Initialement publié le 6 juin 2020
Je l’ai toujours su : je suis née à la mauvaise époque.
J’aurais voulu grandir en pantalon boule-épaulettes en secouant ma coupe mulet au rythme du murmure de la ville et de ses machines molles.
Et la semaine dernière, en passant une semaine sans mon téléphone portable chéri, j’ai pu toucher du bout des doigts mon rêve.
Vivre ma passion pour les années 80
Leur côté rétro m’a toujours obnubilée, à tel point que je connais mieux les chansons de l’époque que mes propres parents, qui y ont pourtant grandi.
Je me passionne toujours pour la tension dramatique des histoires de cette génération : le stress de retrouver Michel à la disco mobile, l’attente désespérée de l’appel de Virginie pendant des heures devant le téléphone familial, l’envoi de lettres enflammées à Patrick et dévastatrices à Joël…
Tension dramatique rendue impossible pour moi à cause de ma bernique de téléphone portable qui communique en permanence avec mes proches et documente ma vie pour mes (nombreux !) fans.
Alors quand jeudi soir un jeune homme m’a arraché cette extension de mon bras, j’aurais pu me souvenir de ma passion pour le drama à la Dallas des années 80 et remercier mon voleur, mais mon premier instinct fut de le courser en hurlant.
Il est tombé, impressionné par mon mètre 63 chaussé de claquettes fusant derrière lui, et j’ai pu récupérer mon téléphone…cassé.
Pendant le temps de la réparation (5 jours), alors que j’aurais pu emprunter un ancien iPhone de Mymy, j’ai choisi l’aventure. J’ai choisi la vie. J’ai choisi de vivre l’aventure sans téléphone.
De l’impossibilité de vivre sans téléphone en 2020
Le problème c’est que ma décision soudaine de vivre mon rêve tout de tergal fait n’a pas arrêté 2020 dans sa course folle.
Et lectrice, je te l’assure, c’est terriblement difficile de survivre sans téléphone dans un monde de millenials tik-tokeurs
.
Alors que je venais tout juste de me transformer en femmes des années 80 jusqu’au bout de seins, et j’avais oublié que je ne possédais pas de montre. Quel intérêt quand mon fidèle Xiaomi me donne l’heure même quand je ne la demande pas ?
Me voici donc hors de chez moi, hébétée et hors du temps, tentant de me repérer avec les astres et la mousse sur les arbres. Les passants me dévisagent avec des yeux ahuris quand j’ose les interpeller.
Où sont donc tous les cadrans solaires ?
Et comme si cette histoire d’horaire n’était pas suffisante, mon téléphone vient encore à manquer.
Moi qui me serais bien vue arpenter la ville avec mon vélo façon Stranger Things, voilà que pour débloquer une bicyclette, la station Vélib’ me demande un code de confirmation qu’elle m’a envoyé, je te le donne en mille… SUR MON TÉLÉPHONE.
Redécouvrir les transports parisiens
Me voilà donc orpheline du Vélib’, dans le tramway. Et je n’ai même pas de walkman pour me faire oublier que je ne peux plus ouvrir Instagram toutes les 13 secondes.
Je ne peux même plus sourire aux beaux gosses, car 2020 oblige, mon masque recouvre ma dentition de star.
Alors je regarde par la fenêtre les bâtiments défiler, et je fais des oh et des ah, parce que c’est beau la périphérie parisienne. Je m’ennuie, je réfléchis, j’observe, comme c’est plaisant ce silence intérieur !
Mais au bout de 4 minutes, j’avoue que je commence à me faire chier. Et il m’en reste 36 jusqu’à l’arrêt visé.
Je fais tout de même quelques découvertes intéressantes : sur la ligne T3b, la majorité des arrêts sont nommés en l’honneur de femmes connues : Diane Arbus, Colette Besson, Rosa Parks, Ella Fitzgerald…
Si je trouve l’initiative superbe, je n’ai toujours pas de téléphone pour checker les noms de celles que je ne connais pas. J’imagine qu’il faudra que je cherche dans le dico ce soir en rentrant.
En sortant des transports, je me rends compte que les rues aussi, ont des noms ! Et moi qui croyais qu’il s’agissait seulement d’axes bleus tracés sur mon GPS…
Comment retrouver Michel à la disco ?
T où ?
Partage-moi ta localisation.
J’arrive.
Ces trois messages me manquent cruellement.
Car une fois à l’extérieur de chez moi, loin de mon minitel/MAC, je suis paradoxalement coupée de toute communication extérieure.
Si je veux rejoindre des amis, il faut que je définisse à l’avance un point de rendez-vous ULTRA précis.
Quand je quitte mon appartement, j’envoie un « je pars » et un frisson délicieux me parcourt.
Et si je n’arrivais jamais ? Et si je ne trouvais pas le chemin ? Et si ces mots étaient les derniers ? Devrais-je dire à mes parents que je les aime avant de partir ?
L’adrénaline m’arrache un sourire et je claque la porte après avoir vérifié 8 fois que je n’ai rien oublié.
Comme je ne possède pas d’imprimante, mes mains se couvrent d’annotations à l’encre et mes avant-bras de plans qui ne respectent pas franchement les échelles. On dirait une élève de maternelle en échec scolaire.
J’avais très peur de mon non-sens de l’orientation, mais je tiens à te dire, lectrice, que pas une fois je n’ai perdu le nord. À moi l’annuaire Michelin !
Et me voilà à passer des après-midi entiers avec mes amis, à rire sans voir le temps passer, à profiter des bons moments sans faire de stories pour prouver à tout le monde que je m’amuse et que mes potes font bien la cuisine.
Quelle heure est-il ? Doux Jésus, il est grand temps de rentrer !
En arrivant chez moi, je suis un peu surexcitée. À qui ai-je manqué aujourd’hui ? Qui m’aura envoyé des messages, se sera inquiété pour moi ?
Personne.
Franchement, les années 80, j’espère que c’était mieux dans les années 80.
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Les Commentaires
D'accord, je conçois la difficulté pour ceux qui ont baigné dedans de s'en passer et c'est vrai que c'est parfois "handicapant" dans la vie sociale quand on me demande mon WhatsApp pour me communiquer des trucs (bon j'ai un mail, j'ai Internet, je ne vis pas avec des bougies non plus). C'est rageant quand tu veux commander un truc et qu'il faut absolument un numéro de portable pour valider ton machin (va te faire foutre je commande ailleurs), mais franchement, ça ne me fait pas envie du tout. Quand je vois le nombre de couples au resto qui ne s'adressent pas la parole et passent la soirée sur leur téléphone (non je n'exagère pas), je suis effarée. Bon chacun est libre de faire comme il veut mais je trouve ça juste dommage.
Internet facilite la vie, oui on devait se mettre d'accord pour sortir avec les potes avant, mais ça n'enlevait rien à la spontanéité ou à la convivialité.
Moi je vis très bien sans téléphone en 2020 et je ne suis pas prête de changer. Oui c'est encore possible aujourd'hui de vivre dans les années 80