Avant sa mort tragique en 2010, Lee Alexander McQueen avait travaillé main dans la main avec Sarah Burton durant des années, l’adoubant personnellement pour qu’elle prenne sa succession. C’est ce qu’elle a fait brillamment, et peut-être un. peu trop scolairement d’après les personnes les plus critiques, durant treize ans. De stagiaire à bras droit du fondateur de la maison, Sarah Burton a assuré la direction artistique d’Alexander McQueen de 2010 à 2023 en toute discrétion, laissant ses collections servir de coups d’éclat, se tenant toujours plus loin des gros égos du fashion circus et des médias.
Pourquoi Sarah Burton quitte Alexander McQueen
Alors qu’elle s’apprête à présenter son opus Alexander McQueen printemps-été 2024 lors de la Paris Fashion Week le samedi 30 septembre 2023 à 18h30, il s’agira donc de la dernière collection de Sarah Burton pour la maison, ce qui promet d’être émouvant et collector. Nul ne sait pourquoi cette grande discrète quitte ses fonctions, mais les spéculations vont déjà bon train pour savoir où elle ira ensuite, et surtout qui la remplacera.
Au fait, c’est quoi l’histoire de la maison Alexander McQueen que quitte Sarah Burton ?
Pour comprendre pourquoi les attentes étaient à la fois si hautes et inégalables au sein de cette maison aujourd’hui propriété du groupe Kering, il faut en refaire l’historique.
Qui était Lee Alexander McQueen ?
Tout commence avec Lee Alexander McQueen (né le 17 mars 1969 à Londres et mort le 11 février 2010 à Mayfair), fils de parents prolétaires qui grandit dans un quartier populaire secoué par les turbulences familiales. Pour se canaliser, il suit des stages chez des tailleurs de Savile Row, ce qui le passionne et lui donne envie de suivre des études de mode, ce qu’il fait à la prestigieuse Central Saint Martins College of Art and Design. En 1992, il présente sa collection de fin d’étude inspirée de Jack L’Éventreur (et intitulée Jack the Ripper Stalks His Victims), où le retrouvent déjà tous les codes qui feront son succès : un tailoring aiguisé au service d’inspirations horrifiques et mélancoliques. Il tape aussitôt dans l’œil de la journaliste mode Isabella Blow qui lui achète tout, ce qui l’aide à financer la création de sa propre marque aux collections toujours plus osées et sombres.
Lui qui passait son temps à dire qu’il voulait que les gens aient peur des femmes qu’il habille, s’inspire tantôt de films comme Taxi Driver, The Birds, The Hunger, tantôt d’événements historiques tragiques comme son opus Highland Rape, sur les violences anglaises contre l’Écosse, en particulier lors des soulèvements jacobites et les nettoyages des Hautes terres au XVIIIe siècle. Cette collection controversée lui vaut d’ailleurs sa nomination à la direction artistique de Givenchy (propriété du groupe LVMH) en 1996, ce qui le surcharge de travail, et aggrave ses problèmes de santé mentale, dont des addictions.
En 2000 il signe avec fracas un accord avec le Gucci Group (devenu depuis Kering) pour se reconsacrer uniquement à sa propre maison, mais cela s’accompagne de nouvelles pressions commerciales (davantage de maroquinerie, des lunettes de soleil, l’homme dès 2004, et la marque de diffusion McQ dès 2006). Alors qu’on aurait pu lire dans ses collections allant crescendo dans une forme de poétique de l’horreur des signes de détresse, il salue à l’issue de son sommet créatif qu’est Plato’s Atlantis (premier défilé diffusé en livestream de l’histoire) en octobre 2009 avant de se donner la mort, notamment parce qu’il était trop affecté par le décès de sa mère.
En 2010 c’est son bras droit, Sarah Burton, entrée comme stagiaire dans la maison des années auparavant, qui lui succède. Même si elle en manie les codes à la perfection (inspirations animalières, tailoring toujours plus aiguisé, et esthétique aussi punk que mélancolique), et qu’elle signe des coups d’éclat médiatiques (comme la robe de mariée de Kate Middleton) et des succès commerciaux (comme les sneakers à plateforme oversize), il semble mission impossible de remplacer un tel poète torturé. C’est donc après avoir passé 27 ans là-bas, dont 13 en tant que DA qu’elle tire sa révérence.
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Qui va remplacer Sarah Burton à la direction artistique de Alexander McQueen ?
Sauf que l’entreprise appartient au groupe Kering qui a tout intérêt à faire perdurer la marque qui vend des baskets comme des petits pains, ce qui laisse présager que Sarah Burton sera bientôt remplacée. À noter que le PDG de ce groupe de luxe François-Henri Pinault opère plusieurs changements stratégiques, face notamment au ralentissement des performances de Gucci (dont le nouveau DA Sabato De Sarno présentera sa première collection très attendue le 22 septembre 2023), comme tenter d’obtenir Valentino alors qu’il vient d’acquérir une participation majoritaire dans Creative Artists Agency.
Les rumeurs murmurent déjà les noms de Riccardo Tisci (DA de Givenchy de 2005 à 2017, puis de Burberry de 2018 à 2022), de Robert Wun (jeune créateur né à Hong Kong, basé à Londres où il a fondé sa propre marque en 2014) et de Dilara Findikoglu (jeune créatrice turco-britannique qui défile seulement depuis septembre 2019).
Le dernier défilé de Sarah Burton pour Alexander McQueen sera présentée lors de la Paris Fashion Week le samedi 30 septembre 2023 à 18h30.
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Les Commentaires
Et je suis entièrement d'accord avec toi, ça devient relativement désolant de voir des maisons artificiellement maintenues en vie pour continuer à en tirer un maximum d'argent. Mais ce n'est pas près de changer tant que ça continue à rapporter gros