais pour l’instant, il est toujours prévu que l’élection du président de la FIFA se déroule le 29 mai.
Sepp Blatter a finalement démissionné de la présidence de la FIFA hier, le 2 juin. Le 29 mai dernier, il avait été réélu à la tête de la fédération, dès le premier tour, à 133 votes contre 73 pour le prince Ali ben Al-Hussein. Son adversaire s’est retiré de l’élection, et le second tour n’a pas eu lieu. Mais le 2 juin, le New York Times a publié des accusations de corruption contre Jérôme Valcke, secrétaire général de la FIFA et proche du président. Sepp Blatter est lui-même dans le collimateur du FBI pour corruption.
Il devrait rester en poste jusqu’à l’organisation d’un Congrès extraordinaire, prévu entre décembre 2015 et mars 2016. Selon L’Express,la pression exercée par les sponsors de la FIFA, soucieux de ne pas être associés à une image négative, pourrait aussi avoir influé sur la démission de l’ancien président.
Les faveurs du monde du football iraient à Michel Platini pour succéder à Sepp Blatter à la tête de la présidence. De son côté, Transparency International préfèrerait que ce poste revienne à Jérôme Champagne, ancien responsable des relations internationales de la FIFA.
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