« Le premier personnage ouvertement gay de Disney ! »
Ce titre d’article vous dit quelque chose ? C’est tout à fait normal. Depuis quelques années, les « premiers personnages LGBTI+ de Disney » ont la cote. Si on sort notre calculette, l’entreprise à la souris et les studios sous sa houppe — comme Marvel, Pixar ou Lucasfilm – ont annoncé ce moment historique environ… sept fois !
Clignez des yeux et vous manquerez ces « représentations LGBTI+ chez Disney »
En 2017, le réalisateur Bill Condon déclare que sa version en prises de vues réelles de La Belle et la Bête contient un « joli moment exclusivement gay dans un film Disney » avec le personnage joué par Josh Gad, LeFou. Ce « joli moment » à la toute fin du film ? LeFou en train de danser avec un autre homme. Rien de très explicite…
En 2019, rebelote avec le « premier personnage gay dans un film Marvel ». Steve Rogers et Bucky Barnes auraient-ils enfin consommé leur amour ? Non, l’homme en question — joué par l’un des deux réalisateurs — apparaît brièvement dans un groupe de soutien pour les personnes ayant perdu leurs proches après le snap de Thanos, et mentionne simplement que son mari a disparu.
Star Wars : L’Ascension de Skywalker nous offre le premier baiser lesbien dans l’espace (quelques secondes entre deux extras). Dans Toy Story 4, un couple lesbien vient récupérer son enfant à l’école (au fond du décor). Dans En Avant, une policière parle de sa petite-amie (lors d’une seule et unique réplique).
Certains internautes n’ont pas hésité à pointer du doigt l’ironie de la situation. Et ça donne par exemple ce tweet si juste :
« regardez ! c’est le premier personnage gay de Disney ! [le personnage n’est pas réellement montré comme étant gay] ah, zut. regardez ! c’est le premier personnage gay de Disney ! [le personnage n’est pas réellement montré comme étant gay] ah, zut. regardez ! c’est le prem… »
Vous le constatez, ces personnages n’ont rien d’historique et sont souvent oubliables voire carrément effaçables de l’histoire des films. Avec Cruella (le 23 juin au cinéma), on espérait que Disney ait appris de ses erreurs, mais…
Cruella, encore une occasion manquée pour Disney ?
D’après les critiques de nos confrères américains, ce n’est pas avec
Cruella que la représentation LGBTI+ chez Disney va s’améliorer.
Certains médias avaient annoncé la présence d’un (énième) « personnage gay dans ce Disney » sur le passé de la méchante des 101 Dalmatiens. Joué par un acteur ouvertement homosexuel, John McCrea, Artie — le personnage en question — s’occupe d’un magasin de vêtements vintage et a un look glam-rock à la David Bowie. Quant à son orientation sexuelle, voilà ce que répond McCrea dans une interview à Attitude :
« Cela dépend à qui vous demandez, je suppose, mais pour moi, oui, c’est officiel : il est gay. Cependant, on ne le voit pas tomber amoureux, il n’y a pas de dimension sociale au personnage. On ne vous met pas le nez dedans. »
Il semble donc que le problème reste le même : il n’est jamais dit explicitement qu’Artie n’est pas hétérosexuel dans le film ; c’est au spectateur, s’il le souhaite, d’avoir cette lecture de ce personnage « au style de vie fabuleux » pour reprendre les mots de John McCrea.
En draguant tièdement les communautés LGBTI+, Disney joue sur tous les tableaux
L’objectif de Disney est simple : s’attirer une bonne presse en ayant l’air progressiste et impliqué dans la cause LGBTI+, et d’un autre côté… continuer à faire un maximum de profit. L’entreprise donne clairement dans le pinkwashing – une stratégie commerciale consistant à se donner une image proche de la cause LGBTI+ – et le queerbaiting, le fait « d’appâter les publics LGBTI+ » en leur promettant une représentation qui se révèle décevante.
Car pour faire du profit, Disney ne doit pas froisser son audience conservatrice, aux États-Unis mais aussi dans des pays comme la Chine qui a l’habitude de censurer des films. C’est pour cela que ces personnages LGBTI+ ne mentionnent leur orientation sexuelle que dans une phrase ou lors d’une scène que l’on peut facilement enlever au montage… ce qu’a d’ailleurs fait Disney en coupant la scène de baiser lesbien du dernier Star Wars pour sa diffusion à Singapour (où le mariage pour tous est interdit et où les relations sexuelles entre deux hommes sont passibles de deux ans d’emprisonnement).
Bref, Disney joue sur les deux tableaux.
Et si beaucoup de médias (spécialement dédiés aux communautés LGBTI+ ou non) reprennent ces informations de « premier personnage gay », c’est sûrement car la représentation LGBTI+ est tellement faible dans ces films qu’une simple annonce peut être accueillie avec enthousiasme… On peut se dire « c’est mieux que rien ».
Mais en 2021, le public mérite une meilleure représentation et est souvent frustré par ces effets d’annonce, comme l’explique la journaliste Briana Lawrence sur le site The Mary Sue — et nous lui laissons le dernier mot, car l’amertume qu’elle évoque est palpable.
« Nombreux sont ceux qui ne tiennent pas compte de l’ensemble du travail qu’il faut accomplir pour essayer d’être inclus dans les médias que nous aimons, et de l’amertume qu’il y a à se voir promettre la même chose, pour finalement se retrouver à l’arrière-plan de l’histoire. »
À lire aussi : Avec #GiveElsaAGirlfriend, les internautes réclament plus de diversité chez Disney
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Les Commentaires
Il y a aussi beaucoup de gens qui voient du queer baiting dans Raya et le dernier dragon entre Raya et Namaari.