Mise à jour du 19 juin 2016 — Maude Vallet a posté un nouveau message sur son profil Facebook, pour apporter une mise au point salutaire, en réaction à certains commentaires récurrents qu’elle a pu lire.
« Je n’ai pas parlé de l’origine de ces filles et c’est normal : on s’en contrefout »
Sans détour, la jeune femme explique pourquoi elle n’a pas mentionné dans son témoignage l’origine des filles qui l’ont agressée. Spoiler alert : c’est parce que ce détail n’a aucune pertinence dans ce récit.
« Elles étaient françaises, et là n’est pas le débat »
« Vous êtes nombreux à avoir remarqué que je ne parlais pas de l’origine de ces filles. En fait, c’est tout à fait normal : on s’en contrefout. Elles étaient françaises, et je m’en fiche royalement de savoir de quelle ethnie ou de quelle religion elles provenaient. Parce que là n’est pas le débat. »
Ce n’est pas « la religion » ou une quelconque « culture étrangère » qui serait au coeur de cette altercation, mais bien le sexisme ordinaire, si prégnant dans la société. On le retrouve aussi dans certains préceptes ou morales religieuses, mais il n’a pas besoin de ce prétexte pour s’imposer dans les moeurs, ainsi que Maude l’explique très bien :
« Le problème est bien plus profond qu’une simple question de religion : ce sont des mécanismes du patriarcat qui ont été vraisemblablement très bien ingérés et re-vomis sur la première femme à découvrir son corps qui passait.
J’ai eu d’ailleurs énormément de retour de femmes me signalant qu’elles ont, elles aussi, été insultées voire pire pour une tenue jugée indécente, que ce soit par des personnes âgées, des mères de famille, des proches, de parfaits inconnus hommes ou femmes et j’en passe. »
Il est vraiment temps d’ouvrir les yeux sur le fait que notre propre « culture » française laïque EST sexiste, et que d’attribuer ces comportements à ces « autres » nécessairement « étrangers » et/ou « de culture étrangère » à la nôtre, c’est de la xénophobie.
« On a tous, et je m’inclus dedans, déjà insulté une fille pour ses vêtements »
Pour celles et ceux qui auraient du mal à prendre conscience de ce biais, Maude analyse le fond du problème. Après tout, quand bien même nos morales personnelles nous amèneraient à considérer certaines tenues ou comportements comme plus ou moins appropriés, rien ne nous autorise pourtant à imposer cet avis à la personne qui entre dans notre champ visuel, et encore moins à exiger d’elle qu’elle revienne sur ses choix à cause de vous !
« Tout cela ne nous regarde pas »
« Et c’est ca, le problème que je veux pointer : le fait qu’on puisse trop facilement juger la valeur, la sexualité et la respectabilité d’une femme selon la façon dont elle s’habille, son comportement et la manière dont elle mène sa vie sexuelle. Tout cela ne nous regarde pas.
C’est son choix et nous n’avons aucunement le droit de l’inquiéter de notre avis car croyez moi, ELLE S’EN FOUT PUISSANCE 10 MILLIONS. Malheureusement, on a tous, et je m’inclus dedans, déjà insulté une fille de « pute », de « salope » ou de « shagasse » pour ses vêtements ou ses moeurs. Et il faut prendre conscience que c’est injuste. »
Si ce n’est toujours pas clair, un petit détour par le double-standard permet de voir le problème bien plus clairement. Une fille « qui ne se respecte pas », j’ai bien une image mentale qui me vient. Mais « un homme qui ne se respecte pas », ça ressemble à quoi ?
« Aucune tenue ne mérite ni ne justifie une telle violence »
« Parce qu’on ne dit pas d’un homme qu’il est en chien quand il met des débardeurs moulants, parce qu’on dit qu’il est un champion quand il se tape une meuf à une soirée, quand on blâme la femme et qu’on la qualifie de « FILLE FACILE » qui ne se respecte pas.
Alors j’ose espérer que mon post aurait suscité de semblables réactions si je portais un décolleté prononcé, si je montrais mon ventre, que mon short était bien plus court ou encore si j’étais voilée. Aucune tenue ne mérite ni justifie une telle violence. »
Bien entendu, quand on dénonce le slut shaming, on dénonce aussi l’extrême inverse : reprocher à une personne sa tenue pour la traiter de « prude », ça n’est pas mieux.
Maude a porté plainte
Maude a porté plainte, mais sans grands espoirs de la voir aboutir. Néanmoins, sans l’attention médiatique entraînée par la diffusion virale de son post, elle n’aurait même pas pu déposer plainte. Grâce à son post, elle a retrouvé six témoins dont l’homme qui lui a porté assistance.
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L’étudiante termine sa mise à jour et mise au point par un message empouvoirant : on va pas attendre la permission de vivre notre vie comme on l’entend. Et si on se prend des bâtons dans les roues, passons outre :
« Prenez soin de vous et ne vous empêchez jamais de porter quoi que ce soit dont vous avez envie « pour les autres ». Ce n’est pas ces « autres » qui vous rendront heureux et libres. Élevez la voix, vous le méritez. »
Merci Maude pour ces mots pertinents et inspirants !
Article initialement publié le 14 juin 2016 —
Maude Vallet a dix-huit ans, elle est en hypokâgne à Toulon, où elle vit. Lundi vers 17h, elle quitte la plage pour aller prendre le bus.
Et c’est là que les ennuis commencent. Elle me raconte :
« C’était un trajet très banal, mais je me suis retrouvée encerclée par plusieurs filles. Il ne se passe rien pendant une dizaine de minutes, mais l’une d’entre elles me regarde vraiment très mal, et finit par me dire :
« Mais pourquoi tu portes des shorts aussi courts ? C’est quoi ton problème ? »
Là, les insultes commencent à fuser, mêlées à des accusations de non-respectabilité.
Elles insistent, me disent que « je ne me respecte pas ». C’est allé loin, l’une d’elles m’a craché sur la sandale, j’ai été menacée de coups…
Je suis allée vers le conducteur, et personne ne réagissait alors que le bus était blindé ! Elles continuaient de m’invectiver, à base de « pute » et de « hé culotte ! » (mon short étant, selon elles, si indécent que c’était un sous-vêtement).
La situation devient insupportable pour Maude, qui se décide à quitter le bus pour s’extraire de la situation :
« Je choisis un arrêt où je sais qu’il y a du passage, parce que j’avais un mauvais pressentiment. Et effectivement, elles m’ont suivie, elles ont continué à m’insulter.
J’ai interpellé un homme sur mon passage pour qu’il m’accompagne dans un commerce, elles ont attendu une quinzaine de minutes avant de partir.
Je suis finalement allée reprendre le bus, en prévenant le chauffeur de ce qu’il s’était passé. Il a passé un message radio, et m’a assuré que si les filles m’attendaient à un autre arrêt, il ne les laisserait pas monter.
Elles voulaient me frapper, ou au moins me faire très peur. »
Elles auront surtout réussi à rendre Maude très en colère — une colère qu’elle a eu besoin d’exprimer sur Facebook, avec un post qui a été partagé plus de 10 000 fois depuis sa publication, hier soir.
« Bonjour je suis une salope » ; enfin, c’est ce short qui le dit…
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« Ça m’est déjà arrivé, mais jamais par des meufs ! »
J’ai pris contact avec Maude pour en savoir plus sur son état d’esprit, et ce qui avait motivé l’écriture de son post. Le harcèlement de rue étant une épuisante banalité, est-ce que ça vaut vraiment la peine qu’on s’énerve encore ?
Oui, parce que ce n’est toujours pas normal, qu’on ne va pas s’y habituer, et surtout, parce que ça reste une première, pour Maude.
« Ça m’est déjà arrivé de me faire harceler, mais jamais par des meufs ! Que ce soit des femmes qui crachent sur leur liberté, ça me choque ! »
Et pourtant, si le harcèlement de rue reste une discipline essentiellement masculine, le slut-shaming est une pratique complètement mixte ! Hommes ET femmes sont encore nombreux•ses à avoir la détestable habitude de juger la sexualité ou les moeurs d’une femme sur la base de sa tenue vestimentaire.
Vraiment les filles, je crois qu’on subit déjà suffisamment de pressions de toutes parts sur notre apparence, pour ne pas en rajouter entre nous.
Pour rappel, la longueur d’une jupe, d’un short, la profondeur d’un décolleté, rien de tout ça n’est une indication de quoi que ce soit sur la personne qui porte le vêtement qui vous déplaît. Que vous soyez un homme ou une femme, vous n’avez pas à émettre de jugement sur la tenue d’autrui dans l’espace public, et certainement pas à insulter, menacer voire carrément agresser la propriétaire des fringues en question.
Remémorez-vous cette photo de jupe, qui a servi à illustrer une discussion sur le slut shaming. On ne gagne jamais à ce jeu…
L’histoire ne s’arrêtera peut-être pas à un coup de colère sur Facebook : le post de Maude a eu une telle visibilité que des témoins de la scène se sont manifestés auprès de la jeune femme. Pour l’heure, elle réfléchit à aller porter plainte.
À lire aussi : « La jupe double peine », mais pas celle que vous croyez
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