Esther est partie recueillir les témoignages des jeunes femmes de plusieurs pays, à travers le monde, avec une attention particulière portée aux droits sexuels et reproductifs : liberté sexuelle, contraception, avortement.
Elle a déjà rendu compte de ses rencontres avec des sénégalaises et sa deuxième étape l’a menée au Liban ! Elle y a réalisé interviews, portraits, reportages, publiés au fil des jours sur madmoiZelle.
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Sarah Gharzeddine dégage une énergie de jeune femme qui a « réussi ». Son entrée dans le café où elle m’a donné rendez-vous, l’un des lieux dont elle s’occupe du marketing sur le port de Beyrouth, fait l’effet d’une tornade.
Elle salue ses collègues, me fait changer de table, commande pour moi une « minted lemonade » – une sorte de citronnade à la menthe granitée que l’on trouve partout ici.
Sarah Gharzeddine, tout et son contraire
Elle cumule plusieurs postes car outre son rôle de marketing manager, Sarah est surtout connue pour son rôle d’animatrice radio à NRJ, au Liban. C’est elle qui gère le morning live.
« Une vie trèèès remplie pour une fille aussi paresseuse. »
Ce n’est clairement pas le mot que j’aurais utilisé de prime abord pour la qualifier, mais c’est elle qui le dit.
« Je suis un oxymore. Je suis toujours à l’un ou l’autre des extrêmes. Par exemple, je suis toujours en retard, mais je suis super organisée.
C’est comme ma chambre qui est un bazar monstre mais mon bureau qui est parfaitement rangé. Ou le fait que je cours partout en permanence, mais que mon esprit est toujours très calme et conscient de ce qui se passe.
Je fais du sport et mange sainement, mais je fume. J’adore sortir mais qu’est-ce que je déteste les gens parfois. Je suis une extravertie introvertie. »
Elle donne l’air de rayonner de confiance, à en être impressionnante, mais reste tout à fait accessible en même temps.
Sarah Gharzeddine, culottée, ravie de l’être (et elle a bien raison)
Comme une déformation professionnelle, elle commence à me poser des questions sur moi alors que l’on est ici pour parler d’elle.
« Pardon, c’est aussi mon travail d’interviewer des gens. »
Sarah a décroché ce poste d’animatrice radio au culot et lorsqu’elle me raconte son parcours il n’est nullement surprenant qu’elle y soit parvenue.
« À 7 ans, je voulais travailler à la télé. Ma mère enseignait à l’université, elle était amie avec des étudiants en médias dont les stages se transformaient souvent en opportunité d’embauche à la télévision.
Un jour alors qu’elle avait l’un d’eux au téléphone je lui ai dit « Maman, maman maman maman, dis-lui de faire de moi une star, je veux être une star. »
C’est de là qu’elle tire son tatouage en forme d’étoile, au poignet.
Des années plus tard, Sarah fait des études en « Radio, Television & Films », décroche son premier poste à MTV en tant qu’assistante Directeur artistique. Elle y travaille notamment sur le plateau de Danse avec les stars
.
« Un jour j’étais assise dehors avec celui qui est aujourd’hui mon collègue à NRJ – c’était dans les mêmes bâtiments que MTV. On prenait notre pause et je lui ai dit « oh, j’ai entendu que vous recherchiez quelqu’un pour animer le morning show ? ».
Il a confirmé alors j’ai enchaîné : « je veux faire un voice test ». Je n’avais rien, j’étais sur ma pause, et lui m’a proposé de le faire immédiatement.
On est montés au studio, je n’avais rien préparé évidemment et il m’a dit « ok c’est une radio commerciale, vas-y parle ». Alors j’ai parlé de ce que je connais le mieux : les embouteillages ! J’ai raconté ce que j’ai vu de pire dans les bouchons, du mec qui se rasait à celui qui s’est arrêté pour faire ses étirements. »
Sarah Gharzeddine, animatrice radio « sans filtre »
Et ça fonctionne : Sarah devient « morning host ». Après avoir cumulé un temps son boulot à MTV et à NRJ, elle décide de se dédier à la radio car son rythme de vie effrénée devenait malsain.
« Ce que j’aime le plus, dans ce job, c’est le challenge : il faut que ma personnalité soit perçue rien que par le biais de ma voix, que les gens t’écoutent mais puissent aussi te visualiser.
Moi, je n’ai pas de filtre : ce que tu vois, ce que tu entends, c’est ce que je suis, et c’est comme ça que j’ai autant d’interaction avec mes auditeurs. C’est une relation géniale, comme si j’étais l’amie qu’ils n’ont jamais rencontrée en vrai, tu n’imagines pas combien j’ai de habibis [ndlr : habibi signifie mon bébé/mon chéri/mon amour, au Liban c’est utilisé comme marque d’affection ou de politesse dans de très larges contextes, pas seulement dans le cadre amoureux]. »
« Tu sais quelle est ta valeur en tant que personne »
Ce qui la motive également, c’est de pouvoir donner une autre perspective à entendre. Sarah a fait de l’insolence, ou en tous cas de sa liberté de parole et de ton sa marque de fabrique.
« Pour la fête des mères, j’ai pris l’antenne en demandant « Hey le Liban, tu sais ce qui serait le meilleur cadeau pour les mamans ? Avoir la possibilité de transmettre leur nationalité à leurs enfants [ndlr : seuls les hommes peuvent transmettre la nationalité libanaise, nous y reviendrons dans un autre article]. »
D’ailleurs, s’il y avait des choses qu’elle avait le pouvoir d’améliorer ce serait en priorité la défense de la liberté de parole et la fin du harcèlement sexuel – qu’elle a subi dans un cadre professionnel, dénoncé, sans que rien ne soit fait.
Constatant l’assurance qu’elle dégage, je lui fait part de mon admiration.
« C’est parce que je n’ai pas toujours été assurée. À l’école, je n’étais pas du tout comme ça, je cherchais l’attention pour de mauvaises raisons…
C’est seulement à 21 ans que j’ai réalisé et que je me suis dit « hey, réveille toi : fais ce que tu as envie de faire, tes parents ne sont pas tes ennemis. Tu peux faire ce que tu veux sans honte parce que tu sais quelle est ta valeur en tant que personne.
J’ai juste arrêté d’accorder de l’importance à des choses qui n’en avaient pas. Tant que je ne tue personne, je suis bien avec moi-même. »
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Cependant elle est aujourd’hui très consciente de sa capacité à inspirer, en particulier les plus jeunes. C’est la raison pour laquelle on ne la verra jamais avec une cigarette sur son compte Instagram :
« Ce n’est pas parce que j’ai de mauvaises habitudes qu’il faut que d’autres les adopte. »
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Alors elle préfère alimenter son compte avec des projets comme celui de cette photo « non flatteuse » dont la légende fait état des choses qu’elle n’aime pas chez elle.
« Le but est de montrer que personne n’est parfait et qu’il n’est nul besoin d’être parfaite. »
Une envie d’indépendance
Sarah a tout juste 28 ans et ses ambitions sont loin d’être assouvies. Lorsque je lui demande ce qu’elle envisage plus tard, elle me répond qu’elle ne sait pas.
« Je m’épanouis dans le fait de ne pas savoir ce qui m’attend précisément. Je dis toujours quelque chose que je tiens de ma prof de théâtre à l’université : « ne t’inquiète pas si tu ne sais pas ce que tu veux, il suffit de savoir ce que tu ne veux pas. »
Et ce que je ne veux pas, c’est continuer de travailler pour d’autres personnes : je veux être indépendante. Donc je veux avoir ma propre organisation.
Ce que ce sera, je n’en ai aucune idée pour l’instant, mais je veux créer quelque chose de l’ordre d’une ONG – je suis moins intéressée par l’entrepreneuriat, je veux avoir un vrai impact social. »
Un impact qu’à mon humble avis, elle a déjà via sa capacité à inspirer les plus jeunes !
- À suivre : Harass Tracker, un site de prévention qui ne se contente pas de traquer les harceleurs de rue
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Les Commentaires
(Il y a juste une petite faute je crois à "ce n’est pas parce que j’ai de mauvaises habitudes qu’il faut que d’autres les adoptent" )
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