Le mercredi 23 novembre, Stella Creasy, députée de l’opposition, se rend au Parlement britannique avec son bébé de trois mois, Pip, porté en écharpe et endormi, pour participer aux débats. Et elle s’est vue rappelée à l’ordre, par un mail qu’elle a rapporté sur Twitter.
En effet, il est officiellement interdit au Royaume-Uni d’emmener son enfant à la Chambre des Communes.
« Chère madame Creasy,
Nous avons constaté que vous êtes venue aujourd’hui à Westminster Hall avec votre bébé. Je voudrais vous rappeler quelques règles publiées récemment pour la Chambre des Communes : « Vous ne pouvez pas venir à la Chambre accompagnée de votre enfant. » […] »
Un mail qui ne laisse pas de doute et qui passe mal… Cela exclut de fait de la politique les parents de très jeunes enfants, dont on aurait pourtant bien besoin pour porter des questions fondamentales sur le sujet de la parentalité et de l’enfance — mais pas uniquement bien sûr ! La députée, en réaction à cette lettre, s’est ainsi exprimée :
« Apparemment je ne peux pas venir avec mon bébé de trois mois bien élevé et endormi lorsque je parle à la Chambre. Il semblerait que les mères ne doivent pas être vues ni entendues dans la mère de tous les Parlements. »
Stella Creasy milite pour que les mères soient mieux incluses en politique et dans la vie professionnelle. Elle était déjà venue à l’Assemblée avec ses deux autres enfants, ce qui avait déjà créé – sans surprise – du scandale.
La question est d’autant plus importante au Royaume-Uni que les députées ne bénéficient pas d’un véritable congé maternité, comme nous l’apprend Ouest France : personne ne les remplace. Se pose donc la question de la représentation de leur circonscription. La députée explique dans le Guardian :
« Les habitants de ma circonscription seraient privés de toute représentation si je cessais le travail. Un bébé de trois mois est trop petit pour qu’on le laisse seul. »
Une certaine émulation a eu lieu après cet événement ; cela a ouvert le débat et la très probable instauration de nouvelles règles.
Vers une prise de conscience du Parlement ?
Peu après cet événement assez médiatisé au Royaume-Uni, le président de la Chambre des Communes, Lindsay Hoyle, a annoncé un possible changement des règles. Une commission va examiner la question pour que la Chambre puisse finalement se prononcer.
Stella Creasy s’est félicitée
de ces annonces au micro de la Times Radio :
« Ce n’est pas sorcier de comprendre pourquoi il n’y a pas beaucoup de parents de jeunes enfants, et encore moins de mères, au sein de notre classe politique. »
Ça avance doucement mais le débat est en tout cas lancé !
Concilier maternité et politique
La possibilité de continuer à travailler et à œuvrer en politique n’est pas une réclamation nouvelle. Les mères – et les pères – ne devraient pas être pénalisées si elles souhaitent continuer à exercer leur fonction.
En 2018, Jacinda Ardern, alors première ministre de la Nouvelle-Zélande, était venue prononcer un discours à l’ONU avec son bébé de 3 mois, devenant ainsi un bel exemple de conciliation de maternité et d’une vie politique très riche. Une seule autre cheffe de gouvernement avait eu un bébé alors qu’elle était en poste : il s’agit de la Pakistanaise Benazir Bhutto en 1990.
C’est bien peu et ça en dit long sur l’exclusion du pouvoir des jeunes mères… mais bien plus généralement des femmes.
Ces exemples très médiatisés ne doivent pas non plus crée des injonctions supplémentaires pour les jeunes mères, cependant : le post-partum est une période parfois très difficile psychologiquement et physiquement, et le fait de ne pas vouloir travailler doit aussi bien être accepté — même en politique, où l’on attend de nos responsables qu’ils soient des surhommes et des surfemmes.
L’absence de congé maternité de Rachida Dati avait choqué les associations féministes, qui craignaient que cela crée des impératifs insidieux pour les femmes à revenir rapidement travailler. Elle était revenue cinq jours après son accouchement, et s’affichait en une des journaux, tout sourire, presque que comme si rien ne s’était passé. Tout comme Kate Middleton, qui, devant respectant la tradition, a présenté après chaque naissance ses royal babies à la presse, quelques heures après les avoir mis en monde.
Vie privé versus vie professionnelle
Cet événement à l’Assemblée britannique ouvre des questionnements plus larges — en premier lieu celui de la difficile articulation entre vie professionnelle et personnelle. Lorsque l’on devient parents, les choses se compliquent et cette conciliation est peu facilitée par le monde de l’entreprise et par les institutions.
Les critiques qui ont émergé à l’encontre de cette femme interrogent également la possibilité d’être avec son bébé ou ses enfants dans l’espace public. Cet été, comme chaque année d’ailleurs, des personnes se sont plaintes, sur les réseaux sociaux notamment de la présence d’enfants dans l’espace public, déplorant bruits et agitation. Madmoizelle consacrait un article à ces critiques qui ont pour résultat, une fois de plus, de reléguer les mères dans l’espace domestique…
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Image en une, la députée Stella Creasy à l’Assemblée (© YouTube)
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